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13/02/2025 | FRANCE | N°22LY00084

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 13 février 2025, 22LY00084


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 janvier et 29 novembre 2022, l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc (APPEM), M. A... G..., M. M... G..., Mme J... G... épouse C..., Mme K... G... épouse E..., M. D... E..., Mme I... E..., Mme L... F..., M. O... N..., Mme B... N... représentés par Me de Bailliencourt, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Ardèche a délivré à la société du Parc éolien de Lavillatte une au

torisation environnementale d'exploiter une installation de production d'électricité utilisan...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 janvier et 29 novembre 2022, l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc (APPEM), M. A... G..., M. M... G..., Mme J... G... épouse C..., Mme K... G... épouse E..., M. D... E..., Mme I... E..., Mme L... F..., M. O... N..., Mme B... N... représentés par Me de Bailliencourt, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Ardèche a délivré à la société du Parc éolien de Lavillatte une autorisation environnementale d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur la commune de Lavillatte (07137) ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir ; notamment, le territoire de la commune de Lavillatte, sur lequel est situé le parc éolien projeté, entre dans le rayon d'action de l'APPEM qui est tracé sur la carte annexée à ses statuts ;

- la concertation préalable de novembre 2017 a été insuffisante et n'a pas respecté les exigences de l'article L. 121-6 du code de l'environnement ; les éléments de réflexion recueillis lors de la concertation de 2008 pour le parc " Montagne Ardéchoise-Nord " de huit éoliennes étaient manifestement obsolètes et nécessitaient d'être réexaminés ; quelques acteurs locaux n'ont pas pu y participer ; le bilan de concertation comporte des inexactitudes et insuffisances ; la concertation préalable n'a pas porté sur le projet de quatre nouvelles éoliennes ;

- la demande d'autorisation présente des lacunes et incohérences ; les délibérations du conseil de Lavillatte des 22 avril et 26 août 2016 et le vote des électeurs de la section de commune sont irréguliers ; tant le conseil municipal de Lavillatte lors de sa séance du 22 avril 2016 que les électeurs de la section se sont prononcés sur un projet de parc éolien (trois éoliennes) qui n'était pas celui qui a finalement été autorisé (quatre éoliennes) ; les électeurs de la section de commune n'ont pas voté sur l'éolienne n° 10 située sur la parcelle A 341 ; le conseil municipal ne pouvait donc pas valablement, par sa délibération du 26 août 2016, autoriser le deuxième maire adjoint de la commune à signer la promesse de bail et la constitution de servitude ; il y a violation de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ; la délibération du 22 avril 2016, qui n'était pas jointe au dossier de demande d'autorisation environnementale, est elle-même entachée d'une irrégularité dès lors que le secrétaire de mairie s'est substitué au maire pour présenter l'objet de la délibération, alors qu'il n'était pas compétent pour le faire ;

- l'étude d'impact est insuffisante sur plusieurs points ;

- elle n'a ainsi pas précisé si le raccordement au poste de " Langogne " nécessitait d'effectuer des travaux au sein du poste ou à ses abords ;

- il n'a pas été justifié de la délimitation des prospections naturalistes préalablement à l'implantation des éoliennes ni été tenu compte de la piste à créer dans la plantation de Lespèron ;

- le carnet de photomontage était insuffisant et trop complexe ; l'effet cumulé du projet avec les autres parcs existant aux alentours et totalisant déjà soixante-quatre éoliennes n'a pas été apprécié ; les cartes de visibilité théoriques réalisées dans le cadre de cette étude d'impact sont trop techniques ; il n'a pas été justifié de la hauteur de végétation et de bâtiments retenue par ces cartes ;

- le suivi radar des migrations post-nuptiale et pré-nuptiale qui date de 2006 et 2007 est trop ancien ;

- pour qualifier plusieurs habitats de zones humides, l'étude d'impact a fait application de critères botaniques sans recourir aux critères pédologiques ;

- les stations de deux espèces protégées présentes dans la zone d'implantation du parc éolien - Myosotis de Balbis et Séneçon à feuilles en spatule- ne sont pas pointées ;

- il n'est fait état d'enjeux que modérés alors que cinquante-et-une espèces d'oiseaux sont présentes ; l'analyse sur la migration repose sur des données remontant à 2006 et 2007 avec une technologie ancienne de suivi par radar, complétée par plusieurs sessions d'observations spécifiques entre 2016 et 2017 selon un calendrier inadapté, alors que le site est à proximité d'un axe migratoire secondaire d'importance régionale et locale ; l'étude d'impact n'a pas défini les pressions d'observations, les conditions météorologiques et de modalités de suivi ; les résultats du suivi de mortalité du parc existant ont conduit à estimer une mortalité moyenne comprise entre six et neuf oiseaux par éolienne en 2018, l'impact n'étant pas faible ; il n'y a pas eu d'analyse des effets cumulés du projet de parc avec les parcs adjacents existants sur la migration post-nuptiale de l'avifaune ; il n'y a pas de complément d'analyse sur le bridage soumis à enquête ;

- s'agissant des chiroptères, l'étude d'impact n'a pas correctement qualifié l'enjeu présenté comme faible ; 90 % de l'activité y est enregistrée lors de vents inférieurs à cinq mètres par seconde lorsque la température est comprise entre 14 et 19°C ; l'analyse des risques s'en trouve faussée ;

- le dossier est incomplet sur les impacts résiduels sur les milieux naturels et la biodiversité, la faune et la flore ;

- l'étude est lacunaire sur les volets acoustique et hydrogéologique ;

- malgré l'enquête publique entre les 19 octobre et 20 novembre 2020, le public a été insuffisamment informé ; l'absence d'information sur l'enquête publique est caractérisée ; elle a eu lieu pendant le deuxième confinement ; plusieurs personnes n'ont pu se connecter sur le site des enquêtes publiques par internet ; ces difficultés auraient conduire à une prolongation de la durée de l'enquête en application de l'article L. 123-9 du code de l'environnement ; le bulletin d'information distribué les 18 et 19 septembre 2020 dans les boites aux lettres des habitations de chacune des communes concernées était très flou ;

- le projet s'inscrit dans un contexte hydrographique très sensible et la zone d'implantation se situe dans la zone d'alimentation immédiate des sources de la Méjeanne, et inclut une partie des zones humides associées, particulièrement sensibles à toute modification des écoulements superficiels à leur amont immédiat ; le projet est proche notamment des tourbières de Sapeyre et des Sagnes, les éoliennes n° 10 et 12 jouxtant des zones humides, rien ne permettant de dire qu'elle n'empiètent pas dessus ; l'article 4.1.1 ne fait que le constat erroné de l'évitement des zones humides ; le SRADDET de la région Auvergne-Rhône-Alpes et le projet de SCoT de l'Ardèche méridionale définissent des objectifs de préservation des zones humides, de la biodiversité ou des paysages et de maîtrise du développement de l'éolien industriel ; il y a violation des articles L. 211-1 et 511-1 du code de l'environnement ;

- le risque d'atteinte à la sécurité publique est caractérisé, notamment du fait de la situation de l'éolienne n° 10 à proximité de la RN 102 et du chemin de Belvezet, et des effets de la déforestation ; l'arrêté ne comporte aucune mesure spécifique à cet égard ; la zone identifiée sur le site d'implantation de l'éolienne n° 10, qui est gorgée d'eau en surface, constitue une zone humide au sens de la définition qui en est donnée à l'article L. 211-1 ; la zone humide identifiée sur le terrain d'implantation de l'éolienne n° 11 a une fonction écologique importante et doit, pour cette raison, être conservée et protégée ; une atteinte risque d'être portée aux fonctionnalités de ces réservoirs de biodiversité ;

- la zone d'implantation de parc éolien se situe au cœur d'un secteur très riche en biodiversité ; l'arrêté ne comporte aucune mesure permettant d'assurer la conservation du Myosotis de Balbis et du Séneçon à feuilles en spatule ; plus d'une cinquantaine d'espèces d'oiseaux ont été répertoriées sur la zone, dont des espèces d'oiseaux remarquables et potentiellement nicheuses telles que la locustelle tachetée, la pie-grièche grise, la chouette de Tengmalm, le busard cendré, le milan royal ou encore l'aigle royal ; le terrain d'accueil du parc éolien se trouve à proximité immédiate des endroits de nidification, de chasse et repos de ces espèces d'oiseaux ; rien n'est prévu pour limiter les risques de collision ; la mesure prévue au titre de l'article 4.2.2 ne permet pas d'assurer la protection des oiseaux ; le suivi avifaunistique prévu à l'article 6.2.1 ne constitue pas une mesure protectrice ;

- plus de soixante-quatre éoliennes sont aujourd'hui en fonctionnement dans les quatre parcs existant dans un rayon de dix kilomètres de la zone d'implantation, sans compter les installations hydro-électriques, de telle sorte que l'électricité produite est excédentaire ; une atteinte est ainsi portée à l'intérêt lié à une utilisation rationnelle de l'électricité ;

- le parc éolien projeté se trouve à l'entrée du Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche, qui comporte des sites remarquables et est un haut lieu du développement touristique ; il va porter atteinte en particulier aux monts Mézenc et Gerbier de Jonc.

Par des mémoires enregistrés les 10 octobre et 16 décembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Parc éolien de Lavillatte conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc (APPEM) et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- faute d'intérêt à agir, les requérants ne sont pas recevables à agir ;

- la concertation préalable n'était pas obligatoire ; de toutes les façons elle a volontairement organisé une concertation préalable ; elle a justifié, dans son dossier de demande, disposer de la maîtrise foncière et notamment de la parcelle A 341 accueillant l'éolienne n° 10 ; la parcelle A 341 mentionnée par les requérants figure bien parmi les parcelles listées dans le document annexé à la délibération du 26 août 2016 du conseil municipal de la commune de Lavillatte ; le projet de parc sur lequel se sont prononcés le conseil et les électeurs était bien celui en cause ici ;

- l'étude d'impact n'est pas insuffisante ; les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement n'imposent pas au pétitionnaire de préciser les modalités de raccordement des installations projetées au réseau électrique ; le périmètre de l'aire d'étude des prospections naturalistes est adapté ; l'étude paysagère est suffisante ; la présentation des photographie est claire ; il y a une analyse pertinente des effets cumulés avec les autres parcs ; les cartes de visibilité théorique, appuyées des photomontages, permettent de se faire une idée des atteintes éventuelles au paysage ; des sondages pédologiques complémentaires ont été réalisés en mars 2021, avec une attention particulière aux zones humides et des préconisations dans l'étude d'impact ; les habitats et zones humides dans lesquels se trouvent le Myosostis de Balbis et le Séneçon à feuille en spatule, qui sont identifiés, seront évités ; en plus des études de 2006, des inventaires de l'avifaune ont été réalisés en 2016 et 2017 ; il n'est pas démontré que certaines espèces présentes sur l'aire d'étude n'auraient pas été identifiées dans l'étude d'impact ; le caractère diffus de la migration sur le site a été confirmé en 2016/2017 ; il y a prise en compte de la superposition du site avec une ZNIEFF et une zone natura 2000 ; aucune incidence significative sur le busard cendré, le milan royal ou encore l'aigle royal n'est démontrée, que l'étude n'aurait pas relevée ; la méthodologie retenue pour la réalisation de l'inventaire s'agissant des espèces migratrices a été exposée ; il n'est pas justifié de ce que l'étude d'impact aurait à tort retenu un impact faible sur l'avifaune ; les effets cumulés du projet sur les espèces migratrices ont été pris en compte et aucune remise en cause n'est opposée ; s'agissant des chiroptères, la faiblesse des enjeux n'est pas sérieusement contestée ; le protocole de suivi est explicité et sera le cas échéant adapté à la suite de la mise en service de l'installation ; eu égard à des impacts résiduels non significatifs, des mesures compensatoires ne sont pas nécessaires compte tenu des mesures préventives mises en œuvre ; les variantes ont été envisagées ; l'étude acoustique prend en compte le parc existant ; il a été tenu compte des sources d'alimentation en eau potable (AEP) ;

- l'organisation d'enquêtes publiques et des permanences afférentes n'était pas interdite lors du confinement ; le public a été mis à même de consulter le dossier, y compris par internet, et de formuler des observations ; elle a respecté ses obligations règlementaires d'affichage et de publication ; elle a diffusé deux lettres d'information sur la tenue de l'enquête ;

- ni le SRADDET ni le SCOT ne sont directement opposables à l'autorisation litigieuse ; aucune atteinte à la sécurité publique ne saurait être relevée ; aucune atteinte aux zones humides n'est avérée ; même la carte de l'étude d'impact permet de constater que le projet, y compris les éoliennes n° 10 et n° 12, évitera les zones humides ; si la plateforme de l'éolienne E11 empiète très faiblement sur une micro zone humide, cette dernière ne présente aucun enjeu et des mesures additionnelles seront prises lors de la phase chantier de sorte qu'en définitive aucune atteinte ne sera portée à l'ensemble des zones humides ; il en est de même de la flore, de l'avifaune ou encore des chiroptères ; les zones humides accueillant le Myosotis de Balbis et le Séneçon à feuilles en spatule seront évitées et l'arrêté prévoit des mesures complémentaires en leur faveur ; aucune atteinte caractérisée n'est portée à l'avifaune, compte tenu en particulier des mesures d'évitement et de réduction ; le système de bridage prévu en faveur des chiroptères bénéficiera à l'avifaune ; le couloir migratoire n'est que diffus ; le risque est non significatif, même après prise en compte d'autres parcs ; le projet, qui s'inscrit dans un paysage vallonné, agricole et bocager, se situe à plus de sept kilomètres de l'extrême limite du Parc naturel régional (PNR), dans un environnement agricole et bocager ; l'atteinte paysagère est limitée, aucun effet de mitage ou de saturation du paysage ne pouvant être retenu ;

- aucun des moyens ne saurait être retenu.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut principalement au rejet de la requête et, subsidiairement, à la mise en œuvre des pouvoirs de régularisation prévus à l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Il soutient que :

- si une première concertation s'est déroulée en 2006, de nouvelles actions se sont tenues en 2016, 2017 et 2020 ; rien ne permet de dire qu'elle se serait déroulée irrégulièrement ;

- le changement d'usage des biens sectionaux a été approuvé après accord de la majorité des électeurs de la section ; l'autorisation n'est pas " manifestement irrégulière " ;

- le raccordement du parc au poste source de Langogne et ses impacts ont été étudiés ;

- il a été tenu compte de la piste d'accès à créer dans la plantation de Lespèron ;

- l'étude permet de visualiser et d'apprécier les incidences du projet sur le paysage proche et plus éloigné, y compris en tenant compte de la présence d'autres parcs ;

- s'agissant des migrations pré et post nuptiales, les données de la précédente étude de 2006/2007, actualisées en 2017, ont permis de confirmer le caractère diffus du passage ; les données ont été mises à jour ;

- les zones humides, définies par un critère botanique, n'avaient pas à répondre à un critère pédologique ; mais des sondages pédologiques ont aussi été réalisés en 2021 ; un sol caractéristique d'une zone humide, mais sans intérêt particulier, a été détecté à proximité de l'éolienne n° 11 et a donné lieu à des prescriptions particulières ;

- l'étude d'impact retient un enjeu fort pour la flore et notamment le Myosotis de Balbis et le Séneçon à feuilles en spatule, des mesures spécifiques étant prévues ;

- les impacts sur l'avifaune n'ont pas été sous-estimés ; une mortalité d'oiseaux - petits passereaux - en migration et de jeunes en dispersion, limitée, a été constatée sur le site de la zone nord en 2017 et 2018 ; compte tenu du temps de persistance des cadavres, une mortalité de six à neuf oiseaux par machine en 2018 peut être retenue ; l'essentiel de la migration est nocturne et passe au-dessus des éoliennes, une autre partie étant " rampante " ; la migration printanière, plus significative, passe pour partie entre les éoliennes E n° 10 et n° 11 ;

- s'agissant des chiroptères, l'étude analyse les risques ;

- en l'absence d'impact significatif, aucune dérogation n'était nécessaire et aucune mesure compensatoire ne s'imposait ;

- le choix retenu pour l'implantation des éoliennes est justifié ;

- les volets acoustique et hydrogéologique de l'enquête ne sont pas insuffisants ;

- le public a été mis à même de présenter des observations lors de l'enquête, qui ne pouvait être prolongée ;

- il n'y a aucune incompatibilité entre le projet d'un côté, et le SCoT et le SRADDET de l'autre ;

- à part l'éolienne E11, pour laquelle des prescriptions ont été prises, le projet est en dehors de toute zone humide ; aucune source captée n'est située dans la ZIP ; le projet n'interfère pas avec des captages d'AEP ; sur le parc existant, aucune incidence sur la qualité des eaux de source n'a été relevée ; l'arrêté comporte des mesures à cet égard ;

- s'agissant de la RN 102 et du chemin de Belvezet, les risques demeurent limités et acceptables compte tenu des mesures de par ailleurs prises ;

- compte tenu des précautions prises lors des travaux notamment l'impact résiduel du projet sur le Myosotis de Balbis et le Séneçon à feuilles en spatule est nul ;

- pour la faune, affectée très marginalement, les mesures envisagées sont suffisantes ; celles prévues pour les chauves-souris valent pour les oiseaux ;

- les zones Natura 2000 sont prises en compte, les effets du projet étant limités ;

- il n'y a aucune utilisation irrationnelle de l'énergie, qui sera exportée sur le réseau ;

- l'atteinte au paysage reste discrète compte tenu de la configuration des lieux proches et plus lointains ;

- les moyens doivent dans leur ensemble être écartés.

Par une ordonnance du 29 novembre 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président de chambre ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me de Bailliencourt, pour l'APPEM et autres, ainsi que celles de Me Torti, substituant M H..., pour la société Parc éolien de Lavillate ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 septembre 2021, dont l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc (APPEM) ainsi que des particuliers demandent l'annulation, le préfet de l'Ardèche a délivré à la société du Parc éolien de Lavillatte, dans le prolongement du parc existant " Montagne Ardéchoise-Nord " qu'elle exploite déjà à Lavillatte, constitué de huit éoliennes d'une hauteur totale de cent-trente mètres, une autorisation environnementale portant sur l'installation, sur le territoire de cette même commune, de quatre éoliennes supplémentaires d'une taille identique pour une puissance totale de 9,4 MW, avec un poste de livraison.

Sur la concertation préalable :

2. Aux termes de l'article L. 121-15-1 du code de l'environnement : " La concertation préalable peut concerner : (...) 2° Les projets assujettis à une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 et ne relevant pas du champ de compétence de la Commission nationale du débat public en application des I et II de l'article L. 121-8 ; (...). La concertation préalable permet de débattre de l'opportunité, des objectifs et des caractéristiques principales du projet ou des objectifs et des principales orientations du plan ou programme, des enjeux socio-économiques qui s'y attachent ainsi que de leurs impacts significatifs sur l'environnement et l'aménagement du territoire. Cette concertation permet, le cas échéant, de débattre de solutions alternatives, y compris, pour un projet, son absence de mise en œuvre. Elle porte aussi sur les modalités d'information et de participation du public après la concertation préalable. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-16 de ce code : " La concertation préalable associe le public à l'élaboration d'un projet, plan ou programme dans les conditions définies par la présente section. La concertation préalable est d'une durée minimale de quinze jours et d'une durée maximale de trois mois. Quinze jours avant le début de la concertation, le public est informé des modalités et de la durée de la concertation par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par la concertation ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, par voie de publication locale. Le bilan de cette concertation est rendu public. Le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable indique les mesures qu'il juge nécessaire de mettre en place pour répondre aux enseignements qu'il tire de la concertation. ". Et aux termes de l'article L. 121-17 du même code : " I. - Pour les plans, programmes ou projets mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 121-15-1, la personne publique responsable du plan ou programme ou le maître d'ouvrage du projet peut prendre l'initiative d'organiser une concertation préalable, soit selon des modalités qu'ils fixent librement, soit en choisissant de recourir à celles définies à l'article L. 121-16-1. Dans les deux cas, la concertation préalable respecte les conditions fixées à l'article L. 121-16. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que l'extension du projet éolien ici en cause correspond à une zone prévue dès le projet initial qui a lui-même fait l'objet d'une procédure de concertation en 2008 et 2009 avec notamment des réunions publiques auxquelles les administrés ont été conviés par l'intermédiaire de médias locaux, la mise en place de groupes de travail qui se sont réunis à trois reprises et une restitution publique de ces rencontres. En novembre 2017, une seconde phase de concertation a été engagée. En particulier, trois points d'information, auxquels les habitants ont été invités par voie de presse et via la diffusion d'un bulletin d'information, ont été organisés en mairies de Lavillatte, d'Issanlas et de Coucouron, respectivement les 15, 24 et 29 novembre 2017, pour échanger sur le projet d'extension et ses différents aspects, notamment d'ordre technique ou environnemental. Par ailleurs, seize acteurs locaux, dont les communes de Issanlas et de Lavilatte, l'office du tourisme de la montagne ardéchoise, le département/service des espaces naturels sensibles, le parc naturel régional des monts d'Ardèche et le conservatoire d'espaces naturels (CEN) Rhône-Alpes, ont été conviés au sein d'un groupe de travail par courriers et relances mail et téléphonique pour un cycle de trois réunions qui se sont tenues les 6, 14 et 23 novembre sur les thèmes d'un état des lieux de la dynamique touristique du territoire et la mise en perspective des potentiels de développement, de la découverte de la dynamique touristique de Freycenet-la-Tour et de la formalisation des propositions d'actions, chacune ayant abouti à de telles propositions. En 2020, plusieurs actions ont été conduites, essentiellement des rencontres avec des élus et des acteurs locaux. Rien ne permet de dire que le projet n'aurait pas été replacé dans son contexte, et qu'il aurait notamment été envisagé en faisant totalement abstraction du parc existant " Montagne Ardéchoise-Nord " dont il constitue une extension. Si, lors des trois réunions du groupe de travail, certains acteurs locaux tels que le département de l'Ardèche, le CEN Rhône-Alpes et l'office du tourisme étaient absents, ils n'en ont pas moins, à l'instar des autres participants, été convoqués, l'impossibilité pour eux de s'y rendre n'étant d'ailleurs pas justifiée. Quant au fait que la direction départementale des territoires (DDT) n'a pas été conviée aux travaux des groupes de travail, aucune obligation en ce sens n'existait au regard des exigences, peu contraignantes, de la concertation. L'existence d'alternatives pouvait, le cas échéant, donner lieu à un débat mais sans qu'elle fasse nécessairement l'objet, dans un tel cas, d'une réflexion dans le bilan de la concertation. Si, à la différence de ce bilan, les comptes rendus des trois réunions de concertation ne précisent pas que les élus ont informé les acteurs du territoire, notamment les acteurs du tourisme ou du commerce, une telle circonstance ne saurait suffire à rendre le processus de concertation incomplet alors que, notamment, de tels comptes rendus ne sont pas nécessairement exhaustifs et que l'information des intéressés a pu se faire en dehors de ces réunions, notamment lors des réunions publiques, mais pas seulement. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la seconde phase de concertation à laquelle la société du Parc éolien de Lavillatte a décidé de se soumettre n'a pas revêtu un caractère insuffisant.

Sur la demande d'autorisation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : (...) 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'aucune commission syndicale n'est constituée, " le changement d'usage ou la vente de tout ou partie des biens de la section est décidé par le conseil municipal statuant à la majorité absolue des suffrages exprimés, après accord de la majorité des électeurs de la section convoqués par le maire dans les six mois de la transmission de la délibération du conseil municipal. ".

5. Il apparaît que, par une délibération du 22 avril 2016, le conseil municipal de Lavillatte a décidé que les électeurs devaient se prononcer sur l'installation de " trois éoliennes aux lieux-dits Le Payrol et Communal de Lavillatte ". Les élections ont eu lieu le 5 juin 2016, avec treize voix en faveur du changement d'usage et un bulletin blanc ou nul, pour quatorze votants et onze abstentions. Et par une délibération du 26 août 2016, le conseil municipal a décidé de suivre l'avis des électeurs et d'autoriser le maire de Lavillatte à signer la promesse de bail avec EDF pour la réalisation d'un projet de parc éolien " sur les biens de la section du Hameau de Lavillatte " repris en annexe 1, au nombre desquels figure la parcelle A 341 au lieu-dit Le Payrol. Si les électeurs de la section se sont prononcés au vu d'un projet d'installation de seulement trois éoliennes sur les biens de la section, il n'en reste pas moins que la délibération du 26 août 2016, qui a décidé de changer l'usage de ces biens en faveur d'EDF, suffit à attester que la société du Parc éolien de Lavillatte, détenue à 100 % par EDF Renouvelables France, a été autorisée à réaliser un projet éolien sur ces biens, y compris la parcelle A 341, aucune fraude n'étant à cet égard ni alléguée ni établie. Par suite, et alors même que le projet autorisé porte, non pas sur trois, mais sur quatre éoliennes, la société du Parc éolien de Lavillatte avait qualité pour présenter sa demande d'autorisation.

6. En deuxième lieu, et d'une part, si le secrétaire de mairie, qui est intervenu comme secrétaire de séance, a présenté l'objet de la délibération du 22 avril 2016, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. De toutes les façons, un tel moyen est insuffisamment précis pour s'assurer de son bien-fondé.

7. D'autre part, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait que la délibération du 22 avril 2016 soit elle-même jointe au dossier de demande d'autorisation environnementale, les justificatifs de maîtrise foncière l'ayant été.

8. En dernier lieu, et compte tenu de ce qui précède, aucune illégalité par voie de conséquence de la délibération du 26 août 2016, ni illégalité de l'arrêté contesté, ne saurait être retenue.

Sur l'étude d'impact :

9. Aux termes du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact " (...). / L'évaluation environnementale permet de décrire et d'apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur les facteurs suivants : 1° La population et la santé humaine ; 2° La biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/ CEE du 21 mai 1992 et de la directive 2009/147/ CE du 30 novembre 2009 ; 3° Les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat ; 4° Les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ; 5° L'interaction entre les facteurs mentionnés aux 1° à 4° (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code indique que : " (...) on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année (...) ". L'article R. 122-5 de ce code définit le contenu de l'étude d'impact, qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine, notamment en décrivant le cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés et les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement et pour compenser, lorsque cela est possible, ces effets négatifs qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits, et en prescrivant une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet, dont, notamment, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure que si elles peuvent avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou seraient de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

10. En premier lieu, les modalités du raccordement au poste de " Langogne " depuis le poste de livraison, qui concernent le réseau externe, relèvent des gestionnaires des réseaux, les requérants ne pouvant utilement mettre en cause l'absence de précisions sur la nécessité d'effectuer des travaux pour un tel raccordement. De toutes les façons, l'étude d'impact comporte des précisions sur les conditions d'enfouissement de câbles constituant le réseau externe.

11. En deuxième lieu, il apparaît que, en plus de la zone d'implantation potentielle, d'une superficie d'environ cent-trente hectares correspondant au secteur où seront mises en place les éoliennes, des aires d'étude sur un territoire plus ou moins élargi s'étendant de quelques centaines de mètres à une dizaine de kilomètres en fonction des différents thèmes ou facteurs environnementaux traités dans l'étude d'impact ont été prévues et même au-delà pour la prise en compte des fonctionnalités écologiques et du grand paysage, des impacts indirects et de la perception à distance des éoliennes. Par ailleurs, et en réponse à l'avis de l'autorité environnementale, la société a expliqué clairement et précisément les conditions de prise en compte de la piste d'accès à créer dans la plantation de Lespèron. Aucune insuffisance ne saurait être relevée sur chacun de ces points.

12. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments d'appréciation fournis en particulier au chapitre 4 de l'étude d'impact comme les photographies et photomontages qui figurent notamment au chapitre 5 et dans un cahier spécifique en annexe seraient insuffisants pour rendre compte du contexte paysager et des enjeux mis en évidence par le projet, y compris en tenant compte du parc éolien existant " Montagne Ardéchoise-Nord ". L'étude d'impact examine également les effets cumulés avec les autres parcs implantés aux alentours et totalisant déjà soixante-quatre éoliennes, et les synthétise dans un tableau, le résumé non technique reprenant ces éléments. Aucune insuffisance n'est ici caractérisée.

13. En quatrième lieu, les requérants contestent la technicité des cartes de visibilité théorique qui ne permettraient pas " une bonne appréhension des impacts visuels du projet sur les paysages ", ajoutant que " la hauteur de la végétation et des bâtiments retenus par ces cartes de visibilité " ne serait pas justifiée, ce qui aurait eu pour effet " de restreindre les zones de visibilité ". Il n'en reste pas moins que, comme le rappelle l'étude d'impact, ces cartes doivent être combinées avec les photographies et photomontages mais également avec les éléments d'explication également fournis, et facilement accessibles, pour appréhender au mieux et aussi complètement que possible les impacts visuels du projet. L'étude n'apparaît pas incomplète sur ce point.

14. En cinquième lieu, les données relatives au volet " milieu naturel ", synthétisées lors de la précédente étude d'impact, ont été actualisées, les inventaires alors réalisés ayant été considérés comme une base documentaire et une nouvelle série d'inventaires faune/flore ayant été entreprise au printemps-été 2016 et au printemps 2017. Comme le relève l'étude d'impact, les informations recueillies lors de la précédente étude d'impact sur les migrations d'oiseaux, issues d'observations réalisées en 2006 et 2007 à l'aide d'un radar " Aviscan ", ont été actualisées en 2016 (migration post-nidification) et 2017 (migration pré-nidification) par l'observation directe, lors de six sessions, avec pour chacune deux observateurs installés en deux points permettant de couvrir l'ensemble de la ZIP et d'observer l'orientation des vols d'oiseaux en migration à l'approche du site. Aucune obsolescence des données ainsi collectées n'est mise en évidence.

15. En sixième lieu, l'étude d'impact préconise dès l'origine un évitement strict des zones humides, notamment au moment des travaux. Si, pour qualifier plusieurs habitats de zones humides, l'étude d'impact a fait application de critères botaniques sans recourir aux critères pédologiques, il apparaît que, à la suite des préconisations de la Mission régionale d'autorité environnementale Auvergne Rhône-Alpes (MRAe) dans son avis du 17 août 2020, l'exploitant a pratiqué, en mars 2021, des sondages pédologiques qui ont révélé la présence d'une micro zone de trente mètres carré dépourvue d'enjeux en termes de fonctionnalités hydrauliques ou biologiques à proximité de la plateforme de l'éolienne n° 11, dont elle a tenu compte dans la définition des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Par suite et alors que, d'après l'article L. 211-1 du code de l'environnement, éclairé par les travaux préparatoires de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles, aucune insuffisance ne saurait être relevée sur cette question.

16. En septième lieu, l'étude d'impact, contrairement à ce que soutiennent les requérants, a relevé l'existence dans la zone d'implantation du parc éolien de deux espèces protégées de flore - le Myosotis de Balbis et le Séneçon à feuilles en spatule, ayant relevé et localisé leur présence et prévu des mesures, notamment d'évitement, spécialement en ce qui concerne l'éolienne n° 11, destinées à les sauvegarder pour l'essentiel, tout en relevant qu'un risque de destruction de quelques pieds n'est pas exclu.

17. En huitième lieu, comme il a été vu ci-dessus en ce qui concerne l'avifaune et les migrations, les relevés effectués en 2006 et 2007 sur le site de la montagne ardéchoise nord, comme l'a précisé l'étude d'impact, ont été complétés par trois journées d'inventaire en 2016 - 31 août, 7 septembre et 20 octobre - et le même nombre en 2017 - 15 et 20 mars et 13 avril- correspondant aux deux pics annuels de migration post et pré nuptiale au cours desquels transite le plus grand nombre d'oiseaux migrateurs. L'étude d'impact précise en particulier le nombre d'heures et les points d'écoutes consacrés à chaque groupe d'espèces, le nombre d'individus observés sur le terrain ainsi que les dates de sortie et comprend un tableau comparant les résultats de ces sorties à celles réalisées pour d'autres sites. La réponse de la société à l'avis de la MRAE indique également les conditions météorologiques lors de chacune des six journées d'inventaire. Si les requérants indiquent que certaines espèces - notamment la bondrée apivore ou la cigogne blanche - n'ont pu être observées compte tenu des périodes au cours desquelles elles migrent, ils ne se fondent sur aucun élément précis. A cet égard, d'après les observations réalisées en 2016, le passage de trente-deux bondrées apivores a été noté. S'agissant de l'axe migratoire secondaire d'importance régionale et locale à proximité duquel se trouve le site, rien dans ce qu'affirment les requérants ne permet de justifier leur caractère significatif et non modéré alors que, d'après l'étude et notamment la carte issue du schéma régional éolien (SRE) Rhône-Alpes de 2012, peu détaillée il est vrai, les flux migratoires sur le haut plateau ardéchois présentent un caractère diffus, modéré et secondaire, le site se trouvant, d'après ces informations, en dehors d'un axe migratoire majeur. Les éléments sur lesquels se fondent les requérants, qui s'appuient notamment sur la présence de territoires de chasse dans la partie sud du site, ne suffisent pas davantage pour remettre en cause le niveau d'enjeux " modéré " retenu pour les rapaces, en particulier le busard cendré, le milan royal et l'aigle royal. Si les requérants font valoir que, pour certaines espèces protégées, l'impact ne peut être considéré comme faible, ils n'apportent aucun élément permettant de s'en assurer. L'étude, qui a aussi examiné les effets cumulés du projet avec les parcs éoliens les plus proches sur la migration postnuptiale de l'avifaune ainsi que le risque que les oiseaux soient rabattus vers le parc existant ou que l'effet barrière limite leurs possibilités d'échappement vers l'est, a relevé une activité migratrice faible en automne, plus importante au printemps, concluant à l'absence d'obstacle " supplémentaire risquant de multiplier les contraintes sur le trajet des oiseaux en migration dans le secteur " et " d'effet cumulé sur la migration en combinaison avec d'autres parcs éoliens ". En réponse à l'avis de la MRAE, la société exploitante a fourni des précisions complémentaires sur ce point, en indiquant en particulier qu'il y a " un effet cumulé, qualifié de peu significatif dans l'étude d'impact du fait des faibles flux migratoires observées, du caractère très diffus du passage migratoire automnal et des directions marquées observées lors du passage prénuptial qui empruntent de préférence les zones basses, à l'extérieur du parc éolien ". Si la MRAE a invité l'exploitant à étayer le niveau de réduction de la mortalité attendue par la mise en place d'un bridage tenant compte des conditions horaires, de sortie et de retour au gîte et des périodes de chasse, de telles préconisations concernaient les chiroptères. Il en résulte que le caractère incomplet de l'étude d'impact sur l'avifaune n'apparaît pas avéré.

18. En neuvième lieu, pour ce qui est des chiroptères, les requérants indiquent que l'étude d'impact n'aurait pas correctement qualifié l'enjeu présenté comme faible et aurait faussé l'analyse sur l'importance du risque alors qu'une quinzaine d'espèces ont été contactées durant les divers inventaires qui ont eu lieu, notamment les pipistrelles communes et de kulh, qui sont des espèces protégées, l'étude en altitude ayant montré que 90 % de l'activité y est enregistrée lors de vents inférieurs à 5m/s pour une température comprise entre 14 et 19°C. Mais, en l'espèce, l'étude analyse précisément l'importance du risque encouru par les chiroptères. Elle souligne, en particulier, que leur suivi près du sol comme en altitude, à hauteur du moyeu des éoliennes, a montré une activité faible à très faible, que les espèces patrimoniales de haut vol particulièrement sensibles aux éoliennes ont été contactées très rarement sur cette période, notamment vingt nuits par an pour la noctule de Leisler, dix nuits par an pour la sérotine commune et cinq nuits par an pour la noctule commune, avec en moyenne un à deux contacts pour ces nuits. Elle ajoute que la ZIP ne présente pas de potentialités de gîtes significatives pour les chauves-souris, relevant l'absence de bâtiments ou de cavités, et peu d'arbres favorables à des trous et prévoit en particulier des mesures d'évitement et de réduction, comprenant en particulier, à l'instar du site de la Montagne ardéchoise zone Nord, un arrêt automatique des éoliennes du 1er juin au 31 octobre, et de trente minutes après le coucher jusqu'à quatre heures avant le lever du soleil lorsque la vitesse du vent est inférieure à 4,5 m/s et la température supérieure à 10°C, avec une adaptation du protocole de gestion des éoliennes en cas de mortalité significative. Aucune insuffisance n'apparait ici caractérisée.

19. En dixième lieu, à défaut d'effets négatifs notables qui n'auraient pu être évités ou suffisamment réduits, que l'exploitant auraient relevés dans l'étude d'impact, aucune obligation ne pesait sur lui de prévoir des mesures compensatoires. Dès lors, et même si les requérants mettent en cause la destruction de zones humides, d'habitats ou d'espèces protégées et la nécessité, dont ils ne justifient pas, d'une dérogation pour la destruction d'espèces protégée, l'absence d'informations sur d'éventuelles mesures compensatoires ne saurait ici caractériser une irrégularité de l'étude d'impact.

20. En onzième lieu, en dépit des observations de la MRAE et de la commissaire enquêtrice, les emplacements finalement retenus, notamment en ce qui concerne les éoliennes nos 10, 11 et 12, par rapport aux variantes initiales, sont explicités par l'étude d'impact, avec photos à l'appui. L'étude d'impact, qui justifie le choix finalement opéré par l'exploitant, n'est pas irrégulière sur ce point.

21. En douzième lieu, contrairement à ce que prétendent les requérants, et comme l'indique en particulier le volet " acoustique " de l'étude d'impact, complété notamment par une étude de réception sonore du parc existant de 2017, les calculs relatifs au bruit résiduel et au bruit ambiant ont pris en compte la présence de ce parc.

22. En treizième lieu, l'étude d'impact comprend une carte localisant les sources publiques et privées, chacune ayant fait l'objet d'une présentation et aucune n'étant située dans la ZIP. Elle a été complétée avec un encart " retour d'expérience " relatif au suivi du parc existant, dont il résulte l'absence d'incidence des travaux et du fonctionnement du site sur les sources qui en sont proches, " en situation similaire au projet ", et un risque de pollution accidentelle extrêmement limité. Compte tenu de ces informations, qui renseignent sur la présence dans le secteur du projet de parc éolien, de plusieurs sources AEP et sur les liens hydrogéologiques éventuels avec la ZIP, l'insuffisance de l'étude d'impact sur cette question ne saurait être retenue.

23. Compte tenu de ce qui précède, le contenu de l'étude d'impact n'apparaît pas insuffisant au regard des exigences des dispositions rappelées plus haut.

Sur l'enquête publique :

24. Aux termes de l'article L. 123-9 du code de l'environnement : " La durée de l'enquête publique est fixée par l'autorité compétente chargée de l'ouvrir et de l'organiser. Elle ne peut être inférieure à trente jours pour les projets, plans et programmes faisant l'objet d'une évaluation environnementale. (...). Par décision motivée, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête peut prolonger l'enquête pour une durée maximale de quinze jours, notamment lorsqu'il décide d'organiser une réunion d'information et d'échange avec le public durant cette période de prolongation de l'enquête. Cette décision est portée à la connaissance du public, au plus tard à la date prévue initialement pour la fin de l'enquête, dans les conditions prévues au I de l'article L. 123-10. ". Aux termes de l'article L. 123-10 du même code : " I.- Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. (...). ". Aux termes de l'article L. 123-12 de ce code : " Le dossier d'enquête publique est mis en ligne pendant toute la durée de l'enquête. Il reste consultable, pendant cette même durée, sur support papier en un ou plusieurs lieux déterminés dès l'ouverture de l'enquête publique. Un accès gratuit au dossier est également garanti par un ou plusieurs postes informatiques dans un lieu ouvert au public. ( ...) ". Selon l'article L. 123-13 de ce même code : " I. - Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête conduit l'enquête de manière à permettre au public de disposer d'une information complète sur le projet, plan ou programme, et de participer effectivement au processus de décision. Il ou elle permet au public de faire parvenir ses observations et propositions pendant la durée de l'enquête par courrier électronique de façon systématique ainsi que par toute autre modalité précisée dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête. (...) ".

25. Selon les requérants, l'enquête publique, qui s'est tenue entre le 19 octobre et le 20 novembre 2020, en partie sur la période du deuxième confinement du 30 octobre au 15 décembre 2020 non inclus, a nui à une bonne et complète information de la population locale, que seule aurait permis une prolongation de celle-ci. Pourtant, comme le prévoyait le décret visé plus haut du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, le confinement ne s'opposait pas au déplacement du public pour se rendre aux permanences de la commissaire enquêtrice en mairie de Lavillatte, au nombre de quatre. L'information sur la tenue d'une enquête publique a notamment été publiée sur le site de la préfecture de l'Ardèche le 23 septembre 2020 et diffusée par voie d'affichage en mairie dans les communes situées dans un rayon de six kilomètres autour du projet, avec par ailleurs une note indiquant la case à cocher sur son attestation de déplacement dérogatoire permettant de se rendre aux permanences d'enquête publique et, par voie de presse, dans quatre journaux locaux et à six dates différentes, entre les 30 septembre et 22 octobre 2020. Un bulletin d'information a également été distribué dans les boîtes aux lettres des communes concernées les 18 et 19 septembre. Le dossier d'enquête était à disposition du public sur le site internet de la préfecture et en mairie de Lavillatte. Même si la consultation sur le site internet de la préfecture du dossier d'enquête, volumineux, a pu s'avérer difficile, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été impossible. Par ailleurs, et malgré la situation de confinement pendant une partie de la durée de l'enquête, les déplacements en mairie de Lavillatte pour consulter le dossier, voire présenter des observations, sont demeurés autorisés et possibles. Les observations présentées par courrier électronique sur le site de la préfecture ou les observations déposées en mairie, malgré leur nombre limité, en témoignent. Et la commissaire enquêtrice a elle-même pu estimer que la participation du public à cette enquête a pu se faire. Si des habitants qui, pour certains, pensaient à tort ne pas être autorisés à se déplacer aux permanences de la commissaire enquêtrice en mairie de Lavillatte, ont pu éprouver des difficultés à consulter ou télécharger le dossier sur le site de la préfecture, cette seule circonstance était, en l'espèce, et compte tenu de ce qui vient d'être dit, insuffisante à justifier une prolongation de l'enquête. Aucune irrégularité ne saurait donc être ici retenue.

Sur le respect de l'environnement :

26. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. -L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

27. En premier lieu, pour ce qui concerne l'atteinte à la sécurité publique, elle tiendrait au risque de chute d'éléments d'éolienne et de projection de pale ou de glace en hiver lié à la présence de l'éolienne n°10 à proximité de la RN 102, qui est un axe routier présenté comme très fréquenté reliant la RN 88 à Aubenas puis à Montélimar et qui traverse le parc naturel régional des Monts d'Ardèche, et du chemin de Belvezet, voie communale qui relie le bourg de Lavillatte à son hameau de Belvezet, et au risque de formation de congères provoqué par le défrichage de un hectare six ares et douze centiares de bois destiné à l'implantation d'éoliennes et à la création de chemins d'accès. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que de la végétation sera supprimée le long de la route nationale. Par ailleurs, il apparaît et n'est pas sérieusement contesté que la voie communale est fermée en période hivernale et que les risques de projection de pâle ou de glace, qui ont été examinés, en particulier dans l'étude de dangers, restent limités, l'arrêté imposant en outre des mesures de prévention qui comportent notamment des dispositifs de protection contre la foudre, un système de régulation et de freinage par rotation des pâles et de détection des glaces et des pâles chauffantes. Aucun risque significatif n'est donc ici caractérisé.

28. En deuxième lieu, les requérants font valoir que le secteur d'implantation des éoliennes est en limite de partage des eaux de l'Ardèche, de la Loire et de l'Allier, que la zone concerne aussi le bassin versant de plusieurs tourbières, dont la " Tourbière de Cham Méjeanne ", que la Tourbière de Planchette située à proximité du lieu d'implantation du parc éolien, qui a fait l'objet d'une convention de gestion avec le conservatoire d'espaces naturels, représente non seulement un enjeu pour la ressource en eau et un enjeu biologique dans la mesure où elle présente plusieurs types d'habitats naturels remarquables susceptibles d'abriter des espèces faunistiques et floristiques remarquables et que les éoliennes sont très proches de ces zones humides, notamment des tourbières de Sapeyre et des Sagnes, dont les contours ne sont pas stricts, l'éolienne n° 10 étant même située dans cette zone humide, auxquelles elles porteront nécessairement atteinte. Toutefois, il n'apparaît pas, d'après les pièces du dossier et en particulier les éléments cartographiques de l'étude d'impact, que les éoliennes, et en particulier les éoliennes n° 10 et n° 12, empièteraient sur une zone humide au sens de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, seule l'éolienne n° 11 chevauchant sur une superficie de trente mètres carré un secteur qualifié d'humide, identifié lors de sondages réalisés à la suite de l'avis de la MRAE, mais sans que les requérants ne remettent sérieusement en cause le fait que ce secteur ne présente aucun enjeu particulier en termes de fonctionnalités hydraulique ou biologique. Et en son article 3, l'arrêté contesté fixe des prescriptions spécifiques applicables à cette éolienne en phase travaux. Plus généralement, si les requérants font état de la présence sur les zones humides ou à proximité d'espèces de plantes, d'oiseaux ou d'insectes protégées ou remarquables, aucun des éléments avancés n'est suffisamment détaillé et circonstancié pour que l'implantation des éoliennes projetées puisse être regardée comme risquant de leur porter notablement atteinte. A cet égard, et en plus des prescriptions s'appliquant à l'éolienne n° 11, l'arrêté définit également des mesures plus générales destinées à éviter strictement les zones humides pendant et après les travaux, à empêcher le ruissellement ainsi que l'érosion et la pollution des sols et à assurer un suivi des captages d'eau potable conformément aux engagements et éléments présentés dans le dossier d'autorisation. Dans ces circonstances, aucun risque d'atteinte à la préservation de la qualité des eaux et des zones humides ne saurait être retenu.

29. En troisième lieu, s'agissant du risque d'atteinte à la protection du milieu naturel, de la biodiversité, de la faune et de la flore, les requérants insistent sur la présence de zones humides et de deux plantes protégées, le Myosotis de Balbis et le Séneçon à feuilles en spatule dont la conservation ne serait pas assurée. Cependant, comme il a déjà été vu, à l'exception de l'éolienne n° 11 qui affecte marginalement une zone d'une superficie de trente mètres carrés considérée comme humide, mais dépourvue de tout enjeu particulier en termes de fonctionnalités hydraulique ou biologique, les éoliennes projetées restent à l'écart des zones humides répertoriées dans le secteur. Et ainsi qu'il a été dit plus haut, la Myosotis de Balbis et le Séneçon à feuilles en spatule ne devraient être que faiblement affectés par le projet, l'article 4.1.2 de l'arrêté prévoyant à cet égard, sous la surveillance d'un botaniste, leur évitement ou, en cas d'impossibilité, leur transfert, ainsi qu'un suivi.

30. En quatrième lieu, les requérants, qui rappellent que le site est fréquenté par plus d'une cinquantaine d'espèces d'oiseaux, dont des espèces remarquables et potentiellement nicheuses telles que la Locustelle tachetée, la pie-grièche grise ou la chouette de Tengmalm, et qu'il se trouverait dans un couloir migratoire d'importance régionale, soutiennent que la présence d'éoliennes est susceptible d'affecter les conditions de vie de ces oiseaux - reproduction, chasse et repos, que pour le busard cendré, que le site est non seulement un lieu régulier de nidification et de regroupements en dortoirs avant la migration, à partir d'août, en commun avec d'autres espèces de busards, mais également un terrain de chasse pour les quelques couples d'aigles royaux qui ont été identifiés comme nichant dans le massif de Tarnargue, à environ vingt-cinq kilomètres. Ils ajoutent qu'un risque de collision existe et que rien n'est prévu pour le réduire.

31. Pour ce qui est de l'avifaune nicheuse, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que l'enjeu, bien que globalement modéré, est localement fort au nord de la ZIP, avec des passereaux nicheurs variés et une fréquentation du site par des espèces à grands territoires nichant à proximité, dont certaines sont patrimoniales (circaète, milan royal, pie-grièche grise, torcol...). Mais il apparaît aussi que les risques de mortalité sont généralement peu marqués et insusceptibles d'affecter l'état de conservation des populations locales, même si certaines espèces observées sur le site paraissent plus exposées au risque de collision, telles que notamment le milan royal, le milan noir, le faucon crécerelle ou la buse. Le suivi post-implantation de l'avifaune sur le site éolien de la Montagne ardéchoise Nord, réalisé en 2017 et 2018, montre que la mortalité aurait essentiellement affecté des espèces migratrices, celle des espèces nicheuses, en période de nidification, apparaissant peu significative. Pour les pertes d'habitats et le dérangement, et à part le faucon crécerelle susceptible d'être affecté lors de la construction de l'éolienne n° 12, assez proche de son site de nidification, mais qui serait peu sensible au dérangement, les autres espèces à enjeu observées en 2016 nicheraient en dehors de la ZIP, certaines, telles que notamment la pie-grièche grise et le torcol, ne devant pas être affectées par le chantier et leurs territoires étant normalement évités. Il apparaît aussi que l'incidence liée à la perte de territoires de chasse devrait être limitée compte tenu de leur abondance dans le secteur et de la taille des espaces vitaux de ces espèces.

32. En ce qui concerne l'avifaune migratrice, les risques paraissent plus importants au printemps qu'à l'automne, comme le confirme le suivi post-implantation de l'avifaune évoqué ci-dessus, dont il résulte que les trois quart des oiseaux observés, notamment les petits passereaux, franchissent les lignes d'éoliennes entre les machines, sans se détourner, souvent à basse altitude et que les oiseaux de plus grande taille, comme les rapaces, sont plus nombreux à contourner les parcs éoliens, la moitié passant cependant entre les éoliennes. Ces suivis ont mis en évidence, sous les éoliennes du site Montagne ardéchoise zone Nord, des cadavres d'oiseaux constitués de petits passereaux, au nombre de huit en 2017 et de trois en 2018, les dates de ces découvertes en avril-mai et août-septembre et les espèces victimes indiquant plutôt une mortalité d'oiseaux en migration (gobemouche noir...) ou de jeunes en dispersion ou en début de migration (hirondelles de fenêtre). Compte tenu des très importants facteurs correctifs pour évaluer l'efficacité de la recherche des cadavres et de leur temps de persistance au regard, notamment, de l'action des carnivores, le bureau d'études, par projection, a retenu une mortalité de six à neuf oiseaux par éolienne en 2018 (pour zéro à un cadavre d'oiseau découvert par éolienne). Le projet, comme il a déjà été indiqué, et sans que cela soit sérieusement remis en cause, est situé dans un couloir migratoire diffus, modéré et secondaire.

33. Quant à l'effet cumulé avec d'autres parcs, l'étude indique que, hormis l'allongement modéré de la ligne d'éoliennes du parc éolien de la Montagne ardéchoise zone Nord, le projet n'induit pas un obstacle supplémentaire notable, qui risquerait de multiplier les contraintes sur le trajet des oiseaux en migration dans le secteur.

34. Plus précisément, la locustelle tachetée, qui n'a pas été contactée lors des inventaires, présente une faible probabilité de présence sur la zone d'étude. Les secteurs fréquentés par la pie grièche grise ont été globalement évités par le projet. La chouette de Tengmalm niche dans des futaies feuillues et résineuses anciennes, qui sont des habitats absents de l'aire d'étude. Le milan royal n'a pas été identifié comme nicheur sur le site, mais seulement comme chasseur. Le busard cendré était également absent du site au moment des inventaires et sa présence n'a pas depuis lors été démontrée. Quant à l'aigle royal, aucun individu n'a été détecté dans l'aire d'étude.

35. Des mesures ont été prévues par le pétitionnaire, et reprises ou précisées dans l'arrêté, qui concernent la localisation des installations et les accès afin d'éviter des incidences directes, en particulier des destructions d'habitats ou de nichées pendant les travaux et qui comportent, après passage d'un écologue, une délimitation et un balisage des emprises du chantier, un calendrier des travaux, une réalisation des travaux de déboisement, de défrichement et de décapage des sols en dehors des période de reproduction et une sensibilisation des intervenants avec, en cas d'observation d'une mortalité significative, l'équipement du parc avec un mécanisme de détection, d'effarouchement et/ou de régulation automatique des machines.

36. Par suite, et alors que le régime spécifique de protection des espèces protégées mis en place par les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, dont les requérants ne se prévalent pas ici, est plus exigeant que les obligations mises en place par l'article L. 511-1 de ce code, les atteintes aux espèces nicheuses et migratrices, compte tenu en particulier de la configuration du parc, de son ampleur limitée, de ses conditions d'implantation et des mesures d'évitement et de réduction envisagées, n'apparaissent pas, que ces espèces soient envisagées globalement ou séparément, excessives au regard des exigences de cette dernière disposition.

37. En cinquième lieu, même en admettant que le département serait excédentaire en production d'énergie renouvelable, rien dans ce que soutiennent les requérants, ne suffit pour affirmer que le projet, qui n'est pas spécialement consommateur d'énergie, serait, à lui-seul, de nature à nuire à une utilisation rationnelle de l'énergie. Sur ce plan, aucune atteinte à ce dernier objectif ne saurait être retenue.

38. En dernier lieu, le parc naturel régional (PNR) des monts d'Ardèche, haut lieu de développement touristique, labellisé en 2014 GEOPARC mondial, comporte des sites remarquables labellisés géosites UNESCO avec notamment le massif du Mézenc, classé par un décret du 27 août 1997 au titre de la loi du 12 mai 1930 en raison de son grand intérêt paysager, qui culmine à mille sept-cent-cinquante-trois mètres, constitué de plateaux d'altitude basaltiques et de " sucs correspondant à des dômes volcaniques érodés", dont le mont Gerbier de Jonc, où se développent des hêtraies, des pelouses, des landes pâturées et des tourbières, balayés en hiver par la burle, un blizzard local, avec fréquemment la formation de congères hautes de plusieurs mètres. La majeure partie du PNR, et notamment les monts Mézenc et Gerbier de Jonc, est située à plus de vingt kilomètres du projet. Et ce dernier se trouve dans la continuité du parc éolien existant et à l'écart de quelques autres ensembles éoliens présents dans le paysage, eux-mêmes éloignés du massif du Mézenc, sans qu'aucun effet marquant de mitage ou de saturation n'en résulte. Les effets du projet lui-même sur le paysage proche, caractérisé pour l'essentiel par la présence d'éléments agricoles et bocagers, du parc éolien déjà existant et la proximité de la RN 102, l'entrée du PNR se trouvant elle-même à environ sept kilomètres, restent, malgré l'existence de l'auberge de Peyrebeille et l'attrait touristique qu'elle exerce, modérés. Dans ces circonstances, et compte tenu des atténuations apportées notamment par le relief et la végétation à la perception des éoliennes dans le paysage, en particulier depuis les monts du Mézenc, aucune violation de l'obligation de protection des paysages n'apparaît ici caractérisée.

39. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 181-3 et L. 511-1 précité du code de l'environnement doit, dans chacune de ses branches, être écarté.

40. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la requête de l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc et autres doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

41. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc et autres le paiement à la société du Parc éolien de Lavillatte d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc et autres est rejetée.

Article 2 : L'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc et autres verseront à la société du Parc éolien de Lavillatte une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la Préservation des Paysages Exceptionnels du Mézenc, désignée représentante unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Parc éolien de Lavillate, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le président, rapporteur,

V-M. Picard

La présidente assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22LY00084

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00084
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;22ly00084 ?
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