Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... a demandé au tribunal administratif de de Lyon d'annuler les décisions du 15 février 2024 par lesquelles la préfète de l'Ardèche l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2402370 du 8 juillet 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Salkazanov, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ardèche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros à verser à son conseil ou le cas échéant à elle-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la copie du jugement qui lui a été notifiée ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;
- elle est insuffisamment motivée en fait et cette insuffisante motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la durée de l'interdiction de retourner sur le territoire français n'est pas justifiée.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Moya, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante albanaise, relève appel du jugement du 8 juillet 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de l'Ardèche du 15 février 2024 l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une d'une durée de douze mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La circonstance que la copie du jugement notifiée ne comporte par les signatures de la magistrate désignée et du greffier est sans influence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme en l'espèce, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant la prise à son encontre d'une mesure individuelle défavorable. Une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de droit et de fait spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
4. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Ardèche n'aurait pas pris une autre décision si Mme A... avait été mise en mesure de lui faire part, d'une part, de ce qu'elle avait introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour contester la décision de rejet prise le 19 décembre 2023 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et, d'autre part, des menaces de son époux et de sa pugnacité pour la retrouver en dépit de sa fuite en France, alors que l'Albanie étant un pays d'origine sûr, elle ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français à compter de la décision de l'OFPRA. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son droit à être entendue aurait été méconnu dans des conditions ayant eu une influence sur le sens de la décision contestée.
5. En deuxième lieu, cette décision mentionne, outre les textes applicables, les éléments pertinents sur la situation de l'intéressée. Elle comprend ainsi notamment les éléments de fait permettant à Mme A... d'en contester utilement le bien-fondé. En outre, cette motivation suffisante révèle que la préfète de l'Ardèche a procédé à un examen complet de sa situation personnelle.
6. En dernier lieu, Mme A... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la première juge.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité qu'elle invoque de l'obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité la décision fixant le pays de destination.
8. En deuxième lieu, si Mme A..., dont la demande d'asile, comme indiqué précédemment, a été rejetée par l'OFPRA le 19 décembre 2023, soutient qu'elle craint d'y être persécutée en Albanie par son mari, qui menace de la retrouver et contre lequel elle a déposé plainte, elle ne justifie, toutefois, ni même n'allègue, qu'elle ne pourrait pas bénéficier de la protection des autorités policières et judiciaires en cas de retour en Albanie. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibent l'éloignement d'un ressortissant étranger vers un état où sa vie est menacée, doivent être écartés.
9. En dernier lieu et en tout état de cause, à la date de la décision contestée, Mme A... séjournait en France depuis cinq mois seulement avec ses enfants mineurs qui ont vocation à repartir avec elle en Albanie. Par suite, la préfète n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et personnelle, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a fixé l'Albanie comme pays de renvoi.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612--6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / Il en est de même pour l'édiction de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ".
11. Pour fixer à douze mois la durée de l'interdiction de retour, la préfète de l'Ardèche s'est fondée sur la brièveté du séjour en France de Mme A... et sur la circonstance qu'elle y était dépourvue de liens personnels et familiaux. Ces motifs sont de nature à justifier légalement cette durée.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre ;
Mme Vinet, présidente assesseure ;
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02083
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