Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI de la Ferme a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le maire de Saint-Apollinaire a refusé de lui accorder un permis de construire un ensemble immobilier de quatre-vingt-dix logements, avec changement de destination d'une grange et démolition de bâtiments existants, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux, ainsi que l'avis défavorable du 20 juillet 2022 de l'architecte des Bâtiments de France et la décision du 8 décembre 2022 du préfet de la région Bourgogne-France-Comté confirmant cet avis.
Par un jugement n° 2300385 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 février 2024, 6 août 2024, 8 novembre 2024 et 19 décembre 2024, la SCI de la Ferme, représentée par Me Gire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 17 août 2022, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et l'avis du 20 juillet 2022 de l'architecte des Bâtiments de France ;
2°) d'annuler ces décisions et avis ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Apollinaire de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Apollinaire la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI de la Ferme soutient que :
- le jugement attaqué ne répond pas à l'ensemble des moyens soulevés ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande dirigées contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France et la décision du préfet de région confirmant cet avis ;
- l'avis de l'architecte des Bâtiments de France est illégal en ce qu'il n'appartenait pas à cet architecte de protéger le site de la ferme de Sully ;
- le projet préserve l'intérêt paysager et écologique des parcelles d'assiette du projet ;
- la densification du périmètre du projet est conforme aux prescriptions du PLUi ;
- l'avis de l'architecte des Bâtiments de France et l'arrêté contestés sont insuffisamment motivés en fait ;
- le préfet de région et la commune ont commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet ne préserve pas la cour carrée ;
- le projet étant située en zone urbaine, la commune a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'affectation de la cour au stationnement des véhicules serait de nature à porter atteinte aux enjeux de protection de la Ferme de Sully et des restes du château ;
- les parcelles d'assiette du projet qui ne font l'objet d'aucune protection particulière doivent être traitées de manière identique aux parcelles avoisinantes ; il n'existe aucune orientation d'aménagement et de programmation spécifique à la Ferme de Sully ;
- les bâtiments projetés s'intègrent parfaitement dans le bâti environnant ;
- le motif tiré de ce que les bâtiments D1, D2 et D3 forment un effet de rue, compact et haut par rapport au contexte villageois de proximité est entaché d'erreur d'appréciation ;
- le motif tiré de ce que les bâtiments C1 et C2 accolés proposent deux architectures différentes, déconnectées du reste du clos de la ferme et qui peineront à former un tout harmonieux avec les bâtiments existants, est entaché d'erreur d'appréciation ;
- le motif tiré de ce que le bâtiment B peinera à former un tout cohérent et contemporain est arbitraire et entaché d'erreur de fait ;
- le motif tiré de la dangerosité de la desserte du projet n'est pas fondé, dès lors que la rue de Sully est d'une longueur limitée, en ligne droite, avec une visibilité parfaite sur les deux côtés ;
- le motif tiré de la méconnaissance des dispositions relatives à la gestion des eaux pluviales n'est pas motivé et est entaché d'erreur de fait.
Par des mémoires en défense enregistrés les 23 avril 2024, 25 octobre 2024 et 3 décembre 2024, la commune de Saint-Apollinaire, représentée par Me Néraud, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la SCI de la Ferme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SCI de la Ferme ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2024, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SCI de la Ferme ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Gire, pour la SCI de la Ferme et de Me Néraud pour la commune de Saint-Apollinaire ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI de la Ferme a déposé le 23 juin 2022 une demande de permis de construire en vue de la construction d'un ensemble immobilier de quatre-vingt-dix logements, avec changement de destination d'une grange et démolition de certains bâtiments sur des parcelles cadastrées section AL n°s 16, 17, 420, 448, 449, 453, 455, 457, 458, 474 et 475 situées rue de Sully à Saint-Apollinaire. Consulté sur le projet, qui se situe dans le périmètre de protection des abords des restes du château et des absides de l'église de Saint-Apollinaire, inscrits à l'inventaire des monuments historiques, l'architecte des Bâtiments de France a, le 20 juillet 2022, refusé de donner son accord. Le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a confirmé ce refus par une décision rendue le 8 décembre 2022. Par un jugement du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la SCI de la Ferme tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le maire de Saint-Apollinaire a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité, ainsi que de l'avis du 20 juillet 2022 de l'architecte des Bâtiments de France et de la décision du 8 décembre 2022 du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté. La SCI de la Ferme relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 17 août 2022 et l'avis du 20 juillet 2022.
Sur la régularité du jugement et la recevabilité des conclusions dirigées contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France et la décision du 8 décembre 2022 du préfet de la région Bourgogne-France-Comté :
2. En premier lieu, les premiers juges, après avoir écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de Dijon Métropole, ont considéré, au point 19 du jugement attaqué, que le maire de Saint-Apollinaire était en situation de compétence liée et qu'en conséquence, l'ensemble des autres moyens soulevés par la SCI de la Ferme étaient inopérants. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à des moyens dans son jugement qui n'est ainsi pas entaché d'irrégularité sur ce point.
3. En second lieu, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours. Aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé (...) dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord ou, pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. ". Aux termes de l'article R. 424-14 du même code : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. (...). ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un permis de construire est subordonnée, lorsque les travaux envisagés sont situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit ou en co-visibilité avec celui-ci, à l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France ou, lorsque celui-ci a été saisi, du préfet de région. Si l'avis de celui-ci se substitue alors à celui de l'architecte des Bâtiments de France, l'ouverture d'un tel recours administratif, qui est un préalable obligatoire à toute contestation de la position ainsi prise au regard de la protection d'un édifice classé ou inscrit, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre l'exercice d'un recours contentieux contre cet avis. La régularité et le bien-fondé de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ou, le cas échéant, de la décision du préfet de région, ne peuvent être contestés qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus du permis de construire.
4. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à juste titre que le tribunal administratif de Dijon a jugé que les conclusions dirigées contre l'avis du 20 juillet 2022 de l'architecte des Bâtiments de France et la décision du 8 décembre suivant du préfet de région étaient irrecevables. Les conclusions d'appel dirigées contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / (...). ". Lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation.
6. En premier lieu, la décision du 8 décembre 2022 par laquelle le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, saisi selon la procédure définie à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, a émis un avis défavorable sur la demande de permis de construire présentée par la SCI de la Ferme, s'est substituée à l'avis du 20 juillet 2022 de l'architecte des Bâtiments de France. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que l'avis de l'architecte des Bâtiments de France est insuffisamment motivé en fait et de ce qu'il n'appartenait pas à l'architecte des Bâtiments de France de protéger le site de la ferme de Sully ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la ferme dite du hameau de Sully, sur laquelle porte le projet faisant l'objet du permis de construire, présente les caractéristiques d'une exploitation agricole de la plaine de Saône antérieure au XVIIIème siècle. Implantée sur un terrain d'une surface de 10 024 m2, elle est composée de différents bâtiments disposés autour d'une vaste cour intérieure qui est bordée à l'ouest par une maison d'habitation du XIXème siècle comportant trois niveaux et au nord par une grange imposante. Des bâtiments annexes de dimensions plus modestes se situent à l'est et au sud de cette cour. Un espace vert s'étend au sud de la ferme jusqu'à une large mare. La partie ouest du terrain est également végétalisée. La ferme est située dans un quartier à dominante pavillonnaire, dans lequel se trouvent quelques résidences récentes qui jouxtent la ferme au nord et à l'est.
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI de la Ferme consiste à démolir une partie de la maison d'habitation, deux annexes de la grange et le bâtiment qui servait autrefois de soue à cochons, à transformer le corps de grange en un bâtiment abritant des logements et à édifier de nouveaux immeubles. Ce projet conduira à porter le nombre de logements à quatre-vingt et la surface totale du bâti, initialement de 1 837,10 m2, à 5 617 m2, ce qui entraînera une densification significative des parcelles en cause. La grange, qui perdra sa simplicité architecturale d'origine du fait du nombre d'ouvertures prévues en façades et de balcons en verre, sera transformée afin d'accueillir trente logements, répartis sur quatre niveaux. Le projet prévoit la construction d'un immeuble le long de la rue de Sully, comportant vingt-et-un logements répartis sur quatre niveaux, qui ne fermera pas la cour et ne permettra pas de restituer au site son caractère de ferme traditionnelle, organisée autour d'une cour fermée. L'architecte des Bâtiments de France, dont le préfet de région a repris l'analyse, a estimé, à juste titre, que ce bâtiment, qui se situe en entrée de site, composé d'une alternance de blocs à toitures plates et en acier et de blocs couronnés d'une toiture à deux pans, peinera, par une juxtaposition maladroite, à former un tout cohérent. Le projet prévoit également la construction dans le prolongement nord de la partie restante de la maison d'habitation, dont l'architecture sera conservée, d'un bâtiment de trois niveaux avec combles qui accueillera quatre logements, ainsi que de trois maisons mitoyennes de deux niveaux avec combles. Enfin, un bâtiment sera édifié à l'extrémité ouest du terrain selon un axe nord-sud. Cet immeuble, de trois niveaux avec combles, coiffé d'un toit à deux pans et d'une longueur totale de 61 m, regroupera trente-deux logements. Enfin, l'ensemble immobilier disposera au total de quatre-vingt-dix-huit places de stationnement situées en partie dans la cour, qui sera aménagée afin d'accueillir trente-deux véhicules. Ces trente-deux places de stationnement porteront atteinte à la physionomie de la cour, qui constitue traditionnellement un espace de vie communautaire. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le projet envisagé aura pour effet d'altérer les éléments caractéristiques de la ferme du hameau de Sully. Par suite, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, en confirmant l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
9. En dernier lieu, en l'absence d'accord de l'architecte des Bâtiments de France sur le projet envisagé, le maire de Saint-Apollinaire se trouvait en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire sollicité. Par suite, l'ensemble des autres moyens soulevés par la SCI de la Ferme sont inopérants.
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI de la Ferme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Apollinaire qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI de la Ferme la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Apollinaire au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI de la Ferme est rejetée.
Article 2 : La SCI de la Ferme versera à la commune de Saint-Apollinaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de la Ferme et à la commune de Saint-Apollinaire.
Copie sera adressée à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre ;
Mme Vinet, présidente-assesseure ;
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la ministre chargée du logement en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY00517
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