Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés n° 2023/098 et 2023/099 du 21 septembre 2023 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de ces mesures d'éloignement.
Par jugement n° 2306900-2306901 du 29 janvier 2024, le tribunal a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 28 février 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Olivier, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours ou, subsidiairement, de réexaminer leur situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut d'examen particulier de leur situation ;
- le procès-verbal de la commission du titre de séjour ne leur a pas été communiqué préalablement aux refus de titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis de la commission du titre de séjour ;
- les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants du Kosovo, relèvent appel du jugement du 29 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 21 septembre 2023 rejetant leur demande de titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement.
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. " Aux termes de l'article R. 432-14 du même code : " Devant la commission du titre de séjour, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. "
3. M. et Mme A... soutiennent sans être contredits, pour la première fois en appel, que l'avis de la commission du titre de séjour, saisie en raison de leur présence en France depuis plus de dix ans, ne leur a pas été communiqué avant l'édiction des décisions de refus de titre de séjour en litige, en méconnaissance des dispositions précitées. Le préfet de la Haute-Savoie, qui a pris en compte l'avis défavorable émis par cette commission au soutien de ses arrêtés, a ainsi méconnu les dispositions précitées, privant de ce fait les intéressés d'une garantie.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés litigieux.
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. L'annulation des obligations de quitter le territoire implique que le préfet de la Haute-Savoie procède au réexamen de la situation de M. et Mme A... dans le délai de trois mois et que ces derniers soient munis d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions citées au point précédent. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de leur délivrer cette autorisation dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2024 et les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie n° 2023/098 et 2023/099 du 21 septembre 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer la situation de M. et Mme A... dans le délai de trois mois après remise, sous quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... ensemble d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au
ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Aline Evrard, présidente,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
Le rapporteur,
B. D...La présidente,
A. Evrard
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N°24LY00566