Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 octobre 2023 par laquelle la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par jugement n° 2204104 du 12 décembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 février 2024, Mme B..., représentée par Me Bescou (SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision de la préfète du Rhône du 26 octobre 2023 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas répondu à sa demande tendant à la communication du rapport du médecin de l'OFII au vu duquel le collège de médecins a émis un avis ;
- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît manifestement l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La demande de Mme B... tendant à être admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 6 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec,
- et les observations de Me Bescou, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 12 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Rhône du 26 octobre 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, fondée sur son état de santé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges n'étaient nullement tenus de répondre expressément à la demande de Mme B... tendant à ce que soit diligentée une mesure d'instruction pour obtenir la communication du rapport médical sur le fondement duquel l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). En tout état de cause, en indiquant, au point 7 de leur jugement, qu'il n'était pas nécessaire de demander la communication de ce rapport en l'absence de toute pièce propre à contredire l'avis émis, les premiers juges ont, contrairement à ce que prétend Mme B..., répondu à cette demande. Le moyen tiré du défaut de réponse à cette demande doit ainsi être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., la préfète du Rhône a suivi les avis du collège des médecins de l'OFII du 7 septembre 2021 et du 2 octobre 2023, selon lesquels si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. S'il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une maladie inflammatoire chronique, appelée Histiocytose X, accompagnée de microkystes pulmonaires ayant nécessité une intervention chirurgicale en décembre 2020, qui exige une surveillance médicale spécialisée par scanner thoracique et examens pneumologiques, aucun des certificats médicaux qu'elle produit, muets sur ce point, n'est de nature à remettre en cause les avis du collège des médecins de l'OFII quant à la possibilité de bénéficier d'un tel suivi dans son pays d'origine. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour au vu de son état de santé, la préfète du Rhône a méconnu les dispositions citées au point 3.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
6. Mme B..., ressortissante du Kosovo née en 1994, est entrée en France, en dernier lieu, au mois de mars 2017, accompagnée de son époux et de leur premier enfant, né en 2015. Leur second enfant y est né en 2017. Si, à la date de la décision litigieuse, elle résidait ainsi depuis six ans sur le territoire français, il est constant qu'elle n'a jamais été autorisée à y séjourner, autrement qu'en qualité de demandeur d'asile et qu'elle n'y dispose d'aucune attache privée ou familiale, en indiquant elle-même que son époux est depuis retourné au Kosovo. Elle ne prétend pas être dépourvue d'autres attaches dans ce pays, où elle a vécu pendant plus de vingt ans. Par ailleurs, la seule scolarisation, au demeurant récente, de ses enfants, encore en bas âge, ne permet pas de démontrer qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité hors du territoire français. Comme indiqué au point 4, elle n'établit pas davantage que son état de santé nécessite qu'elle demeure sur le territoire français. Enfin, si elle se prévaut d'une qualification d'aide-soignante, elle n'en justifie pas, ni, au demeurant, d'aucune expérience professionnelle. Dans ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, Mme B... ne démontre pas qu'il existerait un obstacle à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité et à ce que sa cellule familiale se reconstitue hors de France, notamment au Kosovo où leur père est retourné. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " (...) ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 6, la préfète du Rhône n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer, sur leur fondement, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B....
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
12. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Aline Evrard, présidente,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
S. Corvellec La présidente,
A. Evrard
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00282