Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2304899 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme A... un titre de séjour " vie privée et familiale ", ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travailler, dans les délais respectifs de trois mois et huit jours à compter de la notification du jugement et de procéder à l'effacement du signalement de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai de huit jours.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble
Il soutient que :
- le refus de séjour ne méconnaît pas les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Cans, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions du 15 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de cent euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et d'enjoindre au préfet de l'Isère d'effacer le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Evrard.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 15 août 1992, est entrée en France au cours du mois de novembre 2016, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 17 septembre 2018. Le préfet de l'Isère l'a obligée à quitter le territoire français par arrêté du 23 juillet 2017. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté, le 16 mars 2020, sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Le préfet de l'Isère l'a, de nouveau, obligée à quitter le territoire français par arrêté du 12 mai 2020. Le 24 septembre 2021, Mme A... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 décembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé la destination de l'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, à la demande de Mme A..., a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour " vie privée et familiale " ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travailler, dans les délais respectifs de trois mois et huit jours à compter de la notification du jugement et de procéder à l'effacement du signalement de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de huit jours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a donné naissance, le 20 mai 2020 et le 19 novembre 2021, à deux enfants dont le père est un ressortissant français, que ce dernier, s'il est séparé de la requérante, pourvoit régulièrement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants et que les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français en litige ont pour effet de priver ces enfants soit de la présence de leur mère, pour le cas où ils resteraient en France aux côtés de leur père, soit de la présence de leur père, dans le cas inverse où ils accompagneraient leur mère au Nigéria. Il s'ensuit que, alors même que la contribution du père à l'entretien des enfants n'est établie qu'à compter de l'année 2022, les décisions en litige méconnaissent l'intérêt supérieur de ces derniers, protégé par les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 15 décembre 2022 refusant à Mme A... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Sur les frais liés au litige :
4. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cans, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Cans de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Cans une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Cans renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente,
M. Savouré, premier conseiller,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
L'assesseur le plus ancien,
B. Savouré
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY03766