Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2400501 du 3 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2024, M. C... B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions de la préfète du Rhône du 14 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, ce dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par la préfète de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel ;
- il remplit les conditions de régularisation prévues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne le délai de départ volontaire de trente jours :
- il est illégal, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président,
- et les observations de Me Bescou représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité algérienne, né le 5 mai 2002, qui est entré sur le territoire français le 12 août 2018 selon ses déclarations, a été confié aux services du département de l'Isère en tant que mineur non accompagné. Il a été autorisé à séjourner sur le territoire français sous couvert d'un certificat de résidence mention " étudiant " valable du 12 mai 2021 au 11 mai 2022. M. B... a demandé le 17 octobre 2022 un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien. Par des décisions du 14 novembre 2023, la préfète du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 3 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. M. B... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision de refus de séjour d'une méconnaissance par la préfète du Rhône de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien qui ne constitue pas un des fondements de cette décision.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. M. B... a été confié aux services du département de l'Isère en tant que mineur non accompagné et a été muni par la suite d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant pour lui permettre de poursuivre sa scolarité. Si M. B... séjourne sur le territoire français depuis un peu plus de cinq ans, il a vécu seize années en Algérie où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. Il ressort de l'attestation de sa compagne que leur relation, qui n'a débuté qu'en octobre 2023, est très récente. Si M. B... est titulaire, depuis juillet 2021, du certificat d'aptitude professionnelle d'employé de vente spécialisé en produits alimentaires, d'un diplôme d'études en langue française niveau B1 et s'il soutient avoir travaillé en tant qu'apprenti vendeur de septembre 2019 à juin 2021, puis en qualité d'agent de nettoyage à temps plein, de service à temps partiel, et de coursier à temps plein pendant respectivement deux mois, trois mois, six mois, et enfin en tant que chauffeur livreur à temps plein à partir de novembre 2022, il ressort du rapport social établi le 28 mai 2020 par l'association ADATE que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents ainsi qu'un frère et une sœur et qu'il a des contacts avec sa mère. Dans ces conditions, les décisions de refus de titre de séjour et obligeant le requérant à quitter le territoire français n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, et alors en tout état de cause que le métier de chauffeur livreur ne correspond pas à celui de conducteur routier visé par l'arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel doit être écarté.
8. D'autre part, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, M. B... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
9. En quatrième lieu, M. B... reprend en appel le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français qu'il avait invoqué en première instance. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 4 de son jugement.
10. En cinquième et dernier lieu, d'une part, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'étant pas illégale, les moyens tirés de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevés à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination, ne peuvent qu'être écartés. D'autre part, la décision fixant le pays de destination n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le président-assesseur,
X. Haïli
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01908