Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2203211 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Goguelat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une activité occulte ne peut être relevée que par une vérification de comptabilité ; le vérificateur a procédé à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et à une vérification de comptabilité de son activité sans lui permettre de bénéficier d'un débat contradictoire ;
- le vérificateur n'était pas territorialement compétent pour procéder à son contrôle et à l'établissement de la proposition de rectification ;
- il a été privé de la garantie de pouvoir exercer un recours hiérarchique en l'absence de mention de cette possibilité sur la proposition de rectification ;
- la comptabilité d'un tiers ne peut permettre de démontrer qu'il aurait encaissé des sommes de la part de celui-ci ;
- il a commis une simple erreur en ne souscrivant pas les déclarations afférentes à ses bénéfices non commerciaux et à ses bénéfices industriels et commerciaux ;
- les années 2011 à 2015 sont prescrites ;
- la majoration de 1,25 en base qui lui a été appliquée sur le fondement du 1° du 7. de l'article 158 du code général des impôts est contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision du 7 décembre 2023, n° 26604/16, Waldner c/ France.
Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Fast-Events ayant mis en évidence qu'il avait exercé une activité de consultant en matière de sécurité et de logistique pour le compte de cette société et lui donnait en location un logement meublé à Magny-Cours (Nièvre). Les bénéfices non commerciaux et les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. A... ont été évalués d'office en application du 1 et du 2 de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales et l'intéressé a, en conséquence, été assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 à 2017. Ces impositions, de même que les contributions sociales mises à sa charge, ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1728-1 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte. M. A... relève appel du jugement du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et pénalités.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En premier lieu, l'administration ne peut, en principe, pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments qu'elle a recueillis auprès de tiers, dans le cadre de son droit de communication, que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise, aux activités ou à la situation de ce contribuable, y compris lorsque sont en cause des activités occultes. Elle peut néanmoins se fonder sur ces seuls éléments lorsque le contribuable ne lui fournit aucun élément propre à son entreprise, à ses activités ou à sa situation.
3. Il résulte de l'instruction que, pour estimer que M. A... avait exercé des activités de consultant et de location d'un local d'habitation meublé, l'administration s'est fondée sur les extraits des grands livres des comptes fournisseurs de la SARL Fast-Events consultés dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société et sur deux contrats de bail des 1er janvier 2015 et 2 janvier 2016 conclus entre le requérant, bailleur, et cette société, locataire, présentés lors du contrôle. Ces documents ont été transmis à l'administration à la suite d'un droit de communication exercé le 1er octobre 2018 auprès du liquidateur judiciaire de la SARL Fast-Events. L'administration a évalué les honoraires versés en rémunération des prestations de consultants à respectivement 15 600 euros, 14 400 euros, 10 800 euros, 14 414 euros en 2011, 2012, 2013 et 2014 et les loyers versés au titre de l'appartement à, respectivement,14 400 euros, 7 320 euros et 7 320 euros en 2015, 2016 et 2017. Pour faire échec aux constatations de l'administration, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-23 du code de commerce selon lesquelles " La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit. La communication des documents comptables ne peut être ordonnée en justice que dans les affaires de succession, communauté, partage de société et en cas de redressement ou de liquidation judiciaires. " régissant les relations entre les commerçants, qui ne constituent pas la base légale des redressements et ne sont pas applicables entre l'administration et le contribuable. L'administration pouvait se fonder sur la comptabilité d'un tiers pour procéder à l'imposition des revenus de M. A..., lequel ne conteste pas la matérialité des éléments recueillis auprès de la société. Par suite, celui-ci doit être regardé comme ayant exercé les activités de consultant en matière de sécurité et de logistique et de location d'un local d'habitation en meublé à raison desquelles il a été soumis à l'impôt sur le revenu.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...). L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable (...) n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.
6. M. A... n'a déposé, au titre des années d'imposition en litige, aucune déclaration qu'il était tenu de souscrire du fait de ses activités imposables de consultant et de loueur en meublé et n'a pas davantage fait connaître ces activités à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Il ne démontre pas avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de ses obligations déclaratives en se bornant à relever que la proposition de rectification du 7 février 2019 mentionne que le contribuable a la possibilité de demander la régularisation d'erreurs dans les déclarations souscrites dans les délais conformément à l'article L. 62 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant entendu dissimuler ses deux activités qu'il exerçait pour la SARL Fast-Events.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte (...). ".
8. Il résulte des points 4 à 8 du présent arrêt que M. A... s'est livré à des activités occultes au cours notamment des années 2011 à 2015. Les impositions en litige ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2019. La prescription a été interrompue par la notification de la proposition de rectification du 7 février 2019 conformément à l'article L. 189 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la prescription du droit de reprise, s'agissant des impositions établies au titre de ces années, doit être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, en se bornant à invoquer l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n° 26604/16, Waldner c. France du 7 décembre 2023, retenant qu'il y a eu violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans une affaire mettant en cause l'application de la majoration de 25 %, applicable aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux prévue au 1°, désormais abrogé, du 7 de l'article 158 du code général des impôts, sans préciser en quoi la situation de M. A..., qui exerçait une activité occulte, pourrait conduire à écarter l'application de cette disposition, M. A... n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. (...) A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) ". Aux termes de l'article L. 12 de ce livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. (...) ". Aux termes de l'article L. 13 du même livre : " I.- Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ".
11. D'une part, l'évaluation d'office des bénéfices réalisés par un contribuable n'a pas à être nécessairement précédée d'une vérification de comptabilité mais peut trouver son origine dans les renseignements recueillis par l'administration dans le cadre du droit de communication. Le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière en l'absence de vérification de comptabilité doit être écarté comme manquant en fait.
12. D'autre part, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude.
13. Ainsi qu'il a été dit, les chiffres d'affaires réalisés par M. A... à raison des activités occultes de location en meublé et de consultant qu'il a accomplies ont été déterminés à partir des loyers mensuels stipulés dans les contrats de bail des 1er janvier 2015 et 2 janvier 2016 et des montants de prestations de consultant mentionnés dans les extraits des grands livres des comptes fournisseurs de la SARL Fast-Events obtenus dans le cadre du droit de communication. Si M. A... relève qu'il a présenté ses relevés bancaires relatifs à l'année 2015, il est constant que ces documents ont été transmis à l'administration à l'appui de ses observations en réponse à la proposition de rectification. Les impositions contestées ont ainsi été mises à la charge de l'intéressé à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, dans le cadre duquel l'administration a tiré les conséquences des constatations opérées lors de la vérification de comptabilité de la SARL Fast-Events. Il ne résulte pas de l'instruction que le service a procédé à d'autres investigations avant la notification de la proposition de rectification et se serait livré à un contrôle de cohérence entre les revenus déclarés par l'intéressé et sa situation patrimoniale, sa situation de trésorerie et les éléments de son train de vie. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale a procédé à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ou à une vérification de comptabilité de ses activités sans les accompagner des garanties dont ces procédure sont assorties.
14. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de l'incompétence territoriale de l'agent chargé du contrôle et de l'établissement de la proposition de rectification. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 6 à 9 de son jugement.
15. En troisième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai. ".
16. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de reproduire ces dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales dans la proposition de rectification et de rappeler ainsi au contribuable la faculté qui lui est offerte de présenter un recours hiérarchique. En tout état de cause, M. A..., qui a fait l'objet d'une procédure d'imposition d'office, ne peut bénéficier de la garantie d'un recours hiérarchique en application des dispositions précitées.
17. D'autre part, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ".
18. La garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de former un recours hiérarchique, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 de ce livre.
19. Les impositions contestées par M. A... ayant été mises à sa charge à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, il ne peut utilement se prévaloir de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Dans ces conditions, le moyen tiré de la privation de la garantie de pouvoir exercer un recours hiérarchique ne peut qu'être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le président-assesseur,
X. Haïli
La greffière,
M. C...La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00474