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22/01/2025 | FRANCE | N°24LY00052

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 22 janvier 2025, 24LY00052


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 août 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2305873 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédu

re devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2024, M. D..., représenté par Me Zouaoui, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 août 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2305873 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2024, M. D..., représenté par Me Zouaoui, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 août 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ".

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 13 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, qui lui garantit un droit de circuler et de séjourner dans l'Union européenne ;

- titulaire d'un contrat de travail et d'une autorisation de travail, il peut prétendre à un titre de séjour en qualité de salarié ;

- le refus de renouveler son titre de séjour méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Tallec, président,

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain né le 29 janvier 1988 à Sale Hssaine (Maroc), s'est marié le 2 mars 2020 au Maroc avec une ressortissante française, Mme B... C.... Il est entré en France le 5 février 2021 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type D valable jusqu'au 25 janvier 2022 et a obtenu le 26 janvier 2022, en qualité de conjoint d'une Française, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 25 janvier 2023, dont il a sollicité le renouvellement le 30 novembre 2022. Par un arrêté du 11 août 2023, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. D... relève appel du jugement du 1er décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué est signé par M. Delavoet, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, qui avait reçu délégation pour signer de tels actes par un arrêté du préfet du département du 15 décembre 2022, régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratif de la préfecture. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

4. L'arrêté attaqué vise notamment les articles L. 421-1, L. 423-1 à L. 423-6, L. 423-23, le 3° de l'article L. 311-1, et les articles L. 612-1, L. 613-3 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il expose que M. D..., de nationalité marocaine, est séparé de son épouse française, avec laquelle il n'a pas eu d'enfant, qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France et que s'il déclare vouloir obtenir le renouvellement de son titre de séjour pour garder son travail, il a seulement produit, en réponse à l'invitation qui lui a été faite de produire une autorisation de travail, la confirmation d'une demande de délivrance d'une telle autorisation. L'arrêté attaqué expose ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet a fondé le refus de renouvellement du titre de séjour du requérant, la mesure d'éloignement, la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de renvoi. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé doit dès lors être écarté. En outre, il ressort des termes de cet arrêté qu'il a été pris après un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain visé ci-dessus, que le tribunal a substitué à l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ".

6. Le tribunal a substitué à l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants marocains, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987. M. D... ne critique pas cette substitution de base légale. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'établit pas avoir obtenu une autorisation de travail. Enfin, s'il fait valoir, comme devant le tribunal, que le préfet aurait opéré à tort une " distinction qui n'est pas prévue par la loi ", il ne précise pas plus en appel qu'en première instance son argument. Ce moyen doit dès lors être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1er de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " La présente directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille (...), qui l'accompagnent ou le rejoignent ".

8. M. D..., qui a épousé une ressortissante française séjournant en France, et non une ressortissante d'un autre Etat membre de l'Union européenne, n'entre pas dans le champ d'application de cette directive, qui au demeurant a été transposée en droit français par les dispositions du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut dès lors utilement se prévaloir de l'article 13 de cette directive.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. D... fait valoir qu'il réside paisiblement en France, où il dispose d'attaches privées et familiales, ainsi que d'un domicile, et qu'il y exerce une activité professionnelle en qualité d'employé de libre-service. Toutefois, il est séparé de son épouse, avec laquelle il n'a pas eu d'enfant et il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Dans ces circonstances, la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour et la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni à son droit au respect de son domicile.

11. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

12. Il ressort de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que lorsque l'étranger remplit les conditions de délivrance de plein droit certains titres de séjour ou s'il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour et réside en France depuis plus de dix ans. En l'espèce, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que M. D... ne remplit les conditions de délivrance de plein droit d'aucun titre de séjour. A supposer qu'il puisse être regardé comme ayant sollicité son admission exceptionnelle au séjour, il n'allègue pas résider en France depuis plus de dix ans. Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit dès lors être écarté.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

Le président rapporteur,

Jean-Yves TallecLa présidente assesseure,

Emilie Felmy

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 24LY00052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00052
Date de la décision : 22/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : ZOUAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;24ly00052 ?
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