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16/01/2025 | FRANCE | N°23LY03147

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 16 janvier 2025, 23LY03147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure





Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, qui a renvoyé cette demande, par une ordonnance de renvoi n° 2007846 du 24 novembre 2020 du président de la 7ème chambre, au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Auvergne Rhône-Alpes (CCIR AURA) a prononcé son licenciement pour suppression de poste, d'enjoindre à cette autorité de la réintégrer dans un post

e équivalent à celui occupé au 26 août 2020 et de condamner la CCIR AURA à lui verser le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, qui a renvoyé cette demande, par une ordonnance de renvoi n° 2007846 du 24 novembre 2020 du président de la 7ème chambre, au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Auvergne Rhône-Alpes (CCIR AURA) a prononcé son licenciement pour suppression de poste, d'enjoindre à cette autorité de la réintégrer dans un poste équivalent à celui occupé au 26 août 2020 et de condamner la CCIR AURA à lui verser les sommes de 40 000 euros en réparation de son préjudice matériel et 30 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 2007224 du 10 août 2023, le tribunal a annulé la décision du 22 juin 2020 (article 1er), enjoint au président de la CCIR AURA de réintégrer Mme A... sur un poste correspondant à son grade avec effet au 26 août 2020, dans un délai de deux mois à compter de sa notification (article 2), condamné la CCIR AURA à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de son licenciement (article 3), sursis à statuer sur la demande de Mme A... en ce qu'elle tendait à la condamnation de la CCIR AURA à lui verser une somme en réparation du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi afin de procéder à un supplément d'instruction pour que les parties produisent des éléments permettant d'évaluer ce préjudice (article 4), réservé jusqu'en fin d'instance la demande de Mme A... en ce qu'elle tendait à ce que soit mise à la charge de la CCIR AURA une somme au titre des frais du litige (article 5), rejeté le surplus de la demande de Mme A... (article 6), et rejeté les conclusions de la CCIR AURA présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 7).

A la suite du supplément d'instruction ordonné par le jugement mentionné ci-dessus, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la CCIR AURA à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi, et la CCIR AURA, a conclu à ce que Mme A..., à titre reconventionnel, soit condamnée à lui verser la somme de 25 781,43 euros.

Par un jugement n° 2007224 du 5 août 2024, le tribunal a rejeté la demande de Mme A... sur les points sur lesquels il n'avait pas été statué par le jugement avant dire droit du 10 août 2023 (article 1er), rejeté les conclusions présentées à titre reconventionnel par la CCIR AURA (article 2), et mis à la charge de cette dernière une somme de 800 euros au profit de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédures devant la cour

I- Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 octobre et 21 décembre 2023, sous le n° 23LY03147, la chambre de commerce et d'industrie de la région Auvergne Rhône-Alpes, représentée par Me Bousquet, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2, 3, 4, 5 et 7 de ce jugement du 10 août 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident ;

3°) à titre subsidiaire, au cas où l'annulation de la décision du 22 juin 2020 serait maintenue, de condamner Mme A..., à titre reconventionnel, à lui verser la somme de 25 781,43 euros ;

4°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute d'être suffisamment motivé sur plusieurs points, de réponse à son moyen tiré de ce qu'elle justifiait avoir respecté son obligation de recherche de reclassement, et au regard des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et du principe du contradictoire concernant deux moyens retenus ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs s'agissant du non-respect de son obligation de recherche de reclassement ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas respecté son obligation de recherche de reclassement telle que prévue par l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie (CCI) ;

- les premiers juges ont estimé à tort qu'elle avait méconnu l'obligation d'information des membres de la commission paritaire régionale (CPR) prévue par l'article 35-1 du statut du personnel administratif des CCI, ce qui avait entaché la délibération du 26 mai 2020, constituant des avis, d'une irrégularité ; en toute hypothèse, un tel vice n'a pas privé l'intéressée d'une garantie ;

- en l'absence d'illégalité entachant la décision de licenciement du 22 juin 2020, c'est à tort que les premiers juges ont enjoint la réintégration de Mme A..., partiellement fait droit à sa demande indemnitaire, ordonné un supplément d'instruction et en ont tiré les conséquences au titre des frais du litige ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance ou en appel, tant sur le plan de la légalité de la décision du 22 juin 2020, qu'à l'appui de sa demande indemnitaire, ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, elle est fondée à obtenir la condamnation de Mme A..., à titre reconventionnel, à lui verser la somme de 25 781,43 euros.

Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Bénichou, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation des articles 3, 4, 5 et 6 du jugement du 10 août 2023 en portant la condamnation de la CCIR AURA à lui verser une somme totale de 60 000 euros comprenant les sommes de 30 000 euros au titre d'un préjudice matériel et de 30 000 euros au titre d'un préjudice moral ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la CCIR AURA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la CCIR AURA ne sont pas fondés ;

- son licenciement est illégal, sa situation particulière, et notamment son âge, n'ayant pas été prise en compte tout au long de la procédure ;

- la décision de licenciement est entachée d'un détournement de pouvoir, présentant un caractère abusif, étant fondée sur son âge et son poste n'ayant pas été réellement supprimé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité l'indemnisation du préjudice moral qu'elle a subi à 3 000 euros, alors qu'il convient de l'indemniser à hauteur de 30 000 euros ;

- elle est fondée à obtenir la réparation d'un chef de préjudice matériel subi du fait de son licenciement, correspondant à tous les éléments de rémunération dont elle a été privée à compter du mois d'août 2020 ; elle est fondée à obtenir 30 000 euros à ce titre.

Par une ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2024.

II- Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 octobre et 20 décembre 2023, sous le n° 23LY03350, la chambre de commerce et d'industrie de la région Auvergne Rhône-Alpes, représentée par Me Bousquet, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution des articles 1, 2, 3, 4 et 5 de ce jugement n° 2007224 du 10 août 2023 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- les moyens qu'elle invoque, dans sa requête d'appel dirigée contre le jugement attaqué, paraissent en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement au sens de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Bénichou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la CCIR AURA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la CCIR AURA ne sont pas fondés ;

- la procédure de licenciement est irrégulière sa situation particulière, et notamment son âge, n'ayant pas été prise en compte tout au long de cette procédure ;

- la décision de licenciement est entachée d'un détournement de pouvoir, présentant un caractère abusif, étant fondée sur son âge et son poste n'ayant pas été réellement supprimé ;

- elle a subi différents chefs de préjudice qui doivent être indemnisés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y aurait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23LY003350 tendant au sursis à l'exécution des articles 1, 2, 3, 4 et 5 du jugement n° 2007224 du 10 août 2023 du tribunal administratif de Grenoble, dans l'hypothèse où il serait statué sur l'appel introduit par la chambre de commerce et d'industrie de région Auvergne Rhône-Alpes contre ce jugement dans le cadre de l'instance n° 23LY03147.

Par une ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2024.

III- Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 24LY02791, les 2 octobre et 5 décembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la chambre de commerce et d'industrie de la région Auvergne Rhône-Alpes, représentée par Me Bousquet, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2, 3, 4, 5 et 7 du jugement n° 2007224 du 10 août 2023 et, par voie de conséquence, d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 2007224 du 5 août 2024 ;

2°) de rejeter la demande de première instance correspondante de Mme A... et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 2007224 du 5 août 2024, de rejeter la demande de première instance correspondante de Mme A... et de condamner Mme A..., à titre reconventionnel, à lui verser la somme de 25 781,43 euros ;

4°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué du 10 août 2023 doit être annulé comme visé précédemment dans le cadre de l'instance n° 23LY03147 ;

- le jugement attaqué du 5 août 2024 doit être annulé en totalité par voie de conséquence de l'annulation du jugement du 10 août 2023 ;

- à titre subsidiaire, le jugement attaqué du 5 août 2024 est irrégulier, étant insuffisamment motivé s'agissant l'inclusion, afin de déterminer le préjudice matériel subi par Mme A..., d'une somme de 1 951 euros au titre d'une participation à ses frais de complémentaire santé et de prévoyance décès-incapacité-invalidité, et s'agissant de la détermination de la somme perçue par l'intéressée comme revenus de remplacement pendant la période d'éviction ;

- c'est à tort que les premiers juges ont inclus, afin de déterminer ce chef préjudice matériel subi par Mme A..., cette somme de 1 951 euros ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas inclus, afin de déterminer ce chef de préjudice, les pensions de retraite perçues au cours de la période de référence comme des revenus de remplacement devant être déduits de l'indemnité due, si bien que l'intéressée doit être regardée comme s'étant procuré, du 26 août 2020 au 10 août 2023, une somme totale de 48 283,45 euros au titre de rémunérations ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de Mme A... à lui verser la somme de 25 781,43 euros ;

- les moyens soulevés par Mme A... à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2024, Mme A..., représentée par Me Triquet-Dumoulin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à la réformation des articles 3 et 6 du jugement du 10 août 2023 en portant la condamnation de la CCIR AURA à lui verser une somme totale de 30 000 euros au titre d'un préjudice moral ;

- à la réformation de l'article 1er du jugement du 5 août 2024 en condamnant la CCIR AURA à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de son licenciement ;

3°) à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la CCIR AURA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la CCIR AURA ne sont pas fondés ;

- son licenciement est illégal, sa situation particulière, et notamment son âge, n'ayant pas été prise en compte tout au long de la procédure ;

- la décision de licenciement est entachée d'un détournement de pouvoir, présentant un caractère abusif, étant fondée sur son âge et son poste n'ayant pas été réellement supprimé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité l'indemnisation du préjudice moral qu'elle a subi à 3 000 euros, alors qu'il convient de l'indemniser à hauteur de 30 000 euros ;

- elle est fondée à obtenir la réparation d'un chef de préjudice matériel subi du fait de son licenciement, correspondant à tous les éléments de rémunération dont elle a été privée à compter du mois d'août 2020 ; elle est fondée à obtenir 30 000 euros à ce titre.

Par une ordonnance du 27 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bousquet, pour la CCIR AURA, ainsi que celles de Me Delforno, substituant Me Bénichou et Me Triquet-Dumoulin, pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., recrutée par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Grenoble le 23 juin 2008 en qualité d'assistante administrative au sein du groupe formation, a été titularisée le 23 juin 2009 dans l'emploi d'assistante de fonction. En dernier lieu, elle occupait un poste dit de " chargé de formalités apprentissage " relevant du niveau 4 de la grille nationale des emplois. A la suite de l'intervention de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, qui a régionalisé les CCI, le contrat de Mme A... a été transféré à la CCIR AURA à compter du 1er janvier 2013 et elle a été mise à disposition de la CCI Grenoble à la même date. Par deux délibérations du 27 novembre 2019, l'assemblée générale de la CCIR AURA a décidé, dans le cadre de la modification de l'organisation de la CCI de Grenoble, de supprimer quarante-trois postes, soit douze postes dans le cadre d'une démarche dite de " facility management " et trente-et-un postes en raison de sa transformation. Par une décision du 22 juin 2020, après que l'intéressée a été informée de la suppression de son poste et de la mise en œuvre de la procédure de licenciement, le président de la CCIR AURA a prononcé le licenciement de Mme A.... Le recours gracieux formé contre cette décision le 28 juillet 2020, et la réclamation indemnitaire préalable qui l'accompagnait, ont été implicitement rejetés. Par une première requête, la CCIR AURA relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 juin 2020, enjoint à son président de réintégrer Mme A... sur un poste correspondant à son grade avec effet au 26 août 2020, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, l'a condamnée à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de son licenciement, sursis à statuer sur la demande de Mme A... en ce qu'elle tendait à sa condamnation à lui verser une somme en réparation du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi afin de procéder à un supplément d'instruction, réservé jusqu'en fin d'instance la demande de Mme A... en ce qu'elle tendait à ce que soit mise à la charge une somme au titre des frais du litige, et rejeté ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Mme A..., par la voie de l'appel incident, demande la réformation de ce jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice moral à la somme de 3 000 euros, sursis à statuer concernant l'évaluation de son préjudice financier, réservé jusqu'en fin d'instance sa demande au titre des frais du litige et rejeté le surplus de sa demande, en portant la condamnation de la CCIR AURA à lui verser une somme totale de 60 000 euros. Par une deuxième requête, la CCIR AURA demande de surseoir à l'exécution de ce jugement. Et par une troisième requête tendant aux mêmes fins que sa première requête, la CCIR AURA demande également l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 août 2024 par voie de conséquence en ce qu'il a rejeté ses conclusions reconventionnelles et mis à sa charge une somme au titre des frais du litige. Mme A... a incidemment fait appel de ce jugement et présenté à ce titre diverses conclusions reprises ci-dessus.

2. Les trois requêtes de la CCIR AURA présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de la CCIR AURA présentées dans les instances n°s 23LY03147 et 24LY02791 :

3. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 35-1 du statut du personnel CCI, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Transmission d'un dossier aux membres de la Commission Paritaire / Lorsqu'une CCI employeur décide de prendre, dans le cadre de son plan stratégique, des mesures pouvant entraîner un ou plusieurs licenciements pour suppression de poste, le Président de la CPR (...), au vu de la délibération prise en Assemblée Générale de cette CCI employeur (soit l'Assemblée Générale de la CCI de région pour les personnels qu'elle emploie (...)), transmet, dans les 15 jours ouvrés suivant la délibération de l'Assemblée Générale, (...), aux membres de la Commission Paritaire ainsi qu'à chaque organisation syndicale représentative de la CCI employeur concernée, un dossier qui comprend : / • une information sur les raisons économiques, financières et techniques qui sont à l'origine de la délibération de l'Assemblée Générale / • une information sur la liste des postes susceptibles d'être supprimés et les critères retenus, • les moyens que la CCI employeur entend mettre en œuvre pour favoriser les reclassements au sein de la CCI employeur pour éviter les licenciements et au sein du réseau des CCI de France. / Le Directeur Général de la CCI employeur ou son représentant et les représentants du personnel en Commission Paritaire se réunissent en réunion(s) technique(s) afin d'expliciter cette information. / (...) / Recherche de reclassement / Dans le même temps, la CCI employeur qui décide de prendre des mesures pouvant entrainer un ou plusieurs licenciements pour suppression de poste doit, comme mentionné ci-dessus, procéder obligatoirement à des recherches de reclassement au sein de l'ensemble des établissements consulaires de la région et au niveau de l'ensemble des établissements du réseau des CCI de France notamment à l'aide de la bourse à l'emploi du réseau consulaire. / Les recherches de reclassement doivent être entreprises dès que possible et peuvent se poursuivre tout au long de la procédure de licenciement pour suppression de poste, jusqu'à la notification définitive du licenciement. / Les CCI employeurs utiliseront les moyens mis en place par le réseau des CCI de France pour répondre à cette obligation de reclassement : / • durant toute la période de reclassement du ou des collaborateur(s) concerné(s), la CCI employeur identifiera le ou les postes vacants appartenant au même emploi national que ce(s) collaborateur(s), en consultant la bourse d'emploi nationale des postes vacants et lui (leur) fera parvenir par voie électronique la description de ces postes, / • la CCI employeur identifiera également les postes vacants rattachés à un emploi national de niveau inférieur ou supérieur susceptibles de correspondre à l'intéressé ainsi que les actions de formation éventuellement nécessaires, / • la transmission des postes vacants ainsi identifiés au(x) collaborateur(s) concerné(s) satisfera pour la CCI employeur son obligation de reclassement pour ce qui concerne son obligation au titre de la recherche de postes. / La CCI employeur mettra également en œuvre des actions et initiatives permettant une recherche de poste à l'extérieur du réseau consulaire par elle-même ou un prestataire choisi par elle. / Les agents susceptibles d'être concernés par un licenciement pour suppression de poste peuvent postuler sur l'un des emplois transmis par la CCI employeur dans le cadre de la recherche de reclassement. Dans ce cas, ils bénéficient d'une priorité de reclassement qui s'impose aux Présidents des CCIT concernées, rattachées à la CCI employeur bénéficiant d'une délégation de compétence en matière de recrutement. / (...). ".

4. En vertu de ces dispositions, en cas de licenciement envisagé par suppression de poste, un dossier comprenant notamment une information sur les moyens que la CCI employeur entend mettre en œuvre pour favoriser les reclassements en son sein pour éviter les licenciements et au sein du réseau des CCI de France doit être communiqué aux membres de la CPR. Il en résulte également que, avant une telle suppression d'emploi, la CCI employeur doit examiner les possibilités de reclassement de l'agent concerné sur des postes vacants appartenant au même emploi national que celui occupé par le collaborateur concerné ou rattachés à un emploi national de niveau inférieur ou supérieur susceptibles de lui correspondre. Toutefois, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme faisant obligation au président de la chambre, préalablement à tout licenciement pour suppression d'emploi, d'examiner les possibilités de reclassement de cet agent sur des postes sans rapport avec sa qualification et son rang hiérarchique.

5. D'autre part, aux termes de l'article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services : " I. - A une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2011, et sous réserve du III, les chambres de commerce et d'industrie et les chambres régionales de commerce et d'industrie existant à la date de la publication de la présente loi deviennent respectivement des chambres de commerce et d'industrie territoriales et des chambres de commerce et d'industrie de région, régies par les dispositions introduites par le chapitre Ier du titre Ier de la présente loi. /III. - Les agents de droit public sous statut employés par les chambres de commerce et d'industrie territoriales, à l'exception de ceux employés au sein de leurs services publics industriels et commerciaux, sont transférés à la chambre de commerce et d'industrie de région, qui en devient l'employeur, au 1er janvier 2013. / (...) / Ces agents sont de droit mis à la disposition de la chambre territoriale qui les employait à la date d'effet du transfert. / (...). ".

6. Il en résulte tout d'abord que, en l'espèce, la CCI employeur de Mme A..., au sens des dispositions précitées de l'article 35-1 du statut, était la CCIR AURA. Dès lors, ce n'est qu'à compter des délibérations de l'assemblée générale de la CCIR AURA du 27 novembre 2019, mentionnées plus haut, que la procédure de suppression de poste, telle que régie par cet article 35-1 du statut, et partant l'obligation de recherche de reclassement, a débuté et non dès le lancement de la procédure de transformation de la CCI de Grenoble, alors même qu'elle été validée le 19 septembre 2019 et que les suppressions de postes correspondantes ont été confirmées par délibérations de son assemblée générale du 24 octobre 2019.

7. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que, à la date d'intervention des délibérations du 27 novembre 2019, dont elle a été informée par courrier du 9 décembre suivant, Mme A... occupait un poste dit de " chargée de formalités apprentissage " relevant du niveau 4 de la grille nationale des emplois. Elle avait été précédemment affectée sur des postes d'" assistante administrative formation continue pour adultes ", de " chargée d'accueil et de relation client " et en particulier de " gestionnaire de centre d'appels " et de " chargée de relation et de création et formalité entreprise " depuis sa titularisation, l'intéressée étant titulaire d'un " CAP " et d'un " BEP de comptabilité ". A la suite de cette information, il apparaît que Mme A... a été destinataire de plusieurs courriers des 19 décembre 2019 et des 10 et 17 janvier, 3 et 21 février, 4 mars et 2 avril 2020, lui proposant plus de cinquante postes, dont sept, de niveau 3 ou de niveau 4, susceptibles de lui correspondre compte tenu de ses compétences et expériences professionnelles acquises depuis son entrée au sein de l'institution consulaire, certains pouvant nécessiter une formation complémentaire. Elle a aussi été informée, dans le courrier du 19 décembre 2019, que des offres d'emploi étaient susceptibles d'être répertoriées sur les sites internet de la CCI de Grenoble, de l'EESC GEM (école de management de Grenoble) et de CCI France. Il apparaît également que la CCIR AURA a consulté, par des courriers des 31 janvier et 5 février 2020, d'autres chambres consulaires situées dans la même région géographique, et d'autres CCI à l'échelon national, en précisant à chaque reprise le poste de l'intéressée, le type d'emploi occupé et son niveau et un résumé de sa formation et de son expérience professionnelle. En outre, Mme A... ne précise pas dans quelle mesure des postes publiés entre les 19 mars et 26 mai 2020 par différentes CCI réparties sur le territoire national auraient pu correspondre à ses qualification et expérience professionnelles. Par ailleurs, et alors que les dispositions précitées de l'article 35-1 du statut n'évoquent que des " actions de formation éventuellement nécessaires ", si, lors de la transmission des postes à Mme A..., la CCIR AURA n'a pas spécifiquement indiqué les actions de formations nécessaires pour les postes pouvant lui correspondre, en revanche, un processus d'accompagnement de l'intéressée a été prévu notamment tant afin de l'aider dans la rédaction ou l'actualisation de son curriculum vitae et de lui faire bénéficier d'une analyse du marché de l'emploi au regard de ses critères de recherche, qu'afin de lui permettre de bénéficier d'une formation d'adaptation de compétences au cas où un licenciement lui serait notifié. Si elle fait valoir qu'elle a eu des difficultés pour obtenir des formations, et alors même que ces éléments sont postérieurs à la décision en litige, il apparaît, qu'elle a néanmoins pu bénéficier d'une formation en bureautique et orthographe ainsi que des mesures d'accompagnement précitées. Par suite, la CCIR AURA ne saurait davantage être regardée, dans ces circonstances, comme ayant manqué à son obligation de recherche de reclassement telle qu'elle est prévue par l'article 35-1 précité.

8. En second lieu, aux termes de l'article 33 du statut du personnel des CCI, dans leur rédaction applicable à la date de la décision contestée : " La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : / (...) / 6) Par suppression de son poste, après avis de la commission paritaire compétente, / (...). ". Aux termes de la quatrième partie de l'article 35-1 du même statut : " Réunion de la Commission Paritaire / Dans le délai de huit jours ouvrés qui suit le ou les entretiens individuels (si plusieurs procédures sont menées, c'est la date du dernier entretien individuel qui doit être retenue), le Président de la Commission Paritaire adresse aux membres de cette commission une convocation comprenant un ordre du jour et les documents relatifs à la réunion qui a pour objet : / • une information sur les moyens que la CCI employeur a examinés pour éviter les suppressions de postes tels que notamment : les possibilités de création d'activités nouvelles, d'augmentations de ressources ou de diminution de charges, d'aménagement du temps de travail et/ou de réduction du temps de travail, de reclassement des agents ainsi que toutes autres mesures alternatives au licenciement, / • une information sur les aides et mesures d'accompagnement apportées aux agents susceptibles d'être licenciés pour faciliter leur réemploi sur des postes équivalents telles que bilan de compétence, actions de formation et de validation des acquis de l'expérience, prestation d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi, etc., ..., mises en œuvre par la CCI employeur elle-même ou par un prestataire qu'elle choisit. Elles doivent être adaptées tant aux besoins des agents concernés qu'aux moyens dont dispose la CCI employeur, / • une information sur le coût et les modalités de mise en œuvre des mesures envisagées. / Par dérogation à l'article 6.2.5.1.2 du Statut, l'ordre du jour et les documents relatifs à la réunion doivent être adressées aux membres de la Commission Paritaire au plus tard 5 jours ouvrés avant la réunion. Au vu de ces informations, la Commission Paritaire rend deux avis : / • un avis sur les démarches, propositions et actions entreprises pour éviter les licenciements, / • un avis sur les mesures individuelles de licenciement envisagées. Le relevé de décisions établi à l'issue de cette réunion est transmis à (aux) agent(s) concerné(s) et versé à son(leur) dossier(s) individuel(s). Ce relevé des décisions est porté à la connaissance de l'ensemble du personnel dans les conditions prévues à l'article 6.2.5.1.6 du Statut. ".

9. Il résulte de ce dernier article, qui régit la totalité de la procédure pour suppression de poste dans les CCI, que le président de la commission paritaire régionale a l'obligation de réunir la commission à deux reprises. Il est tenu de lui communiquer, avant sa première réunion, un dossier comprenant des informations relatives aux raisons économiques, financières et techniques à l'origine des suppressions de poste, à la liste des postes susceptibles d'être supprimés et aux critères retenus ainsi qu'aux moyens que la chambre employeur entend mettre en œuvre pour favoriser les reclassements et éviter les licenciements. La commission paritaire régionale doit à nouveau être réunie après les entretiens individuels des agents concernés, afin de rendre un avis sur les démarches, propositions et actions entreprises pour éviter les licenciements et sur les mesures individuelles de licenciement envisagées. Cette seconde réunion a pour objet d'informer la commission sur les moyens examinés par l'employeur pour éviter les suppressions de postes, les mesures d'accompagnement des agents susceptibles d'être licenciés et les coûts et modalités de mise en œuvre des mesures envisagées. La commission paritaire régionale doit, dès lors, être informée au plus tard à l'occasion de cette seconde réunion des actions qui ont été concrètement entreprises à l'égard de ces agents pour éviter leur licenciement. Compte tenu de l'obligation qui incombe à la CCI employeur d'examiner les possibilités de reclassement, notamment en son sein, des agents dont le licenciement est envisagé, c'est en conséquence au plus tard à l'occasion de sa seconde réunion que la commission paritaire locale doit être informée des propositions de reclassement qui ont pu être faites à ces mêmes agents.

10. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier que, après les délibérations de la CCIR AURA du 27 novembre 2019, un premier dossier d'information de trente pages a été adressé aux membres de la CPR et aux organisations syndicales. Ce document, qui rappelait les quarante-trois postes susceptibles d'être supprimés, en distinguant entre les trente-trois postes alors pourvus et les dix postes vacants, ainsi que ceux visés par le plan de transformation de la CCI de Grenoble et ceux concernés par la démarche dite de " facility management ", respectivement au nombre de trente et un et douze, et précisant leur nature ainsi que leur niveau de classification, comprenait quatre parties, comportant des développements précis et circonstanciés, et différentes annexes. Ainsi, la première exposait les raisons économiques, financières et techniques à l'origine de la procédure, en détaillant le plan stratégique de transformation en plusieurs étapes de la CCI de Grenoble en faveur d'un nouveau modèle économique et organisationnel visant à prendre en compte le contexte lié aux réformes législatives du réseau des CCI et notamment la baisse de ressources ainsi que le besoin d'adaptation des actions de l'organisme pour le futur. La deuxième partie faisait état des postes dont la suppression était prévue et des critères retenus pour sélectionner certains postes lorsque les catégories visées comprenaient plusieurs emplois dont seulement certains étaient concernés, avec leur identification et une précision des éventuelles conséquences sur la nouvelle organisation. La troisième partie analysait les moyens devant être mis en œuvre pour favoriser les reclassements au sein de l'organisme consulaire et du réseau des CCI de France pour éviter les licenciements, et détaillait les mesures de redéploiement au sein de la CCI de Grenoble, de reclassement dans d'autres CCI ou à l'extérieur du réseau consulaire, tout en indiquant les mesures d'accompagnement des agents concernés, notamment par le recours à un prestataire extérieur, destinées à permettre leur reclassement professionnel par une aide à la recherche d'emploi. Et une quatrième partie était consacrée aux moyens visant à prévenir les risques psychosociaux inhérents à la mise en place d'une procédure de suppression de postes, avec notamment le recours à un prestataire susceptible de fournir un accompagnement psychologique aux agents concernés.

11. Ensuite, un deuxième document prévu pour la seconde réunion technique, telle que prévue par la première partie de l'article 35-1 du statut, de la CPR a fourni des précisions circonstanciées sur les trente-trois agents visés par les suppressions de postes, notamment sur leur identité, leur âge et le niveau et la nature de leur poste, et leur situation par rapport à leur droit à faire valoir leur retraite. De même, ont été spécifiées les différentes actions de reclassement entreprises comprenant en particulier les dates d'envoi des propositions de postes internes à la CCI de Grenoble ou externes, la nature des postes proposés et précisant les cas dans lesquels les intéressés avaient postulé. Cette information a été ultérieurement complétée par l'envoi, notamment le 24 février 2020, de tableaux précis relatifs aux opérations de reclassement, la mise en œuvre concrète des actions d'accompagnement des intéressés, notamment dans leur repositionnement professionnel et sur un plan psychologique ayant été développée. De plus, un nouveau dossier d'information de onze pages, rappelant et actualisant ces éléments, a été établi en vue de la première réunion de la CPR, visant à ce que les avis soient émis, le 12 mars 2020, repoussée au 16 avril, avec notamment des précisions sur les opérations de reclassement et de redéploiement, des cas particuliers, le coût des mesures mises en œuvre pour le repositionnement professionnel des agents dont le poste serait supprimé et sur la charge budgétaire des licenciements, et qui faisait également état du reclassement de deux agents.

12. Enfin, un dernier dossier d'information pour les membres de la commission et les organisations syndicales a été constitué pour la seconde réunion du 26 mai 2020 reprenant tous les éléments précédemment fournis dans les différents documents mentionnés ci-dessus, de nouveau actualisés, notamment s'agissant de l'accompagnement au repositionnement professionnel de plusieurs agents. A l'issue de cette seconde réunion, la CPR a émis les deux avis visés par les dispositions citées précédemment, au point 8.

13. Il n'apparaît pas, dans ces conditions, que la CPR n'aurait pas disposé de l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées pour se prononcer en toute connaissance de cause et que la chambre aurait donc commis une irrégularité dans la procédure d'information prévue par l'article 35-1 du statut.

14. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision de licenciement en litige par les motifs que la CCIR AURA n'aurait pas satisfait à ses obligations de recherche de reclassement et d'information des membres de la CPR.

15. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant le tribunal que devant elle.

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment tant du compte-rendu du déroulement de la CPR du 26 mai 2020 que du relevé de décisions de cette commission, que ses membres ont été conduits à émettre un avis, dans le cadre de la procédure de licenciement pour suppression de poste en cause, à la fois sur les démarches, propositions et actions entreprises pour éviter les licenciements et sur les mesures individuelles de licenciement envisagées, les agents concernés par les postes devant être supprimés, dont la nature et le niveau étaient spécifiés et ceux devant être licenciés ayant été nommément désignés. Par suite, les membres de la CPR ont pu voter sur les deux avis que la commission était appelée à émettre conformément aux dispositions précitées de l'article 35-1 du statut. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que, faute d'un vote sur chacune des mesures individuelles de licenciement envisagé, la délibération du 26 mai 2020 serait irrégulière.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6.2.5.1.4 du statut du personnel des CCI, dans leur rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Un conseiller technique par organisation syndicale représentée au sein de la Commission Paritaire Régionale assiste de droit aux réunions de cette commission. / Les conseillers techniques sont librement choisis par les organisations syndicales parmi les membres du personnel de la CCI de Région. / Le temps passé en réunion n'est pas décompté de leurs heures de délégation s'ils en disposent ni, dans le cas contraire, de leur temps de travail mais est considéré comme du temps de travail effectif. / La délégation employeur peut également désigner, en tant que de besoin, des conseillers techniques. ".

18. Il apparaît, au regard du compte-rendu du déroulement de la CPR du 26 mai 2020, que deux conseillers techniques représentant deux organisations syndicales ont été, malgré l'opposition des membres de la commission représentant le personnel, invités à quitter la salle lors du vote sur les deux avis évoqués précédemment. Dans la mesure où ceux-ci étaient personnellement concernés par la procédure de suppression en cause, et compte tenu du principe d'impartialité qui s'impose à toute autorité administrative dans toute l'étendue de son action, cette circonstance ne saurait être de nature à avoir entaché la procédure d'irrégularité. En toute hypothèse, l'absence des intéressés lors du vote ne pouvait avoir une quelconque incidence sur le sens de ces avis, seuls les membres de la commission ayant voix délibérative en vertu des dispositions combinées articles 6.2.1 (composition des CPR) et 6.2.5.1.5 (vote dans les CPR) du statut. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que, en raison de l'exclusion de deux conseillers techniques, la délibération du 26 mai 2020 serait entachée d'un vice de procédure.

19. En troisième lieu, et en admettant même que Mme A... aurait entendu critiquer la légalité de la décision contestée par d'autres moyens concernant la régularité de la procédure à l'issue de laquelle les avis de la CPR du 26 mai 2020 ont été adoptés, à les supposer assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, il n'apparaît pas, en toute hypothèse, alors que ces avis, bien qu'obligatoires n'ont pas à être conformes, la CCIR n'étant pas tenue de s'y conformer, et que, en dépit du refus des représentants du personnel de prendre part au vote, ils ont été rendus dans un sens favorable à la majorité des voix, l'intéressée aurait, en l'espèce, été privée d'une garantie ou que le sens de la décision de licenciement en litige aurait pu s'en trouver influencé. Dès lors, et par ailleurs à défaut d'éléments sérieux permettant de dire que cette procédure aurait porté atteinte à la liberté syndicale, le moyen ne peut qu'être écarté.

20. En quatrième lieu, si Mme A... soutient que, faute de prise en compte de sa situation particulière et notamment de son âge, son licenciement serait illégal, elle ne précise toutefois pas quelles dispositions, en particulier du statut, auraient ici été méconnues. Le moyen ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.

21. En dernier lieu, Mme A... soutient que la décision de licenciement en litige serait abusive et procéderait d'un détournement de pouvoir, la CCIR AURA ayant eu l'intention de la licencier du fait de son âge qui en constituerait en réalité la raison, sans avoir intention de la reclasser et son poste n'ayant pas été réellement supprimé. Toutefois, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment et vu les pièces du dossier, rien ne permet de dire que son licenciement procéderait exclusivement d'une telle intention, que la CCIR AURA aurait cherché à faire échec à son reclassement, ou qu'il y aurait une absence de suppression de son poste, disparition qui est d'ailleurs matériellement établie au regard des pièces du dossier et justifiée par des considérations économiques et stratégiques de réorganisation. Le moyen, en tous ses branches, ne peut qu'être écarté.

22. Dans ces conditions, la CCIR AURA est fondée à soutenir que la décision de licenciement contestée n'est entachée d'aucune illégalité fautive qui serait de nature à engager sa responsabilité pour la réparation des préjudices matériel et moral invoqués par Mme A....

23. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité des jugements attaqués, la CCIR AURA est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par ces deux jugements des 10 août 2023 et 5 août 2024, a annulé la décision contestée du 22 juin 2020, enjoint à son président de réintégrer Mme A... sur un poste correspondant à son grade avec effet au 26 août 2020, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, l'a condamnée à réparer le préjudice moral invoqué par Mme A..., ordonné un supplément d'instruction, a réservé le jugement des conclusions de Mme A... présentées au titre des frais du litige jusqu'en fin d'instance et rejeté sa demande au titre des frais du litige, et, en conséquence, s'est prononcé sur ses conclusions reconventionnelles, présentées à titre subsidiaire, pour les rejeter, et a mis à sa charge le paiement d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens. Les conclusions correspondantes de Mme A... devant le tribunal ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées par Mme A... dans les instances 23LY03147 et 24LY02795[0]1 :

24. Les conclusions présentées par Mme A... tendant à la réformation des jugements attaqués en ce que les premiers juges n'ont fait que partiellement droit à sa demande de réparation de son préjudice moral, ordonné un supplément d'instruction, réservé sa demande au titre des frais du litige et rejeté sa demande de réparation d'un préjudice matériel, ne peuvent, en conséquence de ce qui précède, qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans le cadre de l'instance n° 23LY03350 :

25. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de la requête n° 23LY03350 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2007224 du 10 août 2023 ont perdu leur objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 500 euros à verser à la CCIR AURA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'ensemble de ses conclusions de première instance et d'appel. Les conclusions présentées sur ce même fondement par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2, 3, 4, 5 et 7 du jugement du 10 août 2023 ainsi que 2 et 3 du jugement du 5 août 2024 sont annulés, et les demandes correspondantes de Mme A... devant le tribunal sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Mme A... versera à la CCIR AURA une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la CCIR AURA tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 août 2023.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de région Auvergne-Rhône-Alpes et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N°s 23LY03147, 23LY03350, 24LY02791

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03147
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-06-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Organisation professionnelle des activités économiques. - Chambres de commerce et d'industrie. - Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;23ly03147 ?
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