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19/12/2024 | FRANCE | N°24LY01518

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 19 décembre 2024, 24LY01518


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'ordonner la réalisation d'une expertise et d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Savoie sur sa demande tendant à la modification de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2007 en ce qu'il restreint les périmètres sanitaires d'émergence des captages Evua et Opale.



Par un jugement n° 1801037 du 3 mars 2020, le tribunal administr

atif a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour avant cassation

Par une requête et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'ordonner la réalisation d'une expertise et d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Savoie sur sa demande tendant à la modification de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2007 en ce qu'il restreint les périmètres sanitaires d'émergence des captages Evua et Opale.

Par un jugement n° 1801037 du 3 mars 2020, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour avant cassation

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 juin 2020, 19 mars et 15 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Francina puis Me Larrouy-Castéra a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 mars 2020 ;

2°) d'ordonner la réalisation d'une expertise sur le fondement de l'article R. 625-1 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler la décision de rejet implicitement née du silence conservé par le préfet de la Haute-Savoie sur ses demandes tendant à la modification de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2007 en ce qu'il restreint les périmètres sanitaires d'émergence des captages Evua et Opale ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de prendre un arrêté modificatif sur le fondement de l'article 23 de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2007 et de l'article R. 1322-14 du code de la santé publique ou d'inviter la SAEME à solliciter une révision de son autorisation, dans un délai déterminé ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable ;

- l'arrêté du 28 décembre 2007 n'a pas été précédé d'un avis d'un hydrogéologue agrée, en méconnaissance des articles R. 1322-5 et R. 1322-6 du code de la santé publique ;

- il aurait dû être précédé d'une réactualisation de la demande de l'exploitant qui datait de 1997 ;

- la nécessité d'élargir les périmètres sanitaires d'émergence des captages Evua et Opale doit, compte tenu de l'insuffisance des différents avis émis jusque-là qui ne prennent pas en compte son activité agricole et sa source, faire l'objet d'une expertise ;

- le refus du préfet de la Haute-Savoie d'élargir les périmètres sanitaires d'émergence des captages Evua et Opale procède d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 1322-16 du code de la santé publique.

Par des mémoires enregistrés les 19 février et 8 novembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable, en l'absence de demande susceptible de faire naître une décision permettant la liaison du contentieux ;

- subsidiairement, le moyen tiré du défaut d'avis préalable d'un hydrogéologue constitue une demande nouvelle, soulevée tardivement et irrecevable ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 13 avril 2021, la commune de Maxilly-sur-Léman, représentée par Me Merotto, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en remet aux moyens présentés par le préfet de la Haute-Savoie en première instance et par le ministre des solidarités et de la santé en appel et indique ne pas être compétente pour statuer sur la demande de M. A....

Par un arrêt n° 20LY01672 du 4 mai 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A....

Par une décision n° 465451 du 29 mai 2024, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la cour après cassation

Par un courrier du 30 mai 2024, les parties ont été informées de la reprise de l'instance devant la cour après renvoi de l'affaire par le Conseil d'État.

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2024, M. A..., représenté par Me Larrouy-Castéra, conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par un mémoire enregistré le 18 juillet 2024, la commune de Maxilly-sur-Léman, représentée par Me Merotto, conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 4 juillet 2024, l'instruction a été close au 6 septembre 2024.

Par un courrier du 7 novembre 2024 , les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2007 devenu définitif, et donc des moyens soulevés contre cet arrêté (vice de procédure à raison du défaut de consultation d'un hydrogéologue agréé préalablement à son adoption et absence de réactualisation de la demande de l'exploitant qui datait de 1997).

La commune de Maxilly-sur-Léman et M. A... ont respectivement présenté des observations sur ce moyen relevé d'office les 12 et 14 novembre 2024, qui ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnées ainsi que de l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., propriétaire de parcelles situées sur le territoire de la commune de Maxilly-sur-Léman en amont des captages " Evua " et " Opale " dont l'eau est exploitée comme eau minérale naturelle par la société anonyme des eaux minérales d'Evian (SAEME), a demandé au préfet de la Haute-Savoie de modifier son arrêté du 28 décembre 2007 ayant fixé les périmètres sanitaires d'émergence de ces captages. Par un jugement du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de M. A.... Par un arrêt du 4 mai 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par ce dernier contre ce jugement. Par une décision du 29 mai 2024, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

2. En premier lieu, à défaut d'avoir exercé dans les délais un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2007 qui a été publié au recueil des actes administratifs de la Haute-Savoie du 31 décembre 2007, les moyens tirés de l'illégalité de cet arrêté, à raison d'une part, du vice de procédure qui résulterait du défaut de consultation d'un hydrogéologue agréé préalablement à son adoption et, d'autre part, de ce que cet arrêté aurait dû être précédé d'une réactualisation de la demande de l'exploitant qui datait de 1997, sont irrecevables.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1322-1 du code de la santé publique : " I. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'environnement, l'eau minérale naturelle fait l'objet d'une reconnaissance et d'une autorisation par le représentant de l'État dans le département pour : / 1° L'exploitation de la source (...) ". Aux termes de l'article R. 1322-8 du même code : " La décision statuant sur la demande d'autorisation d'exploiter une source d'eau minérale naturelle est prise par arrêté préfectoral avant la mise en œuvre du projet (...) / L'arrêté préfectoral d'autorisation indique notamment l'identification du titulaire de l'autorisation d'exploiter, l'usage de l'eau minérale naturelle, les noms et lieux des émergences qui constituent la source, le nom de la source, le lieu d'exploitation final de la source, les mesures de protection et les conditions d'exploitation des captages, la description du périmètre sanitaire d'émergence (...) ". Aux termes de l'article R. 1322-16 du même code : " L'arrêté d'autorisation d'exploiter une source d'eau minérale naturelle détermine un périmètre sanitaire d'émergence pour lequel le propriétaire doit disposer, pour chaque émergence, de la pleine propriété ou acquérir des servitudes garantissant sa protection contre les pollutions ponctuelles ou accidentelles. Les terrains compris dans ce périmètre sont clôturés ".

4. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un plein contrôle sur la détermination, par l'arrêté d'autorisation d'exploiter une source d'eau minérale naturelle, du périmètre sanitaire d'émergence prévu par les dispositions précitées de l'article R. 1322-16 du code de la santé publique.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 1322-14 du code de la santé publique : " Le préfet peut prendre, à son initiative, sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, ou à la demande de l'exploitant et conformément à la procédure prévue à l'article R. 1322-6, un arrêté modificatif de l'arrêté d'autorisation, s'il estime que le maintien de certaines dispositions n'est plus justifié ou que des prescriptions complémentaires s'imposent afin d'assurer la sécurité sanitaire de l'eau distribuée. / Avant de prendre son arrêté, le préfet peut prescrire à l'exploitant, par une décision motivée, la fourniture ou la mise à jour des éléments contenus dans le dossier de la demande d'autorisation et la production de bilans de fonctionnement supplémentaires. Ces mesures sont à la charge de l'exploitant. ".

6. Par son arrêté du 28 décembre 2007, le préfet de la Haute-Savoie a réduit de 100 mètres sur 130 mètres à 7,5 mètres sur 8 mètres le périmètre sanitaire d'émergence applicable au captage Opale et a fixé à 7,5 mètres sur 7,5 mètres celui applicable au captage Evua. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'inspection du 8 septembre 2016 de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, réalisé presque dix ans après la mise en place de ces périmètres sanitaire d'émergence, que la zone dans laquelle s'infiltrent les eaux qui alimentent les captages litigieux se trouve très largement en amont de ces captages, qu'à proximité des captages les sols sont constitués d'une couche imperméable argileuse, laquelle protège naturellement le site, confirmant ainsi un avis de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Rhône-Alpes du 17 novembre 1997 selon lequel les caractéristiques géologiques du site contribuent naturellement à sa protection, que les forages des captages ont fait l'objet d'une cimentation qui permet d'éviter des infiltrations et qu'enfin, les résultats du suivi analytique bactériologique des émergences concernées a systématiquement donné des résultats favorables. A cet égard, il ne saurait être opposé la circonstance que l'exploitant n'aurait pas procédé à certaines mesures d'auto-surveillance qui lui avaient été imposées, ces mesures visant seulement à s'assurer des caractéristiques de l'eau minérale puisée et non de leur éventuelle pollution. Si M. A... fait valoir qu'il exerce sur ses parcelles situées en limité de ces périmètres une activité agricole qui peut être polluante, sans toutefois plus la détailler, le rapport a conclu, pour les motifs exposés ci-dessus, à l'absence de risque de contamination de la ressource en eau au vu de l'activité menée par M. A... de dépôt de fumier et de " jardinage ". Il n'apparaît pas que les conclusions de ce rapport auraient été différentes s'il avait été plus précisément indiqué que M. A... se livrait à une activité agricole. Contrairement à ce que prétend l'intéressé, ce rapport a tenu compte des différents signalements auxquels il avait lui-même précédemment procédé sur les risques de pollution. Il n'a pas été remis en cause par le courrier de la même direction du 10 janvier 2005, lequel se borne à constater le non-respect par l'exploitant du précédent périmètre alors applicable. Par ailleurs, si le rapport indique que l'existence du forage réalisé par M. A... sur la parcelle dont il est propriétaire peut représenter un risque de contamination, par injection dans celui-ci de substances indésirables par une personne mal attentionnée ou par mise en communication des eaux souterraines avec des eaux plus superficielles, il n'apparait pas qu'un usage normal de ce forage devrait conduire à une quelconque pollution, de sorte que rien n'obligeait le préfet à inclure la parcelle accueillant ce forage dans le périmètre d'émergence sanitaire, l'exploitant du forage étant tenu de respecter la réglementation relative à la protection de la qualité de l'eau. Ainsi, et nonobstant l'avis rendu le 29 avril 1989 par un hydrogéologue préalablement à la première délimitation des périmètres, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions précitées en limitant respectivement à 7,5 mètres sur 8 mètres et à 7,5 mètres sur 7,5 mètres les périmètres sanitaires d'émergence des captages Opale et Evua et a ainsi légalement pu rejeter la demande de M. A....

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance ou d'ordonner la réalisation d'une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Maxilly-sur-Léman.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Maxilly-sur-Léman tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, à la commune de Neuvecelle et à la commune de Maxilly-sur-Léman.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre.

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure.

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01518

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01518
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-06 Eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FRANCINA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24ly01518 ?
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