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19/12/2024 | FRANCE | N°24LY00773

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 décembre 2024, 24LY00773


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 15 987,28 euros en réparation des préjudices subis par son fils.



La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 49 286,81 euros au titre de ses débours et la somme de 1

080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, outre intérêts au taux légal à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 15 987,28 euros en réparation des préjudices subis par son fils.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 49 286,81 euros au titre de ses débours et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, capitalisés.

Par jugement n° 1701654 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné acte du désistement de Mme C... de sa demande, a condamné la commune de Clermont-Ferrand à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme les sommes de 49 286,81 euros et de 1 080 euros assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, capitalisés et a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 432,88 euros à la charge définitive de la commune de Clermont-Ferrand.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 novembre 2019 et le 21 avril 2020, la commune de Clermont-Ferrand, représentée par Me Bonicel-Bonnefoi (SELARL DMMJB Avocats), demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 5 du jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son mémoire du 6 septembre 2019 n'a pas été communiqué alors qu'il s'agissait de son premier mémoire en défense et que le tribunal administratif s'appuie expressément sur ce mémoire pour motiver son jugement ;

- elle n'a commis aucune faute en faisant participer A... C... à l'activité " soccer " ;

- la conclusion d'un protocole transactionnel n'a d'effet qu'entre les parties et ne vaut pas reconnaissance de responsabilité ;

- elle n'a pas acquiescé, en première instance, à la reconnaissance de sa responsabilité.

Par mémoire enregistré le 7 février 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge de la commune de Clermont-Ferrand, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier ;

- la commune de Clermont-Ferrand a reconnu sa responsabilité et relevé qu'il lui appartenait seulement de justifier de la véracité des débours engagés en produisant les justificatifs de règlement ;

- le tribunal administratif a caractérisé la faute ;

- le désistement de la victime est sans incidence sur le droit au recours des tiers payeurs.

Par arrêt n° 19LY04392 du 1er juin 2021, la cour a annulé les articles 2, 3 et 5 de ce jugement, rejeté la demande présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel, et a maintenu les frais et honoraires de l'expertise à la charge de la commune de Clermont-Ferrand.

Par une décision n° 455107 du 22 mars 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 24LY00773.

II. Par courriers du 25 mars 2024, les parties ont été informées du renvoi de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Par mémoire enregistré le 25 avril 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme conclut aux mêmes fins que précédemment et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué, en portant à 1 191 euros la condamnation prononcée au titre de l'indemnité forfaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose qu'une faute de la commune de Clermont-Ferrand est à l'origine du préjudice subi par A... C... et, par suite, de ses débours.

Par mémoire enregistré le 5 juin 2024, la commune de Clermont-Ferrand conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, et demande à la cour de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2024, par ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de Mme Christine Psilakis ;

- et les observations de Me Martins Da Silva, pour la commune de Clermont-Ferrand ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'accident subi le 24 octobre 2013 par le jeune A... C... dans le cadre d'une activité sportive organisée par le centre de loisirs du château des Vergnes, dépendant de la commune de Clermont-Ferrand, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par la mère de l'enfant mineur, a, d'une part, donné acte du désistement de cette dernière de sa demande à la suite du protocole transactionnel conclu avec la commune pour régler les conséquences financières de cet accident et, d'autre part, fait droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme tendant au remboursement des débours exposés par cet organisme en lien avec la prise en charge médicale de l'enfant. Ce jugement a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 1er juin 2021, lui-même annulé par décision du Conseil d'Etat du 22 mars 2024, qui a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour.

Sur le fond du litige :

2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) / Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun (...), la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s'exerce en priorité à titre amiable. / La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 376-3 de ce code : " Le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et l'assuré ne peut être opposé à la caisse de sécurité sociale qu'autant que celle-ci a été invitée à y participer (...) ". Aux termes de l'article L. 376-4 du même code : " La caisse de sécurité sociale de l'assuré est informée du règlement amiable intervenu entre l'assuré et le tiers responsable ou l'assureur. / L'assureur ou le tiers responsable ayant conclu un règlement amiable sans respecter l'obligation mentionnée au premier alinéa ne peuvent opposer à la caisse la prescription de leur créance. Ils versent à la caisse, outre les sommes obtenues par celle-ci au titre du recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1, une pénalité qui est fonction du montant de ces sommes et de la gravité du manquement à l'obligation d'information, dans la limite de 50 % du remboursement obtenu. / Le deuxième alinéa du présent article est également applicable à l'assureur du tiers responsable ou au tiers responsable lorsqu'ils ne respectent pas l'obligation d'information de la caisse prévue au septième alinéa de l'article L. 376-1. Une seule pénalité est due à raison du même sinistre. (...) ".

3. S'il est loisible aux personnes publiques de conclure une transaction pour mettre un terme à une procédure mettant en cause leur responsabilité, les tiers à ce contrat ne peuvent se prévaloir d'un droit à indemnisation résultant de sa signature. Les dispositions précitées du code de la sécurité sociale, qui régissent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale, n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger à cette règle et de permettre à ces caisses, dans l'exercice de ce recours à l'encontre d'une personne publique, d'invoquer un droit à indemnisation tiré des termes du règlement amiable conclu entre cette personne publique et un de leurs assurés ou ses ayants droit lorsqu'elles ne sont pas parties à ce règlement. La reconnaissance d'un tel droit, qui pourrait au demeurant contrevenir au principe suivant lequel les personnes morales de droit public ne peuvent être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, ne résulte d'aucune autre disposition législative. Il appartient dès lors au juge, lorsqu'il est saisi d'un recours subrogatoire par une caisse de sécurité sociale, de se prononcer au vu de l'instruction, sur l'existence d'une faute de la collectivité publique ou de tout autre fait de nature à justifier la prise en charge du dommage ainsi que d'un lien de causalité direct et certain avec les débours exposés.

4. A cet égard, il résulte de l'instruction que, le 24 octobre 2013, A... C..., alors âgé de quatorze ans, s'est fracturé le tibia droit alors qu'il participait à un jeu de ballon au centre de loisirs du château des Vergnes, géré par la commune de Clermont-Ferrand. Si les agents du centre aéré avaient été informés de la maladie de Charcot-Marie-Thoot dont souffre cet enfant, en revanche, seuls les " problèmes musculaires " et la grande fatigabilité en résultant avaient été par ailleurs mentionnés sur sa fiche sanitaire par ses parents, sans précision d'un quelconque risque accru de blessure et de contre-indications à la pratique du sport. Il n'est nullement établi, notamment par le courrier du maire de la commune du 9 mars 2016, que des informations plus précises auraient été portées à leur connaissance quant aux incidences de cette maladie et aux risques d'une telle activité sportive pour cet enfant. Au vu des informations ainsi communiquées au centre aéré par les parents de l'enfant, la commune n'a pas commis de faute en ne s'opposant pas à sa participation à cette activité.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et en l'absence d'autre moyen dont la cour serait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, que la commune de Clermont-Ferrand est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré qu'elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité pour la condamner à rembourser les débours exposés par la CPAM du Puy-de-Dôme et mettre à sa charge l'indemnité forfaitaire de gestion et des frais en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, d'autre part et en conséquence, à demander l'annulation des articles 2, 3 et 5 de ce jugement.

Sur les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion :

6. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 4 et 5 qu'en l'absence de faute imputable à la commune de Clermont-Ferrand, la CPAM du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à demander le remboursement des débours qu'elle a exposés, ni, en conséquence, le versement de l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, à supposer qu'elle ait entendu saisir la cour de conclusions tendant à ce que le montant de cette indemnité soit rehaussé, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens :

7. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 432,88 euros, à la charge définitive de la CPAM du Puy-de-Dôme, partie perdante dans la première instance.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Clermont-Ferrand, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la CPAM du Puy-de-Dôme. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Clermont-Ferrand, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement n° 1701654 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés pour un montant de 1 432,88 euros, sont mis à la charge définitive de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Article 4 : La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme versera à la commune de Clermont-Ferrand une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Clermont-Ferrand et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet du Puy-de-Dôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00773
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : DMMJB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24ly00773 ?
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