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19/12/2024 | FRANCE | N°23LY03920

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 décembre 2024, 23LY03920


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 26 juin 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de ces mesures d'éloignement.



Par jugement nos 2304905-2304906 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Gr

enoble a joint et rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 26 juin 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de ces mesures d'éloignement.

Par jugement nos 2304905-2304906 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a joint et rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2023, M. B... et Mme A..., représentés par Me Albertin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de la Drôme du 26 juin 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer les titres de séjour sollicités dans le délai de trois mois, subsidiairement, de réexaminer leur situation après remise d'autorisations provisoires de séjour sous quinzaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, l'instruction, close au 31 août 2023, n'ayant pas été rouverte à la suite du renvoi de l'affaire, après un premier audiencement, à une audience ultérieure, en méconnaissance de l'article R. 432-7 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est irrégulier, à défaut de faire mention des observations présentées par leur conseil à l'audience du 21 septembre 2023 ;

- les refus de titre de séjour litigieux ont été adoptés au terme d'une procédure irrégulière, aucune pièce relative à leur situation n'ayant été communiquée à la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article R. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour opposé à M. B... repose sur un motif entaché d'erreur matérielle sur l'ancienneté de son activité salariée ;

- les refus de titre de séjour méconnaissent l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'erreurs manifestes d'appréciation ;

- les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant les pays de destination de ces mesures d'éloignement sont illégales en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreurs manifestes d'appréciation.

Par mémoire enregistré le 16 septembre 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 17 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec,

- et les observations de Me Albertin, pour M. B... et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme A..., ressortissants malgaches, relèvent appel du jugement du 27 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d'annulation des décisions du préfet de la Drôme du 26 juin 2023 rejetant leurs demandes de titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience (...) Cet avis le mentionne (...) ". Aux termes de son article R. 613-3 : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction (...) ".

3. Lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement rouvre nécessairement l'instruction en application de l'article R. 613-4 précité. Il en va de même si la mesure est décidée par la formation de jugement, à l'issue d'une audience ayant fait apparaître la nécessité d'un complément d'instruction.

4. A cet égard, et d'une part, même après le premier audiencement d'une affaire, la formation de jugement peut toujours, si elle l'estime nécessaire, fixer une nouvelle date d'audience, sans qu'aucune disposition, ni aucun principe applicable n'exige une " levée de la mise en délibéré " telle qu'évoquée par les requérants. D'autre part, si la clôture de l'instruction avait, en première instance, été initialement fixée dans ces deux affaires au 31 août 2023, par ordonnances du 2 août 2023, il est constant qu'après un premier audiencement de ces affaires, le 21 septembre 2023, des pièces produites tant par le préfet de la Drôme que par les requérants ont été régulièrement soumises au contradictoire avant un nouvel audiencement le 19 octobre 2023, rouvrant ainsi l'instruction sans que les parties n'aient été privées ni de la faculté de débattre au cours de l'instruction complémentaire ni de celle de présenter leurs observations à l'audience du 19 octobre 2023. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité qui résulterait du défaut de réouverture de l'instruction n'est pas fondé et ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Mention y est faite que (...) les parties, leurs mandataires ou défenseurs (...) ont été entendus (...) ".

6. Il est constant qu'après un premier audiencement le 21 septembre 2023, les présentes affaires ont été appelées à une nouvelle audience publique, le 19 octobre 2023. Dans ces conditions, seule cette dernière audience, ainsi que les observations présentées par les parties ou leurs mandataires à cette occasion, devaient être visées par le jugement attaqué. Par suite, l'absence de mention dans ce jugement des observations présentées par le conseil des requérants à l'audience du 21 septembre 2023 n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.

Sur les refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article R. 432-7 du même code : " L'autorité administrative compétente pour saisir la commission du titre de séjour (...) est le préfet (...). La demande d'avis est accompagnée des documents nécessaires à l'examen de l'affaire, comportant notamment les motifs qui conduisent le préfet à envisager une décision de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour (...) ainsi que les pièces justifiant que l'étranger qui sollicite une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 réside habituellement en France depuis plus de dix ans ".

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

9. En se bornant à produire la fiche de synthèse qui aurait été préalablement transmise à la commission du titre de séjour et en indiquant que le dossier de demande des intéressés était consultable sur place par les membres de la commission le jour de la séance, le préfet de la Drôme ne démontre pas avoir accompagné sa demande d'avis des pièces requises par les dispositions citées au point 7. Toutefois, dès lors que seules sont visées par ces dispositions, outre les motifs du refus envisagé, des pièces relatives à la durée de résidence des intéressés en France, que ni le préfet ni la commission du titre de séjour n'ont remis en cause cette durée et que cette dernière s'est estimée suffisamment informée pour rendre son avis, cette irrégularité n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens des décisions prises à leur égard, et n'a pas privé les intéressés d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être retenu.

10. En deuxième lieu, en indiquant M. B... " ne justifie pas d'une ancienneté de travail significative ", le préfet de la Drôme n'a pas entendu lui opposer l'absence de production de justificatifs de son activité professionnelle, mais a estimé cette activité peu consistante. Par suite, le requérant, qui ne prétend pas, à l'appui de ce moyen, que cette qualification serait erronée, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait ainsi entaché sa décision d'une inexactitude matérielle en ignorant le contrat de travail et les fiches de paie dont il se prévalait.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

12. S'il est constant qu'à la date des refus de titre de séjour litigieux, M. B... et son épouse, Mme A..., ressortissants malgaches nés, respectivement, en 1994 et en 1993, vivaient depuis plus de dix ans sur le territoire français, il est constant qu'ils ont été uniquement autorisés à y résider, respectivement, jusqu'en 2013 et 2018 et en qualité d'étudiants, ce qui ne leur donnait pas vocation à s'établir durablement. Par ailleurs, par l'activité professionnelle dont ils se prévalent, de seulement deux ans pour M. B... et limitée à quelques mois en 2016 et 2019 pour Mme A..., et les témoignages produits, faisant pour beaucoup état de relations amicales récentes, ils ne justifient d'aucune intégration particulière. Enfin, ils ne se prévalent d'aucune attache familiale en France, alors qu'ils n'en sont pas dépourvus dans leur pays d'origine, où demeurent, à tout le moins, les parents et une sœur de M. B..., ainsi qu'il ressort du formulaire de demande rempli par ses soins le 22 octobre 2022. Tous deux en situation irrégulière en France, ils ne justifient d'aucun obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, eu égard notamment au jeune âge de leurs enfants. Dans ces circonstances, M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer des titres de séjour, le préfet de la Drôme a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.

13. En quatrième lieu, comme indiqué au point 12, si M. B... et Mme A... se prévalent de la durée de leur séjour en France, ils s'y maintiennent en situation irrégulière depuis, respectivement, 2013 et 2018, et n'ont été autorisés à y résider qu'en qualité d'étudiant, qui ne leur donnait pas vocation à s'y établir durablement. Ils n'y justifient par ailleurs d'aucune attache familiale, ni d'aucune intégration particulière. Si M. B... se prévaut du contrat du 18 juin 2021 le recrutant, pour une durée indéterminée, comme commis de cuisine, cette activité, pour laquelle il ne justifie d'aucune expérience ni qualification particulière, était récente à la date des décisions litigieuses. Dans ces conditions, et nonobstant les difficultés de recrutement dont l'employeur de l'intéressé a fait état, le préfet de la Drôme n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur ce fondement.

14. Enfin, et pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 12 et 13, le préfet de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation discrétionnaire à l'égard de M. B... et de Mme A....

Sur les obligations de quitter le territoire français et les pays de destination :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, de l'illégalité des refus de titre de séjour pour contester les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement, dont ils sont assortis.

16. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 12 et 14, M. B... et Mme A..., qui n'ont pas développé d'autres arguments, ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreurs manifestes d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

18. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03920
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23ly03920 ?
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