Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.
Par jugement n° 2307715 du 20 septembre 2023, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 24 novembre 2023, M. A..., représenté par la SELARL Lozen, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté litigieux ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il dispose de la nationalité française ou, à tout le moins, la question de sa nationalité est sérieuse et justifie ainsi qu'elle soit tranchée par le juge judiciaire dans le cadre d'une question préjudicielle ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal en l'absence de risque de soustraction à une mesure d'éloignement ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité des autres décisions ;
- son principe et sa durée sont excessifs.
Par mémoire enregistré le 18 juin 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Bertrand Savouré ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné la Guinée comme pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.
2. Aux termes de l'article 21-12 du code civil : " Peut (...) réclamer la nationalité française : 1° L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice (...) est confié au service de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes de l'article 26-3 du même code : " (...) le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire refuse d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales. / Sa décision motivée est notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal judiciaire durant un délai de six mois (...) ".
3. Si M. A..., entré sur le territoire le 18 mai 2018 avant l'âge de quinze ans, a souscrit, le 2 juin 2021, une déclaration de nationalité fondée sur les dispositions précitées du 1° de l'article 21-12 du code civil, il ressort des pièces du dossier que la directrice des services de greffe du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a refusé d'enregistrer cette déclaration par décision du 10 septembre 2021. Par suite, alors même qu'il a contesté cette décision devant le tribunal judiciaire de Lyon, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait disposé de la nationalité française à la date de l'arrêté litigieux ni même que la question de sa nationalité soulevait une difficulté sérieuse justifiant qu'il soit sursis à statuer.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
5. Si M. A... allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et fait valoir qu'il est présent en France depuis plus de cinq ans alors qu'il est entré en France avant l'âge de quinze ans, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire sans enfants, s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement et est défavorablement connu des services de police. Eu égard aux conditions de son séjour en France et alors que rien ne fait obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point 4 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ".
7. Contrairement à ce que soutient M. A..., la préfète de l'Ain établit que l'intéressé risque de se soustraire à la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il est dépourvu de documents d'identité et de voyage, ne dispose pas d'une résidence permanente dans un foyer d'habitation et a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. S'il fait valoir que cette précédente mesure d'éloignement avait été annulée par le tribunal administratif de Lyon et n'a été rétablie qu'à la suite de l'annulation du jugement par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 8 juin 2023 qui était récent à la date de l'arrêté litigieux, il n'en demeure pas moins qu'il est demeuré inexécuté après cette date, malgré l'expiration du délai de départ volontaire dont il était assorti.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) ".
9. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances humanitaires y feraient obstacle, la préfète de l'Ain, qui a refusé à l'intéressé tout délai de départ volontaire, était tenue d'édicter une interdiction de retour à l'encontre de M. A.... Au regard de ce qui a été dit au point 7, la durée de dix-huit mois qu'elle a fixée n'est pas disproportionnée.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
11. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N°23LY03618