Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 27 novembre 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Léger a décidé la résiliation, pour motif d'intérêt général, du marché de maîtrise d'œuvre et des marchés portant sur les onze lots de travaux antérieurement conclus pour la construction d'une nouvelle école.
Par jugement n° 2100526 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 novembre 2023 et le 13 mai 2024, Mme A... C..., représentante unique, M. I... C..., M. F... D..., Mme H... E... et M. G... B..., représentés par Me Barnier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Léger du 27 novembre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Léger la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de la délibération litigieuse, en tant que contribuables locaux et usagers du service public de l'éducation nationale ;
- cette délibération a été adoptée en méconnaissance de l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales, la séance du conseil municipal s'étant tenue à huis-clos ;
- elle n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général ;
- elle est disproportionnée au regard de l'objectif qu'elle poursuit.
Par mémoire enregistré le 9 avril 2024, la commune de Saint-Léger, représentée par Me Tissot (SELARL CDMF-Avocats affaires publiques), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme C... et autres la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- les tiers à un contrat ne sont pas recevables à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en prononçant la résiliation.
Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de Mme Christine Psilakis ;
- et les observations de Me Barnier, représentant Mme C... et autres, et celles de Me Sansiquet, représentant la commune de Saint-Léger ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ainsi que quatre autres habitants de la commune de Saint-Léger, relèvent appel du jugement du 31 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande, en estimant qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation, pour excès de pouvoir, de la délibération du conseil municipal de la commune du 27 novembre 2020 décidant de résilier, pour motif d'intérêt général, le marché de maîtrise d'œuvre et les marchés des onze lots de travaux conclus par la commune pour la construction d'une nouvelle école.
2. Le droit de former un recours contre une décision administrative est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue. Dès lors, il ne saurait être opposé à Mme C... et autres, sans porter atteinte à leur droit au recours, qu'en tant que tiers aux contrats résiliés, ils ne sont plus désormais recevables qu'à saisir le juge du contrat d'un recours de pleine juridiction, sans pouvoir saisir le juge de l'excès de pouvoir d'une demande tendant à l'annulation de la décision les résiliant. Par conséquent, il appartient à la cour de statuer sur leur recours en tant que juge de l'excès de pouvoir.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Tant que la décision de résilier un contrat administratif peut être déférée par un tiers au juge de l'excès de pouvoir, son recours est recevable s'il justifie d'un intérêt direct et certain lui donnant qualité pour agir. Un requérant peut en justifier à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois en appel. A cet égard, une délibération ayant une incidence directe sur le budget communal, cet effet suffit à conférer à un requérant établissant sa qualité de contribuable communal un intérêt à agir, sans qu'il soit nécessaire d'établir que les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales seraient d'une importance suffisante.
4. La délibération litigieuse a pour effet d'interrompre la construction d'une école sur le territoire de la commune de Saint-Léger et d'obliger celle-ci à verser des indemnités de résiliation à ses anciens cocontractants. Par suite, en se prévalant, en appel, de leurs qualités, non contestées, de contribuables locaux, ainsi que, pour certains d'entre eux, d'usagers du service public de l'éducation, Mme C... et les autres requérants, tous habitants de la commune, se prévalent d'intérêts leur donnant qualité pour en demander l'annulation pour excès de pouvoir, quelles que soient les économies qui pourraient être par ailleurs réalisées par le budget communal avec l'abandon de ce projet de construction. Par suite, Mme C... et autres sont fondés à soutenir qu'en rejetant leur demande comme irrecevable, le jugement attaqué est irrégulier et qu'il doit être annulé.
5. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande de Mme C... et autres tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Léger du 27 novembre 2020.
Sur le fond du litige :
6. En premier lieu, la commune de Saint-Léger indique, sans être contredite, ni par les requérants, ni par aucune mention contraire de la délibération litigieuse, que, nonobstant le contexte sanitaire et le couvre-feu alors instauré, la séance du conseil municipal du 27 novembre 2020 n'a été tenue ni à huis clos, ni en interdisant au public d'y assister. Par suite, le moyen tiré du défaut de caractère public de la séance du conseil municipal doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-10 du même code : " Toute convocation est faite par le maire (...) ".
8. Si Mme C... et autres soutiennent que la convocation du conseil municipal à la séance du 27 novembre 2020 a été irrégulièrement signée par le premier adjoint de la commune, ils ne contestent pas que celui-ci avait régulièrement reçu délégation à cette fin par l'arrêté du maire de la commune du 6 août 2020 versé au dossier. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation du conseil municipal doit être écarté.
9. En troisième lieu, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant.
10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la délibération du conseil municipal de Saint-Léger du 31 octobre 2020 et de l'ordre de service n° 2 du même jour, que la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre et des onze marchés de travaux précédemment conclus pour la construction d'une nouvelle école a été décidée en raison de l'abandon du projet. Dans ces conditions, indépendamment des motifs qui ont amené la commune, dans l'exercice de sa libre administration, à cet abandon et nonobstant le montant des indemnités dues en conséquence aux cocontractants, la résiliation litigieuse est justifiée par un motif d'intérêt général.
11. Enfin, la résiliation étant ainsi justifiée par un motif d'intérêt général, les requérants ne sauraient utilement arguer du caractère disproportionné des conséquences de cette décision.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Léger du 27 novembre 2020.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Léger, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme C... et autres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, de faire droit aux conclusions présentées par la commune sur leur fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100526 du tribunal administratif de Grenoble du 31 août 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble, ainsi que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Léger en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune de Saint-Léger.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
P. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY03396