Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 mars 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 2203775 du 6 avril 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 22 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre à l'OFPRA, à titre principal, de lui reconnaître la qualité d'apatride et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision en litige méconnaît l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 dès lors qu'il n'y a pas de doute sur son identité, qu'il a quitté la zone de protection de l'UNRWA et qu'il est dans l'incapacité de regagner ce pays d'accueil ;
- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui n'a pas présenté d'observations.
Par une ordonnance du 26 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2024.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention relative au statut des apatrides, signée à New-York le 28 septembre 1954 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 15 avril 1986 à Tyr (Liban) et d'origine palestinienne, résidait avec sa famille au sein du camp de réfugiés d'Al Baas. Il aurait quitté le Liban au cours de l'année 2018 pour rejoindre le Danemark avant de gagner la France en novembre 2020. Il a déposé, le 14 mai 2021, une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride. Par une décision du 22 mars 2022, le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande. M. A... B... relève appel du jugement du 6 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. L'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". L'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides stipule que : " 1. Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. / 2. Cette convention ne sera pas applicable : i) Aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, tant qu'elles bénéficieront de ladite protection ou de ladite assistance (...) ".
3. Il résulte des stipulations citées au point 2 que la convention du 28 septembre 1954 n'est pas applicable à un réfugié palestinien tant qu'il bénéficie effectivement de l'assistance ou de la protection de l'UNRWA. Dès lors qu'il a perdu le bénéfice effectif d'une telle assistance ou protection et qu'aucun État ne le reconnaît comme l'un de ses ressortissants par application de sa législation, un réfugié palestinien bénéficie, sous réserve des autres clauses d'exclusion prévues à l'article 1er, du régime de la convention du 28 septembre 1954 et peut demander, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'octroi du statut d'apatride.
5. Un réfugié palestinien qui se trouve en dehors de la zone d'activité de l'UNRWA ne bénéficie plus effectivement de la protection ou de l'assistance de cet Office dans les cas ci-après définis.
6. Le premier cas correspond à l'hypothèse où une menace grave pour sa sécurité a contraint un réfugié palestinien à quitter l'État ou le territoire situé dans la zone d'intervention de l'UNRWA dans lequel il avait sa résidence habituelle et fait obstacle à ce qu'il y retourne. Le deuxième cas correspond à l'hypothèse dans laquelle une telle menace, apparue après le départ de l'intéressé, fait pareillement obstacle à son retour sur place. Le troisième cas correspond à l'hypothèse où, pour des motifs indépendants de sa volonté, étrangers à l'existence d'une menace pour sa sécurité, un réfugié palestinien se trouve dans l'impossibilité de regagner l'État ou le territoire dans lequel il avait sa résidence habituelle.
7. En outre et eu égard aux exigences attachées au respect de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège les personnes dépourvues de nationalité des atteintes excessives au droit au respect de la vie privée, doit également être regardé comme ne bénéficiant plus effectivement de l'assistance ou de la protection apportée par l'UNRWA dans sa zone d'intervention un réfugié palestinien qui possède en France des liens familiaux ou des liens personnels, compte tenu notamment de la durée de sa résidence sur le territoire, tels que le centre de ses intérêts se trouve désormais en France où il est dès lors fondé, à la condition qu'aucun État ne le reconnaisse comme l'un de ses ressortissants par application de sa législation, et sous réserve des autres clauses d'exclusion prévues par la convention du 28 septembre 1954, à demander que lui soit octroyé le statut d'apatride sur le fondement de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de bénéficier de la protection juridique à laquelle il a droit à ce titre.
8. M. A... B..., dont le nom figure sur la carte familiale d'enregistrement de l'UNRWA, fait état, pour la première fois en cause d'appel, des menaces et des violences dont il aurait été victime de la part des frères d'une jeune fille avec laquelle il aurait entretenu une relation, lesquels appartiendraient au Hezbollah et seraient à l'origine de son départ du Liban. Il ne produit, au soutien de ses allégations, lesquelles sont au demeurant floues et peu circonstanciées, aucun élément permettant de tenir pour établie la réalité des faits ainsi relatés ainsi que le fait qu'il a été contraint de quitter le Liban en raison d'une menace grave pour sa sécurité, ni aucun élément permettant de considérer qu'il ferait l'objet, depuis ce départ, d'une menace grave pour sa sécurité faisant obstacle à son retour dans ce pays. En outre, si M. A... B... soutient qu'il ne peut pas regagner le Liban en l'absence de passeport ou de document de voyage pour réfugié palestinien au Liban ou de visa, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il se serait vu refuser la délivrance de tels documents et il ne justifie d'ailleurs pas avoir entrepris des démarches qui se seraient révélées infructueuses auprès des autorités consulaires libanaises, alors qu'il ne conteste pas avoir lui-même procédé à la destruction du document de voyage pour réfugié palestinien dont il était en possession. Enfin, M. A... B..., qui déclare résider en France depuis novembre 2020, n'établit ni l'ancienneté ni l'intensité de la relation qu'il entretiendrait en France avec une ressortissante algérienne ayant sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Il ne dispose par ailleurs d'aucune attache familiale en France, ses parents résidant au Liban et ses sœurs au Danemark et en Suède. Dans ces conditions et eu égard à sa date d'entrée récente en France, il ne saurait être regardé comme ayant fixé, à la date de la décision contestée, le centre de ses intérêts en France. Dans ces conditions, M. A... B... n'entre ainsi dans aucun des cas où un réfugié palestinien qui se trouve en dehors de la zone d'opération de l'UNRWA ne bénéficie plus de sa protection ou de son assistance. Par ailleurs, si le directeur général de l'OFPRA a estimé, ainsi qu'il ressort des motifs de la décision contestée, qu'il ne pouvait être confirmé avec certitude que M. A... B... est effectivement le titulaire de la carte d'identité de réfugié palestinien produite à l'appui de de la demande, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait pas remis en cause cette qualité. Par suite, le directeur général de l'OFPRA était fondé, pour ce seul motif, à lui refuser la qualité d'apatride. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides et de ce que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celle présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
M. Bernard Gros, premier conseiller,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La présidente-rapporteure,
A.-G. MauclairL'assesseur le plus ancien,
B. Gros
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY03051 2