Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... E... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Chambéry a délivré à M. D... C... un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble collectif d'habitation de vingt-quatre logements, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté et l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel la même autorité a délivré à M. C... un permis de construire modificatif.
Par un jugement avant-dire droit n° 2100808 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur cette demande pendant un délai de trois mois aux fins de régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article UAD 6 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un jugement n° 2100808 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble, estimant que le vice n'avait pas été régularisé, a annulé le permis de construire du 31 juillet 2020, la décision implicite de rejet du recours gracieux et le permis modificatif du 6 octobre 2021.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, M. D... C..., représenté par Me Poncin (SELARL CDMF-Avocats Affaires publiques), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2022 ;
2°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021 portant permis de construire modificatif ;
3°) de rejeter la demande de M. et Mme E... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de M. et Mme E... le versement d'une somme de 3 000 euros au même titre.
Il soutient que :
- le jugement du 22 novembre 2022 est irrégulier, en ce qu'il a omis de constater le non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de permis de construire modificatif du 6 octobre 2021, alors que cet arrêté avait été retiré et que ce retrait était devenu définitif ;
- c'est à tort que le jugement a prononcé l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021 le 22 novembre 2022, alors que cet arrêté avait été retiré et que ce retrait était devenu définitif ;
- c'est à tort que le jugement avant dire droit du 22 mars 2022, qui peut être contesté dans le cadre de la contestation du jugement du 22 novembre 2022, a retenu une méconnaissance de l'article UAD 6 du règlement du PLU par le projet, alors que les dispositions de cet article concernent non seulement les voies publiques mais également les emprises publiques, en cohérence avec la forme urbaine et les gabarits du secteur, que l'article UAD 10-3 du règlement du PLU autorise d'y déroger pour assurer l'insertion du projet dans son environnement bâti, et que le projet respecte l'ensemble de ces dispositions ;
- à titre subsidiaire, le jugement du 22 novembre 2022 devra être réformé du fait du constat de l'illégalité de la décision du 9 juin 2022 par laquelle le maire de la commune de Chambéry a opposé un refus à sa demande de délivrance d'un permis de régularisation, qui est contestée dans le cadre d'une instance pendante devant le tribunal administratif de Grenoble.
Par un mémoire enregistré le 7 mars 2023, la commune de Chambéry, représentée par Me Vincens-Bouguereau (SELARL ATV Avocats Associés), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le retrait de l'arrêté du 6 octobre 2021 par celui du 9 février 2022 serait devenu définitif ;
- le jugement du 22 mars 2022 n'ayant pas été contesté, il est devenu définitif ; les moyens dirigés contre les motifs de ce jugement doivent donc être écartés comme inopérants ;
- à titre subsidiaire, le tribunal n'a pas commis d'erreur dans l'interprétation de l'article UAD 6 du règlement du PLU ni d'erreur dans l'application de cet article au projet ;
Par un mémoire enregistré le 24 mars 2023, M. et Mme E..., représentés par Me Djeffal, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la contestation de la légalité de la décision du 9 juin 2022 refusant la délivrance d'un permis de régularisation relève d'un contentieux distinct et de la compétence du tribunal administratif de Grenoble ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAD 6 du règlement du PLU, retenu par le jugement du 22 mars 2022, n'est pas opérant à l'encontre du jugement du 22 novembre 2022, seul contesté ;
- à titre subsidiaire, les moyens de la requête dirigés contre les questions tranchées par le jugement du 22 mars 2022, en particulier celle du non-lieu, sont inopérants ;
- en tout état de cause l'arrêté de permis de construire méconnaît l'article UAD 6 du règlement du PLU, et l'article UAD 10-3 ne peut être utilement invoqué.
Par ordonnance du 14 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- les observations de Me Fiat, représentant M. C...,
- les observations de Me Djeffal, représentant M. et Mme E...,
- et les observations de Me Vincens-Bouguereau, représentant la commune de Chambéry.
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 juillet 2018, M. C... a sollicité la délivrance d'un permis de construire portant sur la réalisation d'un immeuble collectif de vingt-quatre logements de type R+6+combles d'une surface de plancher de 1 590,39 m², sur la parcelle cadastrée section ... située sur le territoire de la commune de Chambéry (Savoie). Par un arrêté du 31 juillet 2020, le maire de la commune de Chambéry a, en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1807632 du 9 juin 2020, délivré à M. C... le permis de construire sollicité, enregistré sous le n° PC 73065 18 G1066. Par un arrêté du 6 octobre 2021, le maire de la commune a délivré à M. C... un permis de construire modificatif n° PC 73065 18 G1066 M01.
2. M. et Mme E..., propriétaires d'une parcelle immédiatement voisine du terrain d'assiette du projet, ont sollicité le retrait de l'arrêté n° PC 73065 18 G1066, par un courrier du 1er octobre 2020 reçu le 15 octobre 2020 par la commune, qui n'a pas donné de suite à ce recours gracieux. Ils ont ensuite saisi le 5 février 2021 le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'annulation des arrêtés des 31 juillet 2020 et 6 octobre 2021. Ce tribunal a, par un jugement avant-dire-droit du 22 mars 2022, constaté que l'implantation de la construction par rapport à la voie publique n'était pas conforme à l'article UAD 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Chambéry et sursis à statuer sur les conclusions de la requête, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en fixant un délai de trois mois pour régulariser le projet. Le 19 avril 2022, M. C... a sollicité la délivrance d'un permis de construire modificatif, qui lui a été refusée par un arrêté n° PC 73065 18 G1066 M02 du 9 juin 2022. Par un jugement du 22 novembre 2022, le tribunal, constatant que le vice relevé dans le jugement du 22 mars 2022 n'avait pas été régularisé, a annulé l'arrêté du 31 juillet 2020 portant permis de construire, la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre cet arrêté et l'arrêté du 6 octobre 2021 portant permis de construire modificatif. M. C... relève appel du jugement du 22 novembre 2022.
Sur la régularité du jugement contesté :
3. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi.
4. Il résulte de l'instruction que M. C... a sollicité le retrait de l'arrêté n° PC 73065 18 G1066 M01 du 6 octobre 2021 portant permis de construire modificatif. Par un arrêté du 9 février 2022 transmis en préfecture le lendemain, le maire de la commune de Chambéry a retiré cet arrêté. M. C... a produit cet arrêté du 9 février 2022, dont il avait nécessairement reçu notification, à l'appui d'un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 28 février 2022 dans le cadre de l'instance n° 2100808. Si, à la date du jugement avant-dire-droit du 22 mars 2022, ce retrait n'avait pas acquis un caractère définitif, en revanche il ne résulte pas de l'instruction que, à la date du jugement réglant le fond du litige du 22 novembre 2022, cet arrêté aurait fait l'objet d'une contestation. Le retrait de l'arrêté du 6 octobre 2021 par l'arrêté du 9 février 2022 était donc devenu définitif. Dans ces conditions, les conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021 étaient à la date de ce jugement devenues sans objet. Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 22 novembre 2022, qui a statué irrégulièrement sur cette demande, doit, dès lors, dans cette mesure, être annulé.
5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021, par la voie de l'évocation, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par les parties.
Sur les conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021 :
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, ces conclusions sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 juillet 2020 et de la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme E... :
7. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge administratif peut, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Lorsqu'il décide de recourir à l'article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et d'indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés. "
8. D'une part, lorsque le juge administratif décide de recourir à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le bénéficiaire de l'autorisation initiale d'urbanisme et l'autorité qui l'a délivrée peuvent contester le jugement avant dire droit en tant qu'il a jugé que cette autorisation était affectée d'un vice entachant sa légalité. Ils peuvent également contester ce jugement en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1.
9. D'autre part, à compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent contester la légalité d'un permis de régularisation par des moyens propres et au motif qu'il ne permet pas de régulariser le permis initial. En revanche, si aucune mesure de régularisation ne lui est notifiée, il appartient au juge de prononcer l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse, sans que puisse être contestée devant lui la légalité du refus opposé, le cas échéant, à la demande de régularisation présentée par le bénéficiaire de l'autorisation. Une telle contestation ne peut intervenir que dans le cadre d'une nouvelle instance, qui doit être regardée comme dirigée contre le refus d'autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu'il était envisagé d'y apporter.
10. Les moyens de la requête de M. C..., qui, ainsi que le font valoir les défendeurs, ne conteste pas le jugement avant dire droit du 22 mars 2022 mais uniquement le jugement du 22 novembre 2022 mettant fin au litige, tirés de l'erreur dans l'interprétation des dispositions du règlement du PLU de la commune de Chambéry et de l'erreur d'appréciation à avoir considéré que le projet ne respectait pas la règle d'implantation définie par l'article UAD 6 de ce règlement, sont inopérants au soutien de conclusions dirigées contre le jugement du 22 novembre 2022, qui se borne à tirer les conséquences de l'absence d'une mesure de régularisation. La circonstance que le refus de délivrance du permis de régularisation sollicité fasse l'objet d'une contestation dans le cadre d'une instance distincte enregistrée devant le tribunal administratif de Grenoble est à ce titre sans incidence sur le bien fondé du jugement du 22 novembre 2022 mettant fin au litige en ce qui concerne le permis de construire initial.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 31 juillet 2020 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. et Mme E... à l'encontre de cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. C... soit mise à la charge de M. et Mme E... ou de la commune de Chambéry, qui ne sont pas la partie qui perd pour l'essentiel dans la présente instance.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C..., sur le fondement de ces dispositions, une somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme E... et une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Chambéry.
DÉ C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100808 du tribunal administratif de Grenoble en date du 22 novembre 2022 est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 6 octobre 2021 portant permis de construire modificatif.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021.
Article 3 : M. C... versera une somme de 1 000 euros à M. et Mme E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : M. C... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Chambéry sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à M. et Mme A... et B... E... et à la commune de Chambéry.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
M. Bernard Gros, premier conseiller,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
G. MaubonLa présidente,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY00118 2