Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société civile immobilière (SCI) T5 Montagne a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de la commune des Allues a accordé un permis de construire à Mme B... A... et M. C... D... pour la construction d'un chalet au lieu-dit " Creux du Gypse " du hameau " Méribel Village " sur le territoire de cette commune.
Par un jugement n° 2003430 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2020.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2022 et le 6 août 2024, la société T5 Montagne, représentée par Me Bernard (AARPI Frêche et Associés), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020.
Elle soutient que :
- sa requête, présentée en qualité de voisin immédiat, est recevable ; le projet causera un préjudice de vue et des nuisances pour l'usage de leur parcelle, dont le projet prévoit la traversée pour son accès, et nécessite l'octroi d'une servitude de leur part au bénéfice des propriétaires du terrain d'assiette du projet ;
- l'arrêté accordant l'autorisation méconnaît les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, en ce que la notice du projet architectural est insuffisamment précise ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, en ce que le dossier mentionne des références cadastrales erronées ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, en ce que les plans fournis sont insuffisamment précis ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, en ce que les documents graphiques et photographiques produits ne permettent pas d'apprécier l'impact et l'insertion du projet ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, en ce que le dossier ne comporte pas l'attestation prévue au j) de cet article ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme, en ce que le service en charge du réseau d'électricité n'a pas été saisi du projet, modifié, tel qu'autorisé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le raccordement au réseau électrique ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le raccordement au réseau d'eau potable ;
- il méconnaît les dispositions de l'article UC 3 du plan local d'urbanisme en ce que le terrain, qui est enclavé et ne dispose pas d'une servitude de passage pour son accès, est donc inconstructible ; la voie ménagée sur leur parcelle, dont l'usage est réservé aux personnes disposant d'une servitude de passage, ne peut pas être considérée comme une voie ouverte à la circulation publique ; le chemin du Plaigny, qui s'achève à hauteur de la parcelle dont ils sont propriétaires, ne peut pas être considéré comme permettant l'accès au projet ;
- l'autorisation a été obtenue par fraude ;
- il méconnaît les dispositions de l'article UC 9 du plan local d'urbanisme en ce que le projet dépasse le coefficient d'emprise au sol autorisée.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2023, Mme B... A... et M. C... D..., représentés par Me Fiat (SELARL CDMF-Avocats Affaires Publiques), concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société T5 Montagne le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, la société requérante n'établissant pas que le projet serait de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- la servitude de passage bénéficiant aux parcelles nos 1633 et 1635 continue de bénéficier à toutes les parcelles issues, après division, de ces deux parcelles ; la voie privée supportant cette servitude est ouverte à la circulation publique.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2024, la commune des Allues, représentée par Me Pyanet (SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et Associés), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Société T5 Montagne le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- le terrain d'assiette du projet peut être regardé comme desservi par une voie ouverte à la circulation publique ou à tout le moins comme bénéficiant d'une servitude de passage existante ;
- à supposer que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme soit retenu, la cour pourra faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et surseoir à statuer dans l'attente du dépôt d'un permis de construire modificatif prévoyant un accès au projet par le chemin du Plaigny.
Par ordonnance du 9 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2024.
Par un courrier du 15 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cour, après avoir écarté les autres moyens, était susceptible de déclarer fondé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, en ce que le dossier de permis de construire ne comporte pas l'attestation mentionnée au j) de cet article, et, après avoir estimé ce vice régularisable, pourrait décider de surseoir à statuer, pendant un délai de trois mois, dans l'attente de la régularisation du permis de construire attaqué.
Des observations en réponse à ce courrier ont été produites le 28 octobre 2024 par Mme A... et M. D....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 11 octobre 2011 relatif aux attestations de prise en compte de la réglementation thermique et de réalisation d'une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie pour les bâtiments neufs ou les parties nouvelles de bâtiments ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- les observations de Me Lunel, représentant la société T5 Montagne,
- les observations de Me Frigière, représentant la commune des Allues,
- et les observations de Me Fiat, représentant Mme A... et M. D....
Une note en délibéré présentée par la société T5 Montagne a été enregistrée le 6 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société T5 Montagne relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de la commune des Allues (Savoie) a accordé un permis de construire à Mme A... et M. D... pour la construction d'un chalet au lieu-dit " Creux du Gypse " du hameau " Méribel Village ", sur les parcelles cadastrées section ..., anciennement ... sur le territoire de cette commune.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-2-1 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante est propriétaire d'une parcelle, contiguë au terrain d'assiette du projet, qui supporte un chalet d'habitation comportant plusieurs ouvertures orientées vers ce terrain. Le projet prévoit la construction, sur un terrain de 438 m² actuellement non bâti et à usage de jardin, d'un chalet d'habitation de cinq pièces, sur trois niveaux dont un semi-enterré, d'une hauteur de dix mètres par rapport au terrain naturel sur sa façade nord-ouest faisant face à la parcelle dont la société requérante est propriétaire, qui sera implanté à moins de vingt mètres du chalet de la requérante. L'accès piéton et automobile au chalet est prévu par le nord-ouest et nécessite de traverser la parcelle de la requérante. Pour justifier de son intérêt à agir, la société T5 Montagne invoque un préjudice de vue et des nuisances pour l'usage de son bien du fait de sa traversée pour l'accès au projet, ainsi que la circonstance que la réalisation du projet nécessite l'octroi d'une servitude de sa part au bénéfice des propriétaires du terrain d'assiette du projet. Eu égard à la nature, à la localisation et à la configuration du projet, ces éléments suffisent à justifier de l'intérêt pour agir de la société requérante. Si les défendeurs pétitionnaires font valoir que les habitations du village orientent leurs ouvertures sur la vallée et non sur la piste skiable, que l'implantation du chalet projeté n'est pas située exactement en face du chalet de la requérante, que les deux habitations sont séparées de près de seize mètres, qu'une servitude de passage au bénéfice du terrain d'assiette du projet existe déjà et que les véhicules circuleront sur la parcelle n° 2202 sans s'y arrêter, ces éléments ne sont pas de nature à dénier à la société T5 Montagne son intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige.
Sur la légalité du permis de construire accordé par arrêté du 18 juin 2020 :
5. En premier lieu, en ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, en ce que la notice n'est pas suffisamment précise, de l'article R. 431-5 du même code, en ce que le dossier mentionne des références cadastrales erronées, et de l'article R. 431-10 de ce code, en ce que les documents graphiques et photographiques produits ne permettent pas d'apprécier l'impact et l'insertion du projet dans son environnement, la société T5 Montagne n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Grenoble sur ses arguments de première instance relatifs à l'incomplétude du dossier. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. / (...) ".
7. Le dossier de permis de construire comporte un plan de masse coté dans les trois dimensions, dès lors qu'il comporte les mesures des longueurs et largeurs tant du terrain d'assiette du projet que la construction projetée et, en ce qui concerne les altitudes et hauteurs, différents points d'altitude établis au regard du nivellement général de la France (NGF) avec en particulier l'indication de l'altitude au faîtage de la construction. Le dossier comporte également deux plans de coupes faisant apparaître l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel. Le plan de masse fait en outre apparaître d'une part le chemin du Plaigny, voie publique, et d'autre part le tracé d'un " enrobé existant ", qui traverse la parcelle ..., propriété de la requérante, et la parcelle ..., devenue ... par division, propriété des pétitionnaires. Il ressort des pièces du dossier que cette voie correspond à une voie privée qui dessert des chalets d'habitation et qui n'est pas fermée à la circulation publique. Le terrain étant directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, l'argument selon lequel la servitude de passage ne serait pas indiquée sur le plan de masse est inopérant. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme doit être écarté dans toutes ses branches.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / (...) / j) Lorsque le projet est tenu de respecter les dispositions mentionnées à l'article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par le maître d'ouvrage attestant la prise en compte de la réglementation thermique, en application de l'article R. 111-20-1 de ce code (...) ; / (...) ". L'article R. 111-20-6 du code de la construction et de l'habitation précise que les articles R. 111-20 à R. 111-20-6 de ce code sont applicables à tous les projets de construction de bâtiments neufs devant faire l'objet d'une demande de permis de construire et figurant que cet article liste, parmi lesquels les " bâtiments à usage d'habitation ". L'article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation précise que " Les bâtiments nouveaux et les parties nouvelles de bâtiments doivent être construits et aménagés de telle sorte qu'ils respectent des caractéristiques thermiques " ainsi que des conditions qu'il liste de consommation d'énergie, de besoin d'énergie et de température intérieure, dont il renvoie la fixation à un arrêté du ministre chargé de l'énergie et du ministre chargé de la construction et de l'habitation. L'article R. 111-20-1 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " Le maître d'ouvrage de tout bâtiment neuf ou de partie nouvelle de bâtiment existant situé en France métropolitaine établit, pour chaque bâtiment concerné, un document attestant qu'il a pris en compte ou fait prendre en compte par le maître d'œuvre lorsque ce dernier est chargé d'une mission de conception de l'opération la réglementation thermique définie à l'article R. 111-20, et en particulier : / -la prescription concernant le besoin conventionnel en énergie d'un bâtiment pour le chauffage, le refroidissement et l'éclairage, mentionnée au 2° du I de l'article R. 111-20 ; / -les prescriptions sur les caractéristiques thermiques intervenant dans la performance énergétique du bâtiment mentionnées au 1° du II de l'article R. 111-20 et qui sont précisées par arrêté. / Cette attestation est établie sur un formulaire conforme à des prescriptions fixées par arrêté. Elle est jointe à la demande de permis de construire dans les conditions prévues [à] l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. " Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 11 octobre 2011 relatif aux attestations de prise en compte de la réglementation thermique et de réalisation d'une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie pour les bâtiments neufs ou les parties nouvelles de bâtiments, pris en application des dispositions des articles R. 111-20-1 à R. 111-20-5 du code de la construction et de l'habitation, en ce qui concerne les bâtiments neufs ou parties nouvelles de bâtiment soumis à permis de construire : " Afin de justifier de l'application des prescriptions de l'article R. 111-20-1 du code de la construction et de l'habitation, la personne chargée de la mission de maîtrise d'œuvre, si le maître d'ouvrage lui a confié une mission de conception, ou le maître d'ouvrage, s'il assure lui-même la mission de maîtrise d'œuvre, établit, en version informatique, au plus tard au dépôt de la demande de permis de construire du bâtiment concerné, un récapitulatif standardisé d'étude thermique simplifié. / Le contenu et le format du récapitulatif standardisé d'étude thermique simplifié à établir sont décrits en annexe II. " Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " En s'appuyant sur le récapitulatif standardisé d'étude thermique simplifié mentionné à l'article 2 du présent arrêté, le maître d'ouvrage utilise l'outil informatique mis à disposition sur un site internet accessible sur le site internet du ministère en charge de la construction, www.developpement-durable.gouv.fr, pour produire l'attestation définie aux articles R. 111-20-1 et R. 111-20-2 du code de la construction et de l'habitation ". Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du j) de l'article R 431-16 du code de l'urbanisme, de s'assurer de la production, par le pétitionnaire, d'un document, établi en s'appuyant sur le récapitulatif standardisé d'étude thermique simplifié, attestant qu'il a pris en compte ou fait prendre en compte la réglementation thermique applicable au projet. Il ne saurait en revanche dans ce cadre porter une appréciation sur le contenu de l'étude et son caractère suffisant au regard des exigences de la réglementation thermique applicable au projet.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire enregistré le 29 mai 2020 comporte l'attestation prévue au j) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, pourtant exigée pour le projet qui prévoit une construction nouvelle d'un chalet d'habitation, ni que le dossier de demande comporterait des éléments susceptibles de pallier cette absence. Le seul fait que la case " PCMI14-1 " du bordereau de dépôt des pièces jointes au formulaire CERFA de demande de permis ait été cochée n'est pas de nature à établir que ledit document a bien été joint au dossier de demande. En outre, la production, pour la première fois en appel, d'une attestation de prise en compte de la réglementation thermique correspondant au projet litigieux datée du 9 octobre 2019, sans preuve de la transmission de cette pièce aux services communaux, n'est pas non plus de nature à établir que cette attestation figurait bien au dossier de demande de permis de construire. Dans ces conditions, la société T5 Montagne est fondée à soutenir que le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. "
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société Enedis, en charge du réseau public d'électricité, a rendu le 10 mars 2020 un avis sur un projet de construction, abandonné par les pétitionnaires au profit du projet litigieux, d'un chalet d'habitation de cinq pièces, qui ne diffère pas du projet litigieux en ce qui concerne le raccordement du projet au réseau d'électricité. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions figurant au plan de masse du projet, qu'un coffret électrique raccordé au réseau public d'électricité est implanté en limite du terrain d'assiette du projet. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la consultation du service gestionnaire du réseau d'électricité s'imposait pour le projet litigieux, dont la mise en œuvre ne nécessite pas la réalisation de travaux sur le réseau public de distribution d'électricité mais un simple raccordement.
12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des schémas joints à l'avis favorable du 3 juin 2020 du service en charge des réseaux d'eau potable et d'assainissement, que le terrain d'assiette du projet est desservi par le réseau public d'eau potable, suffisamment capacitaire et implanté en sous-sol de l'une des parcelles assiette du projet, sans que la mention " boucle à clef AEP à créer " portée sur le plan de masse, qui est relative au raccordement au réseau existant et non à l'extension du réseau pour la desserte du projet, ne permette d'établir que tel ne serait pas le cas. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la consultation du service gestionnaire du réseau d'eau potable s'imposait pour le projet litigieux, dont la mise en œuvre ne nécessite pas la réalisation de travaux sur le réseau public de distribution d'eau potable mais un simple raccordement.
13. Enfin, le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Aucun aménagement n'étant prévu sur la parcelle de la requérante, l'argument tiré de ce qu'une servitude de passage des réseaux, qui ne relève pas de la réglementation d'urbanisme, aurait dû être prévue, ne peut qu'être écarté.
14. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme doit par suite être écarté dans toutes ses branches.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article Uc 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune des Allues, relatif aux conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et aux conditions d'accès aux voies ouvertes au public : " 1- Accès / 1.1 Tout terrain enclavé est inconstructible à moins que son propriétaire ne bénéficie d'une servitude de passage suffisante, instituée sous seing privé, par acte authentique ou par voie judiciaire en application de l'article 682 du Code Civil. / 1.2 Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celles de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / 1.3 Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Notamment, la pente maximum des accès, non couverts ou non chauffés, aux constructions, ou parties de constructions à usage de stationnement, ou aux aires de stationnement, ne pourra être supérieure à 10 %. / (...) / 2 - Voirie / 2.1 Les constructions doivent être desservies par des voies publiques ou privées adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie, aux exigences de la protection civile, au déneigement, à l'exception de constructions situées à moins de 100 m d'une voie déneigée. (...) / 2.2 Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques et privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles doivent desservir. / (...) ".
16. Le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.
17. La société requérante soutient que le terrain assiette du projet est enclavé et donc inconstructible, puisqu'il n'est desservi ni par une voie publique, ni par une voie privée ouverte à la circulation du public.
18. Il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies et des plans produits par les parties, que la voie d'accès au terrain d'assiette du projet est d'abord le chemin du Plaigny, voie publique qui est bitumée jusqu'à une distance comprise entre cinq et dix mètres du terrain. La voie carrossable, d'une largeur supérieure à trois mètres, effectue alors une courbe vers le sud, et quitte l'emprise de la voie publique pour se prolonger sur la parcelle ..., propriété de la requérante, puis conjointement sur la parcelle ... et sur les parcelles nos 1058 et 1635, devenues nos 2520, 2519 et 1635, et enfin sur la parcelle n° 2203, afin de permettre la desserte de deux chalets dont les propriétaires disposent d'une servitude de passage. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la circulation sur cette voie, dont l'accès n'était pas fermé, aurait été réservée aux résidents de ces deux chalets existants. Ainsi, cette voie privée est ouverte à la circulation publique, alors même qu'elle se termine en impasse. Le terrain d'assiette du projet, longé par cette voie et dont il supporte une partie, depuis laquelle il est prévu que l'accès au projet s'effectue, ne constitue donc pas un terrain enclavé au sens des dispositions de l'article Uc 3 du règlement du plan local d'urbanisme. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de cet article.
19. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le permis de construire n'aurait pu être accordé qu'à condition qu'une servitude de passage soit conclue par les pétitionnaires puisqu'ainsi qu'il a été dit, il n'appartient ni à l'administration saisie d'une demande d'autorisation d'urbanisme, ni au juge saisi de la contestation de son octroi, de vérifier l'existence d'un titre permettant l'utilisation d'une voie privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.
20. En sixième lieu, la société requérante soutient que le permis a été obtenu par fraude. Toutefois, d'une part, le fait que la demande de permis de construire fasse référence aux numéros des parcelles avant leur division autorisée par arrêté du 9 avril 2019, alors que le plan cadastral joint au dossier permet d'identifier le terrain d'assiette du projet sans équivoque y compris sous l'ancienne numérotation, que les superficies indiquées dans le formulaire de demande correspondent pour chaque parcelle divisée aux seules superficies détachées des anciennes parcelles, le total étant égal à 438 m², et que le terrain d'assiette n'inclut pas la parcelle renumérotée n° 2519, ne caractérise pas une manœuvre frauduleuse. D'autre part, la circonstance, à la supposer établie, que les parcelles nos 1058, 1059 et 1060 (devenues nos 2519, 2520, 2521 et 2522) ne disposent d'aucune servitude de passage ou que celle-ci n'aurait pas été transmise lors de la division des parcelles, est sans incidence sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme, accordée pour la construction d'un terrain non enclavé ainsi qu'il a été dit. Enfin, le fait que la notice comporte la mention " Accès depuis le chemin de Plaigny et une voie privée ", n'est pas davantage frauduleux, eu égard à la configuration des lieux décrite au point 18, qui fait se succéder le chemin du Plaigny dans sa partie bitumée puis une voie privée bitumée ouverte à la circulation du public pour accéder au projet, et alors que la conclusion d'une servitude de passage n'était pas exigée par la réglementation d'urbanisme au cas d'espèce. Le moyen tiré du caractère frauduleux de l'octroi de l'autorisation accordée ne peut donc qu'être écarté.
21. En septième lieu, aux termes de l'article Uc 9 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune des Allues, relatif à l'emprise au sol, le coefficient d'emprise au sol en zone Uc est limité à 0,20. Cet article précise que : " L'emprise au sol est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs exclus. / L'emprise au sol de la construction comprend l'épaisseur des murs extérieurs (matériaux isolants et revêtements extérieurs compris). / A titre d'exemple, le bassin d'une piscine (intérieure ou non, couverte ou non) constitue de l'emprise au sol. / En revanche, une aire de stationnement extérieure non couverte ou une rampe d'accès extérieure ne constituent pas d'emprise au sol. / Les terrasses de plain-pied, ne constituent pas d'emprise au sol dès lors qu'aucun élément ne dépasse du niveau du sol et que par conséquent, il est impossible d'en réaliser une projection verticale. / Les terrasses qui, sans être strictement de plain-pied, ne présentent ni une surélévation significative par rapport au terrain, ni des fondations profondes doivent également être considérées comme non constitutives d'emprise au sol. "
22. La société requérante soutient que le coefficient d'emprise au sol, évalué à 0,1996 par le projet du fait d'une emprise au sol de la construction de 87,42 m², doit être augmenté de la superficie de la terrasse de plain-pied située à l'arrière de la construction, qui apparaît surélevée par rapport au niveau du terrain naturel d'une épaisseur d'au moins 60 centimètres. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit au niveau intermédiaire de la construction, au bénéfice de la pente que présente le terrain, une terrasse implantée au sud de la construction. Il ressort des plans de coupe qu'elle ne présentera ni une surélévation significative par rapport au terrain, ni des fondations profondes. Elle doit donc être considérée comme non constitutive d'emprise au sol en application des dispositions de l'article Uc 9 précité, dont la requérante n'est par suite pas fondée à invoquer la méconnaissance.
23. Il résulte de tout ce qui précède que la société T5 Montagne est uniquement fondée à soutenir que l'arrêté du 18 juin 2020 méconnaît les dispositions du j) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme.
Sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
24. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".
25. Le vice relevé au point 9 du présent arrêt et tiré de la méconnaissance des dispositions du j) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme est susceptible d'être régularisé, sans modification du projet. Il y a lieu, en conséquence de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de surseoir à statuer, en fixant à deux mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à Mme A... et M. D... pour justifier d'une mesure de régularisation.
DÉ C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la société T5 Montagne.
Article 2 : La commune des Allues et Mme A... et M. D... devront justifier auprès de la cour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de la délivrance d'un permis de construire de régularisation du vice retenu au point 9 du présent arrêt, qu'il leur appartiendra en outre de notifier sans délai à la société requérante.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société T5 Montagne, à la commune des Allues, à Mme B... A... et à M. C... D....
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
M. Bernard Gros, premier conseiller,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
G. MaubonLa présidente,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 22LY01570 2