Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté en date du 22 avril 2024 du préfet de la Côte-d'Or par lequel il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2401324 du 30 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2024, M. B..., représenté par le cabinet Bonfils, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 22 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa demande.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur des faits matériellement inexacts et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de nationalité albanaise né le 9 juin 2000, est entré en France à une date indéterminée. Sa demande d'asile, déposée le 4 juillet 2022, a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2022. Sa demande de réexamen a également été rejetée par l'OFPRA le 2 septembre 2022. Par un arrêté du 22 avril 2024, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un second arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence dans le département de la Côte-d'Or pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination et prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, en se bornant à produire une déclaration préalable à l'embauche datée du 17 août 2021 et un contrat de travail supposé correspondre à cette déclaration, insuffisamment probants, M. B... n'établit pas être entré sur le territoire français au cours de l'année 2021 et que le préfet de la Côte-d'Or aurait commis une erreur matérielle en retenant qu'il était entré en France le 22 mars 2022, ni, a fortiori, que cela aurait pu avoir une incidence sur le sens de la décision. En outre, si le préfet de la Côte-d'Or a mentionné que M. B... avait été mis en cause pour un délit de fuite après un accident de la circulation, ce qui ressort de l'extrait du fichier automatisé des empreintes digitales, il a également précisé que ces faits n'avaient pas donné lieu à des poursuites pénales, ainsi que l'affirme le requérant. Enfin, quand bien même M. B... n'aurait plus de relations avec les membres de sa famille restés en Albanie, il n'en demeure pas moins que ces membres résident effectivement dans ce pays. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait fondé sur des faits matériellement inexacts.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le séjour de M. B... en France était récent à la date de la décision. Célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière sur le territoire français et ne justifie pas disposer d'attaches familiales en France fortes, en faisant seulement état de la présence d'une de ses sœurs qui l'hébergerait. Compte tenu de ces circonstances, en particulier de la durée et des conditions de séjour du requérant en France, l'obligation de quitter le territoire français contestée ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de destination :
5. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. M. B... indique avoir dû fuir son pays du fait des craintes de violences de la part de son père auquel il s'est physiquement opposé pour protéger sa sœur dont leur père refusait le mariage. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée ainsi que sa demande de réexamen et quand bien même sa sœur aurait obtenu le statut de réfugiée, M. B... qui se borne à produire des attestations de ses deux sœurs et celle d'un ami vivant en Albanie, ne justifie d'aucun élément suffisamment probant de nature à établir qu'il encourrait des risques actuels le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était entré très récemment sur le territoire français, à la date de la décision, qu'il s'y est maintenu après le rejet de sa demande d'asile et le rejet de sa demande de réexamen. En outre, M. B... ne fait pas état de liens d'une particulière ancienneté et intensité en France. Ainsi, alors même que la présence en France de M. B... ne constituerait pas une menace à l'ordre public et en admettant même qu'il n'aurait pas eu connaissance d'une mesure d'éloignement le concernant, le préfet n'a pas méconnu les dispositions citées au point 7 en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Vinet
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01472
kc