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12/12/2024 | FRANCE | N°23LY03678

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 12 décembre 2024, 23LY03678


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme A... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) A... D... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 29 août 2016 par lequel le maire de la commune de Dauzat-sur-Vodable a accordé un permis de construire au nom de l'Etat à M. et Mme B..., ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2001662 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cet

te demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoires, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) A... D... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 29 août 2016 par lequel le maire de la commune de Dauzat-sur-Vodable a accordé un permis de construire au nom de l'Etat à M. et Mme B..., ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2001662 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er décembre 2023, 26 octobre 2024 et 6 novembre 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Gros, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de faire application de l'article L. 600-5 ou de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre solidairement à la charge de M. et Mme A... et C... A... D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- M. et Mme A... ne disposaient pas d'un intérêt pour agir dès lors, d'une part, que les servitudes évoquées par le tribunal préexistaient à l'arrêté contesté et, d'autre part, que leur maison est protégée du projet de construction par leur stabulation ;

- le projet de construction ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 mars 2024 et 12 novembre 2024, M. et Mme A... et C... A... D..., représentés par Me Riquier, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui n'a pas produit d'observations.

Par un courrier du 15 novembre 2024, les parties ont été invitées à présenter des observations sur la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre l'intervention d'une mesure de régularisation du permis délivré le 29 août 2016 sur le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Moya, rapporteur,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Ferrandon pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 août 2016, le maire de Dauzat-sur-Vodable a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire à M. et Mme B... en vue de la construction d'une maison individuelle sur la parcelle n° 150 du lieu-dit D..., située à moins de cinquante mètres de l'exploitation agricole dirigée par le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) A... D..., qui a notamment pour activité l'élevage de génisses. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par M. et Mme A... et C... A... D..., a annulé l'arrêté du maire de Dauzat-sur-Vodable du 29 août 2016 délivrant le permis de construire sollicité, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

3. D'autre part, aux termes de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Puy-de-Dôme adopté par arrêté préfectoral du 30 juillet 1991 : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune (...), l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : / les élevages porcins à lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 m des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, (...) / - les autres élevages (...) ne peuvent être implantés à moins de 50 m des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme ; (...) ".

4. Il est constant que la construction projetée est située à moins de cinquante mètres du bâtiment agricole de M. et Mme A.... Si M. et Mme B... exposent que quatre maisons d'habitation sont déjà implantées à moins de cinquante mètres de ce bâtiment, la construction d'une maison d'habitation supplémentaire est, contrairement à ce qu'ils soutiennent, susceptible d'aggraver les servitudes pesant sur l'exploitation agricole. Les intimés indiquent au demeurant, sans être sérieusement contredits, que les maisons implantées dans ce périmètre de 50 mètres ont été édifiées antérieurement au règlement sanitaire départemental du 30 juillet 1991. Par suite, alors même que M. et Mme A... ne font état d'aucune atteinte qui concernerait leur maison d'habitation, la construction envisagée est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bâtiment à usage agricole qu'ils exploitent. M. et Mme B... ne sont donc pas fondés à soutenir que M. et Mme A... et C... A... D... ne disposaient pas d'un intérêt à agir contre l'arrêté contesté.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 août 2016 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;/ d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

6. M. et Mme B... ont notamment produit à l'appui de leur demande de permis de construire des plans de façades, un plan de toiture, un schéma d'insertion, trois photographies portant sur terrain d'assiette et l'environnement proche, des plans de masse ainsi qu'une description du projet. Par suite, l'ensemble des documents produits a permis au service instructeur d'apprécier l'insertion paysagère du projet dans son environnement. Par ailleurs contrairement à ce que soutenaient M. et Mme A... et C... A... D... en première instance, M. et Mme B... ont également produit à l'appui de leur demande une notice architecturale et un plan de masse, conformément aux dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme.

7. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa réduction alors en vigueur : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / (...) / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Une telle dérogation n'est pas possible dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application du deuxième alinéa. / (...). ". Il résulte de ces dispositions que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.

8. D'autre part, en vertu de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Puy-de-Dôme adopté par arrêté préfectoral du 30 juillet 1991, les bâtiments abritant des élevages autres que porcins, de volailles et de lapins ne peuvent être implantés à moins de cinquante mètres des immeubles habités.

9. M. et Mme B... soutiennent que le bâtiment de M. et Mme A..., situé à moins de cinquante mètres de la maison projetée, n'accueille plus de bovins, de sorte que leur projet de construction n'est pas soumis à la règle de distance prescrite par les dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Puy-de-Dôme. Toutefois, alors que les requérants se bornent à produire une photographie tronquée du bâtiment en cause et à estimer que celui-ci " ressemble plus à une dépendance de maison d'habitation qu'[à] une stabulation accueillant des bovins ", M. et Mme A... produisent une photographie de ce bâtiment, qui a l'apparence d'un bâtiment à usage agricole, le récépissé de la déclaration en préfecture d'un élevage de vaches, en date du 15 novembre 1993, et un diagnostic des ouvrages de stockage des déjections ou des traitements des effluents du 29 juin 2017, effectué par la chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme, qui mentionne une aire de couchage paillée intégrale pour 23 génisses de 9 à 18 mois. Ils produisent enfin des photographies prises le 1er mars 2024, dont il ressort que ce bâtiment abrite leur élevage de génisses. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que leur projet de construction pouvait légalement être implanté à une trentaine de mètres seulement de ce bâtiment. Il suit de là que ce projet, autorisé par le maire de Dauzat-sur-Vodable par arrêté du 29 août 2016, méconnaît l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Puy-de-Dôme.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir, d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

11. Le vice dont est entaché l'arrêté en litige, retenu au point 9 ci-dessus, peut être régularisé si, en application du 4ème alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, précité au point 7, une distance d'éloignement dérogatoire est autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois laissé à M. et Mme B... pour produire à la cour une mesure de régularisation portant sur le vice relevé.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme B....

Article 2 : Il est imparti à M. et Mme B... un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour produire à la cour une mesure de régularisation du vice retenu au point 9 du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B..., à M. et Mme A..., au groupement agricole d'exploitation en commun A... D... et au ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Copie en sera adressée à la commune de Dauzat-sur-Vodable, au préfet du Puy-de-Dôme et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2024.

Le rapporteur,

P. Moya

La présidente de la formation de jugement,

C. Vinet

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre du logement et de la rénovation urbaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03678

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03678
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation locale. - Réglementation sanitaire départementale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : AVK

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23ly03678 ?
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