Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021, par lequel le préfet du Rhône a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2101374 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2023 et le 20 juin 2023, M. B..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 19 janvier 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 15 avril 2021 mentionnées ci-dessus ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " commerçant ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le jugement attaqué a méconnu les principes du contradictoire, de l'équité, de l'égalité des armes et du droit de la défense, le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative en raison de la communication tardive du mémoire du préfet du Rhône alors que ce mémoire contenait des éléments nouveaux, le privant ainsi d'un délai suffisant pour répondre et dans la mesure où les mémoires qu'il a produit en réponse n'ont pas été communiqués au défendeur ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis d'examiner le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour alors qu'il n'avait pas entendu se désister de ses conclusions dirigées contre celle-ci malgré l'intervention d'une décision explicite ;
- le certificat de résidence qui lui avait été délivré en tant que conjoint d'une ressortissante française n'a jamais été retiré ou abrogé ; les décisions en litige sont irrégulières faute d'avoir été précédées de la procédure contradictoire prévue par les dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- le refus de renouvellement de son titre de séjour est irrégulier faute d'avoir été précédé de l'avis de la commission du titre de séjour ;
- le refus de renouvellement de son titre de séjour porte atteinte au principe de sécurité juridique ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant sa demande de renouvellement tardive dès lors qu'il a sollicité un rendez-vous en vue du dépôt de sa demande de renouvellement dès le 26 mars 2019, soit plus de quatre mois avant l'expiration de son titre de séjour ;
- c'est à tort que le préfet a estimé que ses précédents titres avaient été obtenus par fraude dans la mesure où il se considérait toujours marié à son épouse lors de la demande de titre de séjour comme conjoint d'une ressortissante française, le divorce prononcé en Algérie étant contraire à l'ordre public français ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une absence d'examen préalable, réel et sérieux de sa situation, notamment en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur sa demande de certificat de résidence de 10 ans ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire est illégale car fondée sur un refus de renouvellement illégal ;
- l'obligation de quitter le territoire qui lui a été faite est illégale dès lors qu'il remplissait les conditions pour obtenir le certificat de résidence de plein droit de dix ans prévu par les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et le renouvellement de son titre en qualité de commerçant ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente de la formation de jugement.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 avril 2021, le préfet du Rhône a rejeté la demande de M. B..., ressortissant algérien, tendant au renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " commerçant ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 19 janvier 2023, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de son mémoire introductif d'instance dirigé contre la décision implicite de rejet de sa demande de renouvellement de son certificat de résidence, M. B... soulevait le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision en l'absence de communication par le préfet des motifs de cette décision malgré une demande en ce sens. Si M. B... a indiqué, dans son mémoire du 20 octobre 2021, que ses conclusions devaient désormais être regardées comme dirigées contre la décision explicite de rejet qui s'est substituée à la décision implicite initialement contestée, et a soulevé des moyens se rapportant aux motifs désormais connus de cette décision, il n'a pas expressément renoncé au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée. Si ce moyen était, certes, devenu inopérant, en s'abstenant de le viser ou d'y répondre, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Il suit de là que ce jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande de M. B... et de statuer immédiatement sur ses conclusions présentées tant en première instance qu'en appel.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ; ". Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ". Si, en vertu de l'article 9 de l'accord franco-algérien, la première délivrance d'un certificat de résidence algérien au titre du c) de l'article 7 du même accord est subordonnée à la production, par le ressortissant algérien, d'un visa de longue durée, il en va différemment pour le ressortissant algérien déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, du certificat de résidence algérien dont il est titulaire.
5. Par ailleurs, si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré, il incombe à l'ensemble des autorités administratives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin.
6. En l'espèce, pour refuser à l'appelant la délivrance sur le fondement des stipulations précitées du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, de son certificat de résidence, le préfet du Rhône s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé ne pouvait être regardé comme justifiant d'un visa de long séjour en application de ces dispositions, ainsi que de celles de l'article 9 du même accord, dès lors qu'un tel visa n'avait été obtenu que frauduleusement en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Il a considéré que le mariage ayant été dissout lors de la demande de certificat de résidence en cette qualité qui a donné lieu à la première délivrance d'un tel certificat en 2017, valable jusqu'au 12 mars 2018, cela entachait également de fraude le second certificat de résidence obtenu par changement de statut sur le fondement du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, et valable du 30 juillet 2018 au 29 juillet 2019.
7. Toutefois, dès lors que le préfet du Rhône n'avait ni retiré ni abrogé ce second certificat de résidence, dont M. B... demandait le renouvellement sur le même fondement du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, il revenait à cette autorité de tirer toutes les conséquences légales de ce titre, quand bien même elle le considérait comme obtenu par fraude. Elle ne pouvait ainsi légalement se fonder sur le caractère frauduleux de ce titre pour en refuser le renouvellement au motif que le requérant devait justifier de la possession d'un visa de long séjour, étant relevé que la décision de refus en litige ne peut être regardée comme ayant par elle-même retiré ou abrogé le titre de séjour de M. B....
8. Si le préfet du Rhône a soutenu en première instance que la demande de renouvellement de M. B... a été présentée au-delà du délai prévu par l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens, et qu'il s'agissait ainsi d'une première demande de titre de séjour, à laquelle la condition de visa de long séjour était opposable, il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité un rendez-vous en vue du dépôt de sa demande de renouvellement dès le 26 mars 2019, soit plus de quatre mois avant l'expiration de son titre de séjour, demande dont les services de la préfecture ont accusé réception le même jour, et qu'il n'a obtenu ce rendez-vous que le 6 septembre 2019, ce dont son conseil l'a informé le 8 avril 2019. Il suit de là que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que la demande de renouvellement du certificat de résident de M. B... constituait une première demande.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision de refus de renouvellement du certificat de résident de M. B... est entachée d'une erreur de droit et doit être annulée pour ce motif. L'illégalité ainsi relevée prive de leur base légale les autres décisions contenues dans le même arrêté, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixation du pays de renvoi, lesquelles doivent également être annulées.
10. En deuxième lieu, l'arrêté contesté rejette la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de 10 ans sur le fondement du 2ème alinéa de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour les mêmes motifs que ceux retenus pour rejeter sa demande de certificat de résidence d'une durée d'un an sur le fondement du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Ainsi, M. B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le rejet de sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans serait entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux au motif que le préfet ne se prononcerait pas sur cette demande dans l'arrêté contesté. Les conclusions dirigées contre cette décision, au demeurant nouvelles en appel, doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui annule pour erreur de droit le refus de renouvellement du certificat de résident de M. B..., n'implique pas nécessairement la délivrance de ce titre, mais seulement le réexamen de cette demande, au titre de la qualité sollicitée. Il est par conséquent enjoint à la préfète du Rhône de procéder à l'examen de cette demande et de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 janvier 2023 et les décisions du préfet du Rhône du 15 avril 2021 de refus de renouvellement du certificat de résident de M. B..., portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera 1 400 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
L'assesseur le plus ancien,
P. Moya
La présidente,
C. VinetLa greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N°23LY00441
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