Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2306363 du 8 décembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Borges De Deus Correia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 susvisé ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " , à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas " pris en compte " l'ensemble des moyens soulevés et des pièces évoquées et est ainsi insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de fait ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet s'est mépris sur l'étendue de sa compétence en matière de régularisation en rejetant sa demande de titre de séjour pour absence de visa de long séjour alors qu'une demande d'admission exceptionnelle au séjour n'est pas subordonnée à la délivrance d'un tel visa ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55%) par décision du 7 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante tunisienne née le 14 décembre 1980, est entrée en France le 7 juin 2019 sous couvert d'un visa valable du 7 juin 2019 au 7 août 2019. Elle a présenté une demande d'asile le 19 août 2019 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 septembre 2021. Mme A... a sollicité, le 11 juillet 2022, un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La requérante soutient que le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et qu'il n'a notamment pas pris en compte les pièces produites au soutien de son mémoire enregistré le 26 octobre 2023. Toutefois, le tribunal a répondu par des motifs suffisants aux deux moyens ainsi soulevés aux points 9 et 10 de son jugement. La circonstance que les premiers juges n'aient pas mentionné les témoignages produits au soutien de ceux-ci ne saurait démontrer qu'ils ne les ont pas examinés. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a mentionné que " l'intéressée est présente en France depuis trois ans et deux mois, son séjour n'est lié qu'à la durée d'instruction de sa demande d'asile, ainsi qu'à son maintien sur le territoire en situation irrégulière. " Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France le 7 juin 2019 et a vu sa demande d'asile présentée le 19 août 2019 rejetée le 30 septembre 2021 et notifiée le 15 décembre 2021. Elle a par la suite déposé une demande de titre de séjour en qualité de salarié le 11 juillet 2022 et est donc restée en situation irrégulière entre septembre 2021 et juillet 2022. Par suite, en relevant que la présence en France de Mme A... est liée à l'instruction de sa demande d'asile et à son maintien en situation irrégulière, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait.
4. En deuxième lieu, il ne résulte pas des constatations opérées au point 3 par le préfet de l'Isère que ce dernier n'aurait pas pris en compte la durée totale de présence en France de la requérante dans l'examen de sa situation. Il ne ressort pas en outre de la lecture de l'arrêté que ledit préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressée.
5. En troisième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. En outre, Il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que le préfet n'aurait pas examiné la demande de Mme A... au titre de son pouvoir général de régularisation. Compte tenu des éléments afférents à la situation personnelle de l'intéressée notamment visés au point 6, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, dont il dispose même sans texte, que le préfet n'a pas fait usage de ce pouvoir.
6. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, Mme A... était présente sur le territoire français depuis environ trois ans et demi. Elle est entrée en France à l'âge de 39 ans et a donc vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine. Elle y possède de fortes attaches familiales puisqu'y résident ses parents, son frère et ses deux sœurs, attaches qu'elle n'a pas en France. Si elle justifie d'une relative intégration professionnelle depuis août 2021 en travaillant en qualité d'agent d'entretien sous contrat à durée indéterminée au sein de la société SN nettoyages multiservices et produit quelques témoignages de sympathie, ces éléments sont insuffisants pour démontrer l'existence de liens intenses, stables ou anciens sur le territoire français. Elle n'apporte aucun élément probant de nature à corroborer les allégations selon lesquelles elle serait exposée en cas de retour en Tunisie à un risque de mariage forcé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant son droit au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet quant aux conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 24LY00752