Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 avril 2021 par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Valence lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, assortie d'un sursis partiel de trois mois.
Par un jugement n° 2102666 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande et a enjoint au directeur général du centre hospitalier de Valence, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de procéder à la reconstitution administrative de la carrière de Mme A... pour la période couverte par l'exclusion temporaire des fonctions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février 2023 et 4 mars 2024, le centre hospitalier de Valence, représenté par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le centre hospitalier de Valence soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- l'enquête administrative menée ayant permis de recueillir 89 témoignages d'agents ou d'anciens agents n'est entachée d'aucune partialité ;
- la matérialité des faits énoncés dans la décision en litige est établie ;
- ces faits sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- la sanction édictée n'est pas entachée de disproportion.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 26 avril 2023 et 11 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... A..., représentée par Me Di Nicola, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le centre hospitalier ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 12 février 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 12 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Blanc pour le centre hospitalier de Valence et de Me Schiltz pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., cadre de santé titulaire, a été recrutée par le centre hospitalier de Valence en 1991 et exerce ses fonctions au sein de l'unité de soins de longue durée (U.S.L.D.) depuis 2006. Elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 avril 2021 par laquelle le directeur général du centre hospitalier lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, assortie d'un sursis partiel de trois mois, après que le conseil de discipline a proposé une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours. Le centre hospitalier de Valence relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de l'intéressée.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 81 de la loi susvisée du 9 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes:/ Premier groupe:/ L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;/ (...) Troisième groupe : La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".
3. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Il ressort des pièces du dossier que la sanction disciplinaire infligée à Mme A... est motivée par le fait que l'intéressée " a de manière consciente tenu de manière répétée à l'encontre de certains personnels de l'USLD des propos dénigrants et blessants, allant jusqu'à les humilier en public ", qu'elle " a pratiqué un favoritisme à l'égard de certains agents et, à l'inverse, une tendance à s'acharner sur les agents qu'elle n'appréciait pas " et que ces comportements " sont à l'origine de l'instauration de dissensions profondes parmi les personnels de l'USLD. ". Afin de justifier de la matérialité de ces griefs, le centre hospitalier se fonde sur des déclarations et témoignages recueillis par l'établissement et précisément quatre témoignages d'agents du service en poste ou ayant quitté leur poste recueillis lors d'entretiens avec la directrice des ressources humaines de l'établissement les 3, 10, 12 et 25 août 2020 ainsi que sur 89 témoignages recueillis dans le cadre de réponses écrites apportées à un questionnaire.
5. S'agissant des 89 réponses apportées à un questionnaire proposé par la direction de l'établissement courant octobre et novembre 2020, il ressort des pièces du dossier qu'ont été invités à y répondre des agents exerçant ou même ayant exercé des fonctions sous la direction de Mme A... sans que les témoignages ainsi recueillis, dont la plupart sont peu circonstanciés notamment quant aux fonctions exercées par les intéressés, ne permettent d'identifier et de dater précisément les faits évoqués. En outre, il ressort de plusieurs témoignages produits au dossier qu'un délégué syndical, dont l'animosité personnelle à l'endroit de Mme A... est établie au dossier, était présent dans la salle ou à tout le moins à la porte de la salle où les agents ont été invités à répondre au questionnaire, certains agents évoquant ainsi un sentiment de pression et/ou une surveillance exercée à leur endroit par ce délégué. Il ressort enfin du questionnaire proprement dit intitulé " enquête auprès des personnels de l'USLD sur le management pratiqué par Mme B... A... " que les questions posées aux agents, s'agissant des agissements de Mme A... dont ces derniers auraient été victimes ou témoins, étaient manifestement orientées, permettant de mettre en doute la sincérité et la neutralité de l'enquête menée. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la valeur probante des réponses apportées au questionnaire, dont l'employeur a retenu les 35 réponses mettant en cause le management de Mme A... sur les 89 témoignages recueillis, n'est pas démontrée et les faits évoqués ne peuvent pas être considérés comme matériellement établis. S'agissant des quatre entretiens réalisés par la directrice des ressources humaines, il ressort des comptes-rendus produits au dossier que si deux agents, travaillant au sein du service de Mme A..., ont fait état d'une surveillance accrue exercée par celle-ci sur certains personnels et de propos désagréables qui pouvaient être tenus en public par l'intéressée, les deux autres agents auditionnés ont indiqué ne pas avoir été directement témoins de tels faits. Les faits évoqués dans ces deux auditions, qui ne traduisent pas des agissements excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et doivent être mis en perspective avec la difficulté de la gestion de l'USLD, rappelée par le tribunal, sont à eux seuls insuffisants pour établir la matérialité des griefs reprochés à Mme A.... Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les griefs motivant la sanction disciplinaire prononcée par le centre hospitalier de Valence n'étaient pas matériellement établis.
6. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Valence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande présentée par Mme A....
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A... qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au centre hospitalier de Valence une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence une somme de 2 500 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Valence est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier de Valence versera une somme de 2 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Valence et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ;
Mme Emilie Felmy, président assesseure ;
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 23LY00689