Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 2209532 du 9 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril et 21 octobre 2024, ce dernier non communiqué, Mme B..., représentée par Me Cayuela, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'académie de Lyon la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la protection fonctionnelle devait lui être accordée et la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral, en l'absence de tout fait qui lui serait imputable ;
- le caractère imputable au service de sa dépression réactionnelle a été reconnu, démontrant l'existence du harcèlement moral dont elle a été victime, à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail et de l'altération de son état de santé ;
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2024, le recteur de l'académie de Lyon conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 octobre 2024, l'instruction a été close au 21 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;
- le décret n° 2017-17 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Attachée principale d'administration de l'État, Mme B... exerce les fonctions d'adjointe-gestionnaire et d'agent comptable au sein du lycée du Bugey de Belley, dans le département de l'Ain, depuis le 1er novembre 2019. Par un courrier en date du 7 octobre 2022, s'estimant victime de harcèlement moral et de violences psychologiques de la part de certains enseignants, Mme B... a demandé au proviseur de son établissement de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Depuis le 11 octobre 2022, Mme B... est placée en congé de maladie ordinaire. Elle a, dans le même temps, sollicité la reconnaissance de sa maladie au titre d'un accident de service. Par un jugement du 9 février 2024 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 18 octobre 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique, applicable au litige : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Selon les termes de l'article L. 134-5 du même code : " La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Mme B... soutient qu'elle est en droit de bénéficier de la protection fonctionnelle du rectorat de l'académie de Lyon dès lors qu'elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de ses collègues qui ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé mentale.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., au soutien de sa demande de protection fonctionnelle, a fait état de deux incidents, d'une part un échange vif, le 22 septembre 2022, avec une professeure au sujet du traitement de chèques déposés par des familles en vue d'un voyage, d'autre part la tenue le 26 septembre suivant d'une réunion syndicale consécutive à cet incident, rassemblant une dizaine de professeurs et portant sur les violences psychologiques. Aux termes du compte-rendu de cette réunion, il est rapporté que Mme B... aurait tenu des " propos démesurés ", notamment des accusations de " délit " ou " voie de fait ". Le compte-rendu rapport les mesures envisagées par les participants à la réunion pour dénoncer et faire cesser ces agissements de Mme B.... Toutefois, à cette occasion, Mme B... a bénéficié du soutien du chef d'établissement, lequel, par courrier du 26 janvier 2023, a rappelé aux équipes la définition du harcèlement moral et a démenti les agissements allégués. S'il n'est pas contesté que la lecture du compte-rendu de cette réunion, le 3 octobre 2022, a été à l'origine d'un choc émotionnel et d'un syndrome anxiodépressif réactionnel pour Mme B..., toutefois l'intéressée n'a fait part d'aucune récurrence de ce type d'incidents au soutien de sa demande. Pour regrettables que soit ces événements, ils présentent un caractère isolé.
6. La seule circonstance que le comité médical ait rendu un avis favorable à la reconnaissance d'un accident de service, et que par deux arrêtés en date des 14 juin et 11 juillet 2023, Mme B... ait été placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service du 11 octobre 2022 au 31 août 2023, n'est pas davantage de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral justifiant l'octroi d'une protection fonctionnelle.
7. Enfin, dès lors que Mme B... ne s'est prévalu d'aucun autre élément au soutien de sa demande de protection fonctionnelle, elle ne peut utilement se prévaloir pour contester la légalité de la décision du 18 octobre 2022 de faits survenus avant les deux incidents des 22 et 26 septembre 2022, dont elle allègue qu'ils seraient constitutifs d'un harcèlement moral.
8. Par suite, en rejetant sa demande de protection fonctionnelle, le recteur de l'académie de Lyon, qui n'a pas commis d'erreur de droit, n'a pas méconnu les dispositions précitées.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
I. Boffy
La présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00998
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