Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2302754 du 14 décembre 2023, la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 mars 2024, M. A..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 7 novembre 2023 du préfet du Puy-de-Dôme ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours suivant la notification de l'arrêt, et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement qui, d'une part, n'a ni analysé ni visé ses conclusions tendant à ce qu'il soit " enjoint à l'administration de communiquer le dossier en sa possession, qui le concerne " et omis de se prononcer dessus, d'autre part, a omis de statuer sur ses moyens tirés du vice de procédure, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et enfin, est insuffisamment motivé, est irrégulier ;
- l'obligation de quitter le territoire a été prise à la suite d'une procédure irrégulière en ce qu'il n'a pas pu faire valoir ses observations, notamment quant à sa vie privée et familiale ; les observations présentées dans le cadre de la demande d'asile ont été recueillies dans le cadre d'une procédure distincte ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- le préfet s'est considéré en situation de compétence liée pour fixer le pays de destination, du fait du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été entendu préalablement à l'édiction de cette mesure ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2024, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant camerounais, est entré le 16 juin 2022 sur le territoire français et s'est vu refuser le statut de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 6 avril 2023 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 4 octobre 2023. M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 7 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la demande : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. (...) ".
3. Si M. A... s'est prévalu, aux termes de sa requête devant le tribunal, des dispositions précitées, la présidente du tribunal n'avait pas, dans son jugement, à viser ni à analyser cette demande, relative au déroulement de la procédure en première instance. Au surplus, M. A... ne démontre pas que ces dispositions n'auraient pas été mises en œuvre, alors que le préfet fait valoir en défense que l'entièreté de son dossier de demande d'asile a été versé sous télérecours. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer sur des conclusions doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ont été visés par la présidente du tribunal. La seule circonstance qu'elle ait répondu aux moyens, opérants, tirés d'un vice de procédure, du défaut d'examen particulier de sa situation, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant, de façon commune à l'ensemble des décisions, n'est pas constitutive d'un défaut d'examen de ces moyens.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort du jugement attaqué que la présidente du tribunal administratif a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté comme manquant en fait.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
8. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
9. En l'espèce, M. A... a été reçu le 8 août 2022 au guichet des demandeurs d'asile et a pu porter à la connaissance de l'autorité préfectorale l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle. S'il ne ressort pas des éléments du dossier qu'il aurait été explicitement informé de ce qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre, il n'établit pas avoir été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents de nature à avoir une influence sur le sens de cette décision. Le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut par suite qu'être écarté.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré récemment en France à la date de la décision attaquée, a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans au Cameroun, où il doit être regardé comme ayant conservé le centre de ses intérêts. Rien ne fait obstacle à la reconstitution dans ce pays de sa cellule familiale avec son épouse et sa fille, ressortissantes camerounaises qui ne résident pas en France. Si son père bénéficie du statut de réfugié en France, M. A..., qui ne justifie pas de l'intensité des liens qui les unissent, n'a pas vocation à résider avec ce dernier. Si M. A... a travaillé six mois en qualité d'ouvrier dans l'agroalimentaire et a participé à des actions de bénévolat, il ne justifie pas par ces seuls éléments d'une intégration particulière ni d'attaches anciennes et stables sur le territoire français. Dès lors, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
13. En second lieu, il ne ressort ni des éléments du dossier, ni des motifs de la décision, que le préfet, qui a procédé à l'examen de la situation personnelle du requérant, se serait considéré en situation de compétence liée pour fixer le pays de destination.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
15. En deuxième lieu, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté pour les mêmes motifs qu'exposés aux points 6 à 9.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " ;
17. M. A... faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et entrait dans les cas où le préfet pouvait décider à son encontre d'une interdiction de retour sur le territoire français. En l'espèce, le préfet, qui a fait état aux termes de sa décision des éléments sur lesquels il s'est fondé, eu égard notamment à la brève durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français, à l'absence de liens anciens et stables avec la France, à l'absence de mesure d'éloignement antérieure et à l'absence de trouble à l'ordre public, a ainsi procédé à l'examen de la situation personnelle du requérant avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.
18. En quatrième lieu, M. A... ne justifie pas d'attaches stables et anciennes sur le territoire français, où il est arrivé récemment à la date de la décision attaquée. Par suite, et quand bien même son père réside en France, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Puy-de-Dôme, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
19. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11, l'interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
20. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
I. BoffyLa présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00811
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