Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2023 par lequel la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2308895 du 21 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 mars 2024, M. A..., représenté par Me Cadoux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 5 octobre 2023 de la préfète du Rhône ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de sept jours à compter du prononcé de l'arrêt ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder à la suppression du signalement aux fins de non admission et de rapporter la preuve de ses diligences à la cour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la préfète du Rhône ne pouvait l'obliger à quitter le territoire alors qu'il doit se présenter à l'expertise diligentée par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois est manifestement disproportionnée.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mars 2024.
L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1986, de nationalité ivoirienne, est entré en France en avril 2016. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 mars 2017 que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 novembre 2017. Par un arrêté en date du 2 août 2018, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Le 9 mai 2019, M. A... a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile, déclarée irrecevable par l'OFPRA le 24 mai 2019, rejet confirmé par la CNDA le 29 octobre suivant. Par un arrêté du 24 août 2020, le préfet du Rhône l'a, à nouveau, obligé à quitter le territoire français et lui a fait interdiction de retour sur le territoire. Le requérant a déposé une nouvelle demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision de clôture par l'OFPRA le 21 juillet 2022. Le 10 mars 2023, M. A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 octobre 2023, la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du 21 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...). / Si le collège des médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".
3. Pour refuser le titre de séjour sollicité, la préfète du Rhône s'est approprié les termes de l'avis rendu par le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 17 août 2023, selon lequel le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé du requérant ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare avoir été victime d'une agression dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2020, ayant occasionné une fracture déplacée mandibulaire. Une intervention chirurgicale avec ostéosynthèse a été réalisée le 2 juin 2020, compliquée dans les suites d'une infection ayant nécessité la dépose du matériel le 5 octobre 2022, soit un an avant la date de l'arrêté contesté. Si M. A... indique que cette agression est également à l'origine d'un retentissement au plan psychologique, il n'en justifie par aucune pièce versée au dossier, alors qu'il ne démontre pas qu'à la date de la décision de refus de titre de séjour, il avait encore à subir des séquelles au plan maxillo-facial. Par ailleurs, compte tenu du motif du refus, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'indisponibilité des soins dans son pays d'origine au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. M. A... reprend en appel ses moyens de première instance tirés d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels le refus de titre de séjour a été pris et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, par adoption des motifs adoptés par le premier juge, il y a lieu d'écarter les moyens tirés d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire a été prise et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. A... reprend en appel.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une réquisition judiciaire à personne avait été prononcée le 17 juin 2020 pour procéder à l'examen médical complet de l'intéressé à la suite de l'agression dont il a déclaré avoir été victime, examen réalisé le 15 juillet 2020. Par ailleurs, l'intéressé verse au dossier les comptes rendus d'hospitalisation relatifs aux deux interventions de la mandibule qu'il a subies en juin 2020 et octobre 2022. Si la commission d'indemnisation des infractions médicales a ordonné une expertise le 21 mars 2023, confiée à un spécialiste de la région maxillo-faciale, aux fins d'évaluer l'entier préjudice de M. A... ensuite de l'agression dont il déclare avoir été victime le 1er juin 2020, ce dernier ne démontre pas l'existence de séquelles au plan maxillo-facial à cette date et n'apporte aucune pièce de nature à étayer les répercussions psychologiques dont il se prévaut. Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé le magistrat désigné du tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments que M. A... a déjà pu produire dans ce cadre ou qui ont déjà été versés au dossier ne seraient pas suffisants ni que sa présence serait nécessaire lors de l'expertise judiciaire diligentée par la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction, alors qu'il lui est loisible de s'y faire représenter. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Rhône ne pouvait l'obliger à quitter le territoire alors qu'il devait se présenter à l'expertise diligentée par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
8. Ainsi qu'il a été indiqué au point 3, M. A..., qui ne justifie pas, par les pièces versées au dossier, de traitements en cours à la date de la décision contestée notamment quant aux séquelles psychologiques dont il se prévaut, n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations et dispositions précitées.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-8 du même code dispose : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...) l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à l'exécution de mesures d'éloignement dont il avait fait l'objet en août 2018 et août 2020. Par ailleurs, il a été condamné en janvier 2020 par le tribunal correctionnel de Lyon à une peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence par une personne en état d'ivresse manifeste sans incapacité et pour violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours. En outre, il a été interpellé en août 2023 en état d'ébriété sur la voie publique, après avoir, selon les témoins présents, porté des coups sur une femme, qui présentait plusieurs hématomes au visage. Alors que ces faits ne peuvent être regardés comme isolés ou anciens à la date de l'arrêté contesté, la préfète du Rhône était fondée à considérer que le comportement de M. A... était constitutif d'une menace pour l'ordre public. L'intéressé, qui s'est par ailleurs soustrait aux deux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet, ne justifie pas d'une intégration sur le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Rhône, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
I. BoffyLa présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00696
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