Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 2 février 2018 et du 11 mai 2018 par lesquelles l'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) l'a licencié pour inaptitude physique, d'autre part, d'enjoindre à l'INRAP de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et enfin de condamner l'INRAP à lui verser une somme de 68 483,78 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019, le tribunal a annulé les décisions, enjoint à l'INRAP de réintégrer M. B... et de reconstituer sa carrière et a procédé, avant dire-droit, à un supplément d'instruction quant à la production par les parties de pièces complémentaires, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, afin de statuer sur la demande de M. B... tendant à la réparation du préjudice économique qu'il a subi du fait de l'illégalité de son licenciement.
Par une ordonnance n° 1804324 du 29 décembre 2020, le président de la 3ème chambre, le tribunal a donné acte du désistement de M. B....
M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019, au besoin en fixant une astreinte de 250 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2301075 du 11 janvier 2024, le tribunal a fait droit à sa demande, dans la limite d'une astreinte fixée à 50 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars et 17 juillet 2024, l'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), représenté par Me Delion, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2024 ;
2°) de constater que, suite au désistement de l'intéressé, il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de M. B... ;
3°) subsidiairement, de constater que la situation de M. B... a été régularisée et le jugement du 31 décembre 2019 exécuté.
Il soutient que :
- M. B... a déclaré se désister, d'instance et d'action, de l'intégralité de sa requête enregistrée le 9 juillet 2018, dont ses conclusions aux fins d'injonction tendant à sa réintégration et à la reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits à retraite ;
- l'ensemble des trimestres a été pris en compte pour le calcul de ses droits à retraite ; M. B... a signé une convention de rupture conventionnelle valant acceptation définitive de la somme fixée au titre des revenus.
Par des mémoires enregistrés les 4 juin et 1er aout 2024, M. B..., représenté par Me Ivanovitch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'INRAP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que l'INRAP n'a pas saisi les organismes compétents pour indiquer qu'il faisait partie des effectifs, du 2 février 2018 au 31 décembre 2019.
Par une ordonnance du 19 août 2024, l'instruction a été close au 21 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Delion, pour l'INRAP ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1804324 rendu le 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 2 février 2018 et du 11 mai 2018 par lesquelles l'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a licencié M. B..., agent en contrat à durée indéterminée (CDI), pour inaptitude physique. Le tribunal a enjoint à l'INRAP de procéder, dans un délai de deux mois, d'une part, à la réintégration juridique de M. B... à compter du 2 février 2018 et de reconstituer ses droits sociaux et ses droits à retraite entre cette date et la date du jugement, et, d'autre part, à la réintégration effective de M. B..., à compter du jugement, sous réserve de circonstances de droit ou de fait nouvelles. Le jugement ordonnait en son article 3 un supplément d'information avant dire-droit sur le préjudice économique. M. B... ne souhaitant pas reprendre ses fonctions, les parties ont signé le 12 novembre 2020 un accord de rupture conventionnelle prenant effet le 30 novembre 2020, puis un protocole de désistement d'instance et d'action. Par ordonnance du 29 décembre 2020, devenue définitive, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a pris acte du désistement de la requête de M. B.... Ce dernier a ensuite demandé au tribunal administratif de Grenoble de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019, au besoin en fixant une astreinte de 250 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2301075 du 11 janvier 2024 dont l'INRAP relève appel, le tribunal a prononcé une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'encontre de l'Inrap, s'il ne justifie pas avoir, dans le mois suivant la notification de la présente décision, procédé " à la réintégration juridique de M. B... dans ses effectifs à compter du 2 février 2018 et [à la reconstitution de] ses droits sociaux et de ses droits à retraite entre cette date et [le 31 décembre 2019] " telle que prévue à l'article 2 du jugement n° 1804324 rendu le 31 décembre 2019.
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
3. En premier lieu, il ressort des éléments du dossier que, par le jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a enjoint à l'INRAP de procéder, dans un délai de deux mois, à la réintégration juridique de M. B... à compter du 2 février 2018, à la reconstitution de ses droits sociaux et ses droits à retraite entre cette date et la date du jugement, et à la réintégration effective de M. B... à compter du jugement. Ce jugement, non contesté, est devenu définitif. La seule circonstance que M. B... se soit ensuite désisté de l'instance, pour la part encore pendante devant la juridiction quant à l'appréciation du préjudice économique, seule partie de l'instance dont il pouvait encore se désister, et que ce désistement ait été pur et simple, n'a pas eu pour conséquence de priver d'effet le jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019, lequel demeurait exécutoire.
4. En deuxième lieu, il résulte des articles 6, 2044 et 2052 du code civil que l'administration peut, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration, afin de prévenir ou d'éteindre un litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public.
5. Si l'INRAP se prévaut de la convention de rupture conventionnelle signée le 12 novembre 2020 et du protocole de désistement d'instance et d'action, dont l'article 4 dispose : " Sous réserve de la parfaite exécution de la convention de rupture conventionnelle (...) les parties déclarent qu'elles sont chacune parfaitement remplies de leurs droits et obligations résultat des faits rappelés en préambule des présentes. / Elles déclarent pareillement renoncer chacune définitivement et irrévocablement l'une envers l'autre à toutes actions et instances présentes et à venir relativement aux faits évoqués en préambule ", toutefois, cet engagement, reconnu par les deux parties, qui ne porte que sur toute instance " présente " ou " à venir ", ne peut être regardé comme ayant eu pour effet de faire obstacle à un recours en exécution des articles 1er et 2 du jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019, portant annulation des décisions du 2 février et du 11 mai 2018 de l'INRAP, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-4 du code de justice administrative.
6. Par ailleurs, l'INRAP produit une proposition de convention de rupture conventionnelle, au demeurant non datée et non signée, détaillant le calcul des montants accordés, qui vise le " jugement du tribunal administratif du 31 décembre 2019 qui prévoit une réintégration juridique et reconstitution des droits sociaux et droits à retraite à partir du 2 février 2018 et une date d'arrêt des comptes au 30 novembre 2020 ". A supposer même que les montants indiqués dans cette proposition, base de négociation, tendaient à couvrir la reconstitution desdits droits, toutefois, la convention de rupture conventionnelle définitive, signée le 12 novembre 2020, ne reproduit pas ce visa et ne mentionne qu'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d'un montant de 76 876,22 euros nets de charge, calculée au regard de l'ancienneté de l'intéressé, sans autre précision. L'INRAP n'indique pas davantage que les sommes effectivement versées à M. B... auraient compensé la reconstitution de ses droits sociaux et droits à retraite. Par suite, l'INRAP n'est pas fondé à soutenir que la signature de cette convention aurait eu pour portée l'entière exécution du jugement n° 1804324 du 31 décembre 2019.
7. En troisième lieu, le litige ne porte pas sur un défaut d'exécution du jugement en ce que l'employeur n'aurait pas versé au salarié les salaires dus, mais en ce qu'il aurait omis de procéder à la réintégration de l'intéressé et aux déclarations afférentes à la CNAV et à l'IRCANTEC, pour la reconstitution de ses droits sociaux et à la retraite, concernant la période du 2 février 2018 au 30 novembre 2020. Il est constant, d'une part, qu'à la date du jugement querellé, aucune décision de réintégration n'avait été prise. D'autre part, l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi au titre de la rupture conventionnelle, si elle indique que l'intéressé a travaillé du 1er mars 1985 au 16 décembre 2020 en CDI, ne fait apparaître au titre des douze derniers mois plein travaillés, soit du 1er décembre 2019 au 30 novembre 2020, que des salaires d'un montant nul. Enfin, M. B... produit un tableau récapitulatif de ses droits, laissant apparaître pour l'année 2018 une somme de 3 863 euros déclarés au titre des salaires, et pour l'année 2019, la seule mention " période de chômage ". Ainsi le montant des salaires calculés pour la période du 2 février 2018 au 30 novembre 2019, au demeurant non contesté, et intégré dans la somme acceptée par M. B... aux termes de la convention de rupture conventionnelle, n'avait pas fait l'objet des déclarations auprès des organismes compétents pour la reconstitution des droits sociaux et à la retraite de M. B.... Aucune mesure en exécution de l'injonction faite à l'INRAP de réintégrer M. B... dans ses effectifs à compter du 2 février 2018 et de reconstituer ses droits sociaux et ses droits à retraite à compter de cette date n'était intervenue avant que le tribunal ne statue, le 11 janvier 2024, sur la demande d'exécution du jugement. Dès lors, l'INRAP n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande d'exécution du jugement présentée par M. B....
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) ". Le tribunal administratif de Grenoble, qui a enjoint à l'INRAP sous peine d'astreinte de prendre les mesures qu'impliquait nécessairement son jugement, est seul compétent pour tirer les conséquences de l'exécution du jugement, alors même que son jugement est frappé d'appel. Par suite il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur l'exécution du jugement par l'INRAP ensuite du jugement du 11 janvier 2024.
9. Il résulte de ce qui précède que l'INRAP n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de M. B.... Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu, en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'institut national de recherches archéologiques préventives est rejetée.
Article 2 : L'institut national de recherches archéologiques préventives versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux ministres de la culture et de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. A... B....
Copie en sera adressée à l'institut national de recherches archéologiques préventives
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
I. Boffy
La présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de la culture et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche chacun en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00655
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