Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois, et d'enjoindre à cette autorité de procéder à la suppression de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information dit " G... ", sous astreinte.
Par un jugement n° 2306181 du 26 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal, après avoir admis provisoirement l'intéressé à l'aide juridictionnelle (article 1er), a annulé l'arrêté du 21 juillet 2023 (article 2), et sous réserve de l'admission définitive de M. H... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, mis à la charge de ce dernier au profit de l'avocat de l'intéressé une somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, mis à la charge de l'État cette somme au profit de M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 août et régularisée le 8 septembre 2023, le préfet du Puy-de-Dôme, représenté par Me Tomasi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 21 juillet 2023 et mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige ;
2°) de rejeter la demande de première instance correspondante de M. H....
Il soutient que :
- c'est à tort que la première juge a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée d'un défaut d'examen complet de la situation personnelle de M. H..., et que les autres décisions, refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, étaient illégales par voie de conséquence ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. H... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2023, M. H..., représenté par Me Demars, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au profit de son conseil au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet du Puy-de-Dôme ne sont pas fondés ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, au regard du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, au regard du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 et des 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'ayant pas examiné, au préalable, s'il justifiait ou non de circonstances particulières de nature à regarder le risque de fuite comme non établi en l'espèce ;
- elle méconnaît les dispositions des articles des 3° de l'article L. 612-2 et des 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du même code ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, au regard du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;
- elle est insuffisamment motivée au regard des articles L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation sur son principe, au regard des exigences de l'article L. 612-6 du même code ;
- sa durée est disproportionnée, non nécessaire et inadaptée au regard des exigences de l'article L. 612-6 de ce code ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant placement en rétention administrative est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2023.
Par une ordonnance du 25 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... H..., ressortissant de la Géorgie, né le 12 avril 2004 à Tbilissi, déclare être entré sur le territoire français le 16 octobre 2018 avec ses parents et ses sœurs. A la suite de son placement en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour, puis en garde à vue, le préfet du Puy-de-Dôme, par un arrêté du 21 juillet 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Puy-de-Dôme relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon qui a annulé cet arrêté du 21 juillet 2023 et mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige.
Sur le motif de censure retenu par la première juge :
2. Pour prendre la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français, le préfet a notamment pris en compte les indications de M. H... quant à son entrée sur le territoire français, les déclarations qu'il a effectuées devant les services de la direction interdépartementale de la police aux frontières du Puy-de-Dôme le 20 juillet 2023, en particulier concernant son absence de démarches pour solliciter un titre de séjour depuis sa majorité et sa situation familiale, ainsi que tous les éléments qu'il estimait avoir été portés à sa connaissance. Les circonstances tirées de ce que cette autorité n'a pas relevé au sein de sa décision qu'elle avait pris à l'encontre de M. H... deux arrêtés, le 13 février 2023, portant notamment obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence, alors que ces arrêtés avaient été annulés par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 février 2023 et étaient ainsi considérés, à ce moment-là, avoir disparu rétroactivement de l'ordonnancement juridique, ni mentionné l'intervention de ce jugement et les éléments produits par l'intéressé lors de l'instance devant ce tribunal, notamment un passeport et des attestations relatives à ses liens personnels et familiaux en France et à son domicile situé à Thiers, ne sont pas de nature à laisser penser qu'elle aurait négligé d'analyser l'entière situation de l'intéressé. D'ailleurs, l'absence de mention de ce jugement ne saurait, en toute hypothèse, être utilement reprochée à l'autorité administrative dès lors que, par un arrêt de ce jour, la cour a prononcé son annulation si bien que ce jugement est réputé, en l'état, ne jamais être intervenu. Il apparaît donc que le préfet a procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. H... avant d'édicter la décision contestée compte tenu des éléments dont il disposait. C'est, par suite, à tort, ainsi que le soutient le préfet du Puy-de-Dôme, que la première juge s'est fondée sur un tel motif pour annuler cette décision et, par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. H... devant elle et le tribunal administratif.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 juillet 2023 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, par un arrêté du 7 juin 2023, visé dans l'arrêté en litige, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour et produit au dossier, le préfet du Puy-de-Dôme a donné délégation de signature à Mme E... D..., cheffe du service de l'immigration et de l'intégration, sous l'autorité de Mme F... C..., directrice de la citoyenneté et de la légalité de la préfecture, à l'effet de signer tous actes administratifs entrant dans le cadre des attributions dudit service, à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas ceux relatifs à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'obligation de quitter le territoire en litige, faute de délégation, doit être écarté.
5. En deuxième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
7. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
8. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire en litige, prise sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. H... a été entendu par les services de la direction interdépartementale de la police aux frontières du Puy-de-Dôme, le 20 juillet 2023, sans l'assistance d'un interprète, l'intéressé comprenant le français, lors d'un placement en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour, puis en garde à vue. Selon notamment un procès-verbal rédigé par un agent de police judiciaire établi dans le cadre de la retenue administrative, il a ainsi pu s'exprimer oralement, notamment sur son identité, la possession d'un passeport, sa date d'arrivée en France et son parcours depuis cette arrivée, ainsi que les conditions de son séjour, plus précisément sur sa situation familiale et administrative et ses moyens de subsistance, ainsi que la circonstance qu'il avait fait l'objet notamment d'une obligation de quitter le territoire français le 13 février 2023, qui avait été annulée suite à un recours. M. H... a de plus été spécifiquement appelé à formuler des observations au cas où le préfet du Puy-de-Dôme prendrait à son encontre, en particulier, une mesure d'éloignement, voire d'autres décisions y étant liées, et à fournir toute observation qu'il aurait estimé utile de porter à la connaissance de cette autorité sur ce point ou d'ajouter tout autre élément. Il a également été interrogé sur la réalisation de démarches administratives depuis son arrivée en France et s'il en avait réalisé dans le but d'obtenir un titre de séjour, l'intéressé ayant indiqué qu'il n'en avait effectué aucune sur ce dernier point. De même, il a été amené à indiquer comment il se projetait dans l'avenir, l'intéressé ayant précisé qu'il comptait demeurer en France et y terminer ses études. Dans ces conditions, M. H... doit être regardé comme ayant été mis à même par l'administration, préalablement à cette décision, de présenter des observations orales sur l'irrégularité de son séjour et l'éventualité d'un éloignement. Si l'intéressé n'a pas été placé en situation de présenter des observations écrites, rien ne permet de dire qu'il aurait alors disposé d'informations pertinentes le concernant qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'intervention de cette décision. Par ailleurs, si M. H... se prévaut de ce qu'il n'aurait pas été mis en mesure de bénéficier de l'assistance d'un avocat et qu'il aurait été fait pression sur lui, il a été consigné au procès-verbal d'audition cité plus haut qu'il n'avait pas souhaité être assisté par un avocat durant cette audition et s'il produit des éléments visant selon lui à justifier qu'il aurait été induit en erreur et dissuadé de faire appel à un conseil, ceux-ci ne sont pas de nature à laisser penser que tel serait le cas. Par suite, il n'apparaît pas avoir été privé du droit d'être entendu. Le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit donc être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...). ".
10. Il n'apparaît pas que le préfet du Puy-de-Dôme, qui s'est fondé sur les dispositions citées au point précédent pour prendre l'obligation de quitter le territoire français en litige, se serait cru en situation de compétence liée. Le moyen ne saurait être retenu.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. H... se trouvait sur le territoire français depuis un peu moins de cinq années et s'y maintenait en situation irrégulière depuis plus d'une année, dès lors qu'y étant entré mineur, il n'avait pas demandé la délivrance d'un titre de séjour à sa majorité. Il apparaît que si sa mère et ses deux sœurs étaient également présentes en France, sa mère et sa sœur aînée avaient toutefois fait l'objet notamment d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, pris le 19 juillet 2021, devenus définitifs, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant rejeté les recours formés contre ces actes par jugements du 16 novembre 2021. Son père, destinataire de mêmes décisions, avait regagné la Géorgie au mois d'avril 2022 suite au jugement le concernant, pays où il n'était donc pas dépourvu de toutes attaches, et où résidaient également ses grands-parents. Par ailleurs, M. H... demeurait sur le territoire national célibataire et sans enfant, alors par ailleurs que la relation amoureuse avec une ressortissante française qu'il invoque, à la supposer même suffisamment justifiée, était récente, datant de quelques mois. De plus, il ne faisait pas preuve, sur le plan personnel ou scolaire, d'une intégration d'une particulière intensité, malgré les attestations de proches et connaissances ainsi que la poursuite d'une scolarité en classe de terminale professionnelle " métiers de l'électricité et de ses environnements connectés ", après des inscriptions en classe de troisième, seconde et première, ainsi que l'obtention d'un diplôme d'études en langue française dit " A... B1 ". Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Aucune méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentalesne saurait être retenue. Le moyen ne saurait donc être admis.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
14. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'un vice de procédure, au regard du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, d'un défaut d'examen complet de la situation individuelle de l'intéressé, et méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés respectivement aux points 8, 2 et 12.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
16. D'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Puy -de-Dôme n'aurait pas, avant de prendre la décision portant refus de délai de départ volontaire en litige sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article L. 612-2 et des 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3, examiné si M. H... justifiait de circonstances particulières au sens des dispositions de ce dernier article. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée, pour ce motif, d'erreur de droit doit être écarté.
17. Ensuite, si M. H... fait valoir qu'il justifie de circonstances particulières tenant à un contexte personnel et familial, au regard du 1° de l'article L. 612-3 cité ci-dessus, les éléments dont il se prévaut à ce titre, tiré de ce qu'il était âgé de seulement dix-neuf ans, qu'il ne disposait ni du temps nécessaire, ni des moyens de déposer un dossier de demande de titre de séjour, et qu'il a été particulièrement affecté par l'éloignement de son père en avril 2022, ne constituent pas, en l'espèce, de telles circonstances. Le préfet a donc pu légalement refuser un délai de départ volontaire à M. H... en application de ces dispositions.
18. Si le requérant fait valoir que le préfet ne pouvait légalement se fonder, d'une part, sur le 1° de l'article L. 612-2 cité ci-dessus, au motif que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, et d'autre part, sur les 4° et 8° de l'article L. 612-3 précédemment cité, il est constant que n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le champ du 1° de l'article L. 612-3. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant seulement sur le 3° de l'article L. 612-2 et sur le 1° de l'article L. 612-3.
19. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-1 et des 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dirigé contre la décision portant refus d'accorder un délai départ volontaire doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
21. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'un défaut d'examen complet de la situation individuelle de l'intéressé doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 2.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
23. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'un vice de procédure, au regard du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, serait entachée d'un défaut d'examen complet de la situation individuelle de l'intéressé et méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés respectivement aux points 8, 2 et 12.
24. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les (...) décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code, dans leur rédaction applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...). ".
25. Pour édicter l'interdiction de retour sur le territoire français en litige, tant dans son principe que dans sa durée, le préfet, qui a visé notamment les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 précitées, a procédé à l'analyse de la situation de M. H... au regard de celles-ci, en relevant qu'il ne justifiait pas d'une circonstance humanitaire particulière faisant obstacle au prononcé de cette mesure et en prenant en compte chacun des quatre critères prévus par ce dernier article. Par suite, cette décision comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée, de manière suffisante, et est donc motivée. Le moyen ne peut qu'être écarté.
26. En quatrième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 précitées que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient à cette autorité d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
27. Il ressort des pièces du dossier qu'aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à M. H... pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 21 juillet 2023, seules des circonstances humanitaires étaient de nature à faire obstacle au prononcé de l'interdiction de retour en litige. En estimant, au regard des éléments de sa situation personnelle, tels que rappelés au point 12 ci-dessus, tels qu'ils existaient à la date de sa décision, que l'intéressé ne justifiait pas de circonstances humanitaires, le préfet, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-6. Dans ces conditions, et même si l'intéressé ne constituait pas une menace à l'ordre public, il n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 en prononçant, eu égard à la situation de M. H..., qu'il a prise en compte, une interdiction de retour d'une durée de douze mois alors qu'elle aurait pu atteindre trois ans. Ces moyens soulevés par M. H... doivent donc être écartés.
28. Il résulte de ce qui précède, que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 21 juillet 2023 et mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige. La demande de M. H... présentée devant ce tribunal et ses conclusions présentées devant la cour doivent, dans leur ensemble, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2306181 du 26 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : La demande correspondante de M. H... présentée devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... H....
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
J. ChassagneLa présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY02702
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