Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Ain a fixé à trente jours à compter du 18 janvier 2023 son délai de départ volontaire et, d'autre part, l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a assignée à résidence.
Par un jugement nos 2300841, 2302242 du 28 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2023, Mme B... épouse A..., représentée par Me Bouillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en fixant à trente jours le délai de départ volontaire dans l'arrêté du 30 janvier 2023, la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en décidant de l'assigner à résidence dans l'arrêté du 17 mars 2023, la préfète de l'Ain a commis une erreur manifeste d'appréciation et pris une décision disproportionnée qui méconnaît les articles 3 et 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme.
Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la demande dirigée contre la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas recevable, cette décision n'étant pas une décision défavorable susceptible de recours ;
- les moyens soulevés par Mme B... épouse A... ne sont pas fondés.
Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la déclaration universelle des droits de l'homme ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A..., ressortissante de la République du Congo, née le 29 octobre 1973, a fait l'objet le 18 janvier 2023 d'un arrêté par lequel la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence. Par un jugement du 27 janvier 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, et, par voie de conséquence, l'interdiction de retour ainsi que l'assignation à résidence. Par un arrêté du 30 janvier 2023, pris à la suite de ce jugement, la préfète a fixé à trente jours à compter du 18 janvier 2023, le délai de départ volontaire de Mme B... épouse A... et l'a soumise à une obligation de présentation. Par arrêté du 17 mars 2023, la préfète de l'Ain l'a assignée à résidence. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés des 30 janvier et 17 mars 2023. Elle doit être regardée comme demandant, outre l'annulation des arrêtés de la préfète, l'annulation de ce jugement.
Sur le délai de départ volontaire :
2. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le 30 janvier 2023, date à laquelle la préfète de l'Ain a accordé un délai de départ volontaire de trente jours à compter du 18 janvier 2023, date de la notification de l'obligation de quitter le territoire français de Mme B... épouse A..., son conjoint, lui-même en situation irrégulière en France, était hospitalisé à la suite de convulsions, liées à un hématome cortical temporal droit, survenues dans la nuit du 10 au 11 janvier 2023. Après avoir été pris en charge par les urgences, puis en service de réanimation, il a été transféré au sein d'une unité neurovasculaire le 13 janvier 2023, puis, à compter du 17 janvier 2023, au service de neurologie du Centre hospitalier Annecy-Genevois situé à Saint-Julien-en-Genevois. Si un certificat médical du 23 janvier 2023 émanant d'un médecin de ce service indique que son époux nécessite une hospitalisation pour une durée indéterminée, son conjoint était sorti de réanimation et poursuivait son parcours de soins, lequel a finalement pris fin dans ce service le 7 février, un mois d'hospitalisation dans un service de rééducation ayant suivi. Dans ces conditions, en décidant d'accorder, le 30 janvier 2023, un délai de départ volontaire de trente jours à compter du 18 janvier 2023 à Mme B... épouse A... et de ne pas lui accorder à titre exceptionnel un délai supplémentaire, quand bien même son conjoint avait été convoqué à des examens médicaux en mars et en juin 2023 et que sa durée d'hospitalisation n'était pas connue, la préfète de l'Ain, qui pouvait conformément au dernier alinéa de l'article L. 612-1 au vu de l'évolution de l'état de santé du conjoint de la requérante décider de prolonger ce délai à son issue, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la décision de la préfète de l'Ain d'accorder un délai de départ volontaire d'un mois à Mme B... épouse A... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 732-2 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire prononcée en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être assigné à résidence dans des lieux choisis par l'autorité administrative sur l'ensemble du territoire de la République. ".
7. Si, la décision litigieuse mentionne, de façon erronée, que la préfète de l'Ain s'est fondée sur le 2° de l'article L. 731-1 et sur l'article L. 732-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour assigner à résidence Mme B... épouse A..., il ressort des termes même de l'arrêté qui a cité les dispositions du 1° de l'article L. 731-1, que la préfète a entendu prendre la mesure sur le fondement de ces dernières dispositions. La mention des autres dispositions constitue une simple erreur de plume.
8. Pour le surplus, les moyens tirés de ce qu'en décidant de l'assigner à résidence dans l'arrêté du 17 mars 2023, la préfète de l'Ain aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et pris une décision disproportionnée qui méconnaîtrait les articles 3 et 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme doivent être écartés par adoption des motifs du tribunal.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète, que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La présidente, rapporteure,
A. Duguit-LarcherL'assesseur le plus ancien,
J. Chassagne
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02406
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