Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302049 du 16 juin 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 17 février 2023, enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et mis à la charge de l'État le somme de 900 euros à verser à son conseil en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus de titre de séjour était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal n'étaient pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 21 août 2023, M. B... A..., représenté par Me Huard, conclut au rejet de la requête et qu'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil soit mise à la charge de l'État en application des dispositions combinés de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a annulé le refus de titre de séjour au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- il remplissait les conditions prévues par la circulaire Valls pour être régularisé ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier et complet de sa situation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a pas vérifié la possibilité de déroger à l'obligation de visa pour obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant ; sa situation justifiait, compte tenu de la nécessité liée au déroulement de ses études, qu'il soit dérogé à cette obligation ; la mention selon laquelle il ne justifie pas être scolarisé est erronée en fait dès lors qu'il poursuivait un CAP constructeur d'ouvrage en béton armé ; il démontre le caractère réel et sérieux de ses études ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas examiné sa situation dans le cadre de sa demande de régularisation au titre du travail sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- et les observations de Me Huard pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né le 2 novembre 2003, est entré en France selon ses déclarations le 13 août 2019. A sa majorité, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., arrivé à l'âge de quinze ans et demi en France avec ses parents, son frère et sa plus jeune sœur, y résidait depuis seulement trois ans et demi lorsque le préfet de l'Ain a pris à son encontre l'arrêté litigieux. Ses parents ainsi que sa sœur ont fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français respectivement les 24 juillet 2020 et 14 octobre 2021. Si M. A..., qui maîtrise la langue française, a obtenu en juillet 2022 un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) spécialité maçon, qu'il a effectué divers stages dans le cadre de cette formation et qu'il préparait, en alternance, un CAP dans la spécialité " constructeur d'ouvrage béton armé " lorsque le préfet a pris sa décision, en refusant de lui délivrer, le 17 février 2023, un titre de séjour, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et ce, malgré l'âge auquel M. A... est arrivé en France. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions prises par le préfet le même jour.
3. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour.
Sur les autres moyens :
4. Le préfet de l'Isère, qui a examiné chacun des fondements sur lequel se fondait la demande de titre de séjour de M. A..., visé les dispositions applicables et exposé les motifs de fait justifiant qu'il ne soit pas fait droit à ces demandes, a suffisamment motivé l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... pour prendre à son encontre un refus de titre de séjour.
6. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Pour les motifs exposés au point 2 ci-dessus, le préfet de l'Isère n'a, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
9. Il ressort des termes de la décision litigieuse que pour rejeter la demande de M. A... présentée sur ce fondement, le préfet a indiqué qu'il ne justifiait pas d'une scolarisation au titre de l'année 2022-2023 et précisé que si tel était le cas, il ne justifiait pas d'un visa de long séjour, ni au surplus, de moyens d'existence suffisants. Contrairement à ce qu'allègue M. A..., le préfet, qui a indiqué qu'il ne justifiait pas de la nécessité de poursuivre son enseignement en France et que l'enseignement auquel il pouvait se prédestiner ne relevait pas de l'enseignement supérieur, a examiné la possibilité de lui accorder un titre de séjour en qualité d'étudiant alors même qu'il ne disposait pas de visa de long séjour. Dès lors que M. A... ne poursuivait pas d'études supérieures et alors que l'intéressé ne justifie pas de la nécessité de poursuivre ses études en France, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, refuser de lui délivrer ce titre au motif notamment qu'il ne disposait pas de visa. Si le préfet a indiqué que M. A... ne justifiait pas d'une scolarisation en France au titre de l'année 2022-2023, alors qu'il a justifié être inscrit en CAP, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de la décision que le préfet aurait également prise en se fondant uniquement sur le motif tiré de l'absence de visa. Enfin, le motif tiré de l'absence de ressources suffisantes ayant été opposé à titre surabondant, à supposer même qu'il soit erroné, cette circonstance serait sans incidence sur la légalité de la décision que le préfet aurait également prise en se fondant sur le seul motif tiré de l'absence de visa. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui s'est prévalu à l'appui de sa demande de titre de séjour de sa situation familiale et de la poursuite de ses études, aurait sollicité, sur le fondement de l'article L. 435-1, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait omis d'examiner sa demande de titre de séjour présentée sur ce fondement.
11. Les éléments dont il se prévaut, rappelés au point 2, ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En refusant de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement de cet article, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Si la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, toutefois, l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit au bénéfice de ces mesures de faveur et ne peut donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour.
13. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 17 février 2023 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au requérant la somme qu'il réclame au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302049 du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement.
M. Chassagne, premier conseiller.
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La présidente, rapporteure,
A. Duguit-LarcherL'assesseur le plus ancien,
J. Chassagne
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02367
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