Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Cetim a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2014 au 30 septembre 2016, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, de la retenue à la source à laquelle elle a été soumise au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Elle a également présenté des réclamations le 28 août 2018 et 24 décembre 2020 tendant aux mêmes fins.
Par un jugement nos 1807074, 1903010, 2105002 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble, auquel le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a transmis d'office les réclamations de la SAS Cetim, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 août 2022, 19 septembre, 30 octobre et 27 novembre 2023, la SAS Cetim, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités, ou à titre subsidiaire, la décharge des pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire ;
- concernant le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 000 euros, l'administration a procédé à une vérification de comptabilité ; elle a alors méconnu les articles L. 47, L. 51 et L. 52 du livre des procédures fiscales ; elle n'a pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire ;
- concernant le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 732 euros, les constatations de la vérificatrice ne permettent pas d'établir que la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de ses fournisseurs a été effectivement déduite au cours de la période vérifiée, et non pas antérieurement, ni que les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites au titre de la période vérifiée comporteraient effectivement les déductions de cette taxe remises en cause ; l'administration a admis que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation au titre d'années antérieures à 2016 avaient pourtant été rattachés à l'année 2016 ; l'article L. 80 du livre des procédures fiscales n'autorise pas l'administration, lors de la vérification de comptabilité, à procéder à la compensation en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- concernant le passif injustifié, il n'est pas prouvé l'existence de créances dont seraient titulaires les SCI La Fontaine et SAS Acte à son encontre, ni leur abandon, ni leur cession ; il n'est pas démontré que ces créances ont subsisté au terme de l'exercice clos en 2014 ; la cession des créances est intervenue avant le terme de l'exercice clos en 2014 et non au cours de l'exercice clos en 2015 ; les sommes inscrites au crédit des comptes courants d'associés de MM. C... et B... sont issues de la répartition des sommes inscrites au compte courant d'associé collectif ; ses dettes à l'égard des SCI La Fontaine et SAS Acte ayant été omises au passif de son bilan de clôture, il en résulte une diminution de l'actif net, et elle est ainsi fondée à se prévaloir d'une compensation ;
- concernant les revenus distribués, les sommes inscrites au crédit des comptes courants d'associés de MM. C... et B... ont pour contrepartie le débit d'un compte courant d'associé collectif ; la trésorerie de la SAS Cetim n'était que d'un montant de 5 898 euros lors de la clôture de l'exercice le 31 décembre 2015, et son actif net réel, après imputation du passif correspondant aux dettes à l'égard des SCI La Fontaine et SAS Acte, est d'un montant négatif important ; les associés devaient rétablir l'actif net au minimum à la moitié du capital social de la SAS Cetim ;
- concernant la retenue à la source, il convient d'écarter des débats la page 8 de la déclaration de revenus 2015 souscrite par M. B..., ainsi que le mémoire du ministre du 23 novembre 2023, qui comportent des informations couvertes par le secret professionnel ; l'administration ne démontre pas que M. B... résidait en Israël en 2015 et y était imposable ;
- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré appliquée à l'impôt sur les sociétés n'est pas fondée.
Par des mémoires, enregistrés les 27 février, 9 octobre, 23 novembre et 29 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu de substituer le 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts au 2° de cet article retenu pour imposer les sommes créditées sur les comptes courants d'associés.
Par ordonnance du 5 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Etat d'Israël en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 31 juillet 1995 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Tournoud, représentant la SAS Cetim ;
Une note en délibéré présentée par la SAS Cetim a été enregistrée le 19 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Cetim, ayant son siège social à Grenoble, qui avait pour associés M. C... et M. B... à hauteur de respectivement 90 % et 10 % des parts sociales depuis le 30 juin 2016, et qui exerçait, depuis le 1er avril 2014, une activité de marchand de biens et accessoirement de location de biens acquis en vue de leur revente, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur la période du 1er avril 2014 au 31 décembre 2015, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2016. Au terme de ce contrôle, la vérificatrice a notamment, par une proposition de rectification du 17 juillet 2017 notifiée suivant la procédure contradictoire, procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation d'un montant total de 6 732 euros, remis en cause un passif injustifié de 226 000 euros en raison d'un abandon de créances qui a conduit à constater une augmentation de l'actif net de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et, enfin, soumis à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, au taux de 15 % prévu par la convention fiscale franco-israélienne visée ci-dessus, des revenus distribués à son actionnaire M. B..., domicilié en Israël, en application du c. de l'article 111 du code général des impôts. Par une autre proposition de rectification du 11 décembre 2017 notifiée suivant la procédure contradictoire, la vérificatrice a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée déduite d'un montant de 3 000 euros correspondant à un versement sur le compte personnel de M. C.... En conséquence de ces rectifications, la SAS Cetim a été assujettie, par deux avis de mise en recouvrement des 15 décembre 2017 et 17 juillet 2018, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er avril 2014 au 30 septembre 2016 et du 1er avril 2014 au 31 décembre 2015, à une cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et à une retenue à la source au titre de l'année 2015. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard, de la majoration de 10 %, pour absence de dépôt de déclaration prévue au a. de l'article 1728 1. du code général des impôts s'agissant de la retenue à la source et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du même code s'agissant de l'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause du passif injustifié et de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort de 3 000 euros. Par un jugement du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint la demande de la SAS Cetim tendant à la décharge des impositions résultant des chefs de rehaussement précités et des pénalités correspondantes et ses deux réclamations ayant le même objet transmises d'office par le directeur départemental des finances publiques de l'Isère et accueilli la demande de substitution de base légale de l'article 109 1. 2° à l'article 111 c. du code général des impôts, les a rejetées. La SAS Cetim relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes de décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif a visé le moyen tiré d'une absence de débat oral et contradictoire, et il a écarté au point 7 de son jugement le moyen de la SAS Cetim tiré de ce que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 000 euros avait été établi à la suite d'une nouvelle vérification de comptabilité. Le moyen qu'elle a invoqué devant les premiers juges, tiré d'une absence de débat oral et contradictoire, était ainsi inopérant. Le juge n'étant pas tenu de répondre à un moyen inopérant, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité.
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. (...) ". Aux termes de l'article L. 51 de ce livre : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. (...) ". Aux termes de l'article L. 52 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ".
4. Si le législateur a interdit à l'administration de procéder à une nouvelle vérification des écritures comptables d'un contribuable, il n'a nullement entendu enlever au service chargé de l'assiette de l'impôt le droit de réparer à tout moment, dans le délai de répétition défini par le code général des impôts, les insuffisances, omissions ou erreurs dont la découverte résulte de la vérification elle-même, de l'étude des rapports établis à la suite de celle-ci ou de renseignements provenant de toute autre source.
5. Si la SAS Cetim a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 27 avril au 27 juin 2017 qui a donné lieu à l'envoi d'une proposition de rectification du 17 juillet 2017, la vérificatrice n'a pas remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 000 euros relative à un règlement de 18 000 euros rappelée par la proposition de rectification du 11 décembre 2017. Il résulte de l'instruction et des mentions de cette seconde proposition de rectification que la vérificatrice a constaté, dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. C..., que ce dernier avait encaissé sur ses comptes bancaires personnels une somme de 18 000 euros provenant de la SAS Cetim, qui avait été comptabilisée au crédit du compte courant ouvert au nom de M. C... dans les écritures de la société Acte et que l'administration a alors exercé un droit de communication auprès de la banque BNP Paris, teneur du compte bancaire de la société Acte, dont il est ressorti que le chèque de 18 000 euros avait été établi par la société Cetim au nom de la société Acte. La vérificatrice de la SAS Cetim a alors estimé que cette société avait faussement comptabilisé la somme de 18 000 euros au débit du compte fournisseur de prestataires de services, sous le nom de la société Perrot TP. Il résulte de ce qui précède que la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à cette opération n'est pas consécutive à une nouvelle vérification sur place de la comptabilité de la SAS Cetim, mais procède de l'exploitation par le service de renseignements obtenus dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. C... et de l'exercice du droit de communication confrontés à l'examen des déclarations de la SAS Cetim et aux documents figurant dans son dossier. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 47, L. 51 et L. 52 du livre des procédures fiscales, et de l'absence d'un débat oral et contradictoire, doivent être écartés.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 271 de ce code : " I. (...) 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice a relevé que le compte 4456611 de taxe sur la valeur ajoutée déductible présentait au 30 septembre 2016 un solde créditeur de 0,95 euro, démontrant que la taxe sur la valeur ajoutée déductible avait été intégralement récupérée au 30 septembre 2016 avec un solde de 0,95 euro injustifié et que les comptes fournisseurs de prestations de services présentaient des soldes créditeurs au 30 septembre 2016 de montants totaux de 40 391 euros et de 6 732 euros de taxe sur la valeur ajoutée en l'absence de paiement des fournisseurs Acte, SCI Les Chauvets 73, MCMP, Perrot TP. Elle a procédé à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation à concurrence de 6 732 euros au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2016. La vérificatrice pouvait se fonder seulement sur l'état de ces deux comptes 4456611 et fournisseurs, qui n'est pas contesté par la société requérante, pour en déduire l'existence de la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation en l'absence de paiement par la SAS Cetim de cette taxe à hauteur de 6 732 euros à ses fournisseurs, sans devoir se baser sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par la société requérante au titre de la période s'étendant de sa date de début d'activité le 1er avril 2014 au 30 septembre 2016, qui ne sont d'ailleurs pas produites par la SAS Cetim dans le cadre de la présente instance pour étayer sa contestation. Par ailleurs, la vérificatrice n'a pas procédé à une compensation, mais s'est limitée à tirer les conséquences de l'état des deux comptes précités 4456611 et fournisseurs au 30 septembre 2016. Enfin, si la vérificatrice a procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 6 732 euros au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2016, et à supposer même que la taxe sur la valeur ajoutée relative aux prestations de services des fournisseurs SCI Les Chauvets 73 et Perrot TP a été déduite par anticipation dès l'année 2015, il résulte de l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2017 qu'il concerne la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période d'avril 2014 à septembre 2016. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 732 euros.
Sur le bien-fondé de l'impôt sur les sociétés :
8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".
9. Aux termes de l'article 1690 du code civil : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique. ".
10. L'administration a réintégré dans le résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2015 un passif injustifié résultant de l'abandon de créances détenues par les SCI La Fontaine et SAS Acte à hauteur de 226 000 euros. Il résulte de l'instruction que le compte courant d'associé 455 " Associés - comptes courants " ouvert dans les écritures de la SAS Cetim, a été crédité des sommes de 100 000 et 150 000 euros respectivement les 21 avril et 6 août 2014, à la suite de la remise de deux chèques sur ses comptes bancaires et que ce compte courant d'associé 455 présentait un solde créditeur de 226 000 euros au 31 décembre 2015. Il résulte de l'exercice du droit de communication par l'administration auprès de l'établissement bancaire teneur des comptes que les deux chèques de 100 000 et 150 000 euros ont été émis respectivement par les SCI La Fontaine et SAS Acte. Si la société requérante soutient qu'il ne s'agit pas de créances de ces deux sociétés à son égard étant donné que les sommes de 100 000 et 150 000 euros ont été inscrites au crédit des comptes courants d'associés respectifs de MM. C... et B..., ces deux chèques ont été inscrits dans un premier temps dans un compte courant d'associé collectif, ouvert au nom de ces deux associés, mais également à l'époque du troisième associé majoritaire, la SARL Coil France, et il n'est pas démontré que M. C..., qui a la qualité de dirigeant seulement de la SAS Acte, ni que M. B..., disposaient de créances à l'égard des SCI La Fontaine et SAS Acte qui auraient pu être transférées au sein des écritures de la SAS Cetim. Il en résulte que les SCI La Fontaine et SAS Acte étaient titulaires de créances à l'égard de la SAS Cetim, peu important leur nature d'apports, de prêts ou d'autres opérations. Si la SAS Cetim soutient qu'il n'est pas démontré que les créances auraient subsisté au terme de l'exercice clos en 2014, son premier exercice social s'est étendu du 1er avril 2014 au 31 décembre 2015, et la production des bilans des SCI La Fontaine et SAS Acte au 31 décembre 2014 ne suffit pas à elle-seule à démontrer le remboursement des dettes par la société requérante, alors que les comptes courants d'associés aux noms de MM. C... et B... ont été crédités le 31 décembre 2015 des sommes de respectivement 96 000 euros et 130 000 euros en provenance du compte courant d'associé collectif. L'écriture d'opérations diverses du 31 décembre 2015, qui consiste en une annulation de la dette de 226 000 euros constatée au débit du compte 455 " Associés - comptes courants " et en des crédits à hauteur de 96 000 euros et 130 000 euros des comptes courants d'associés 455200 et 455300 ouverts aux noms respectivement de MM. C... et B..., retrace l'abandon pur et simple des créances que détenaient les SCI La Fontaine et SAS Acte à l'égard de la SAS Cetim. La SAS Cetim ne se prévaut pas que des cessions auraient été réalisées dans le respect des formalités prévues à l'article 1690 précité du code civil, ni d'aucun autre justificatif de cessions de créances. Enfin, les dettes de la SAS Cetim à l'égard de MM. C... et B... résultent de l'inscription des sommes de 96 000 euros et de 130 000 euros au crédit des comptes courants d'associés 455200 et 455300, et ainsi la SAS Cetim n'est pas fondée à se prévaloir d'une compensation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les créances d'un montant total de 226 000 euros ont été purement et simplement abandonnées, entraînant une augmentation de l'actif net de la SAS Cetim, et a réintégré la somme correspondante dans le bénéfice imposable de ladite société.
Sur le bien-fondé de la retenue à la source :
11. Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 10 - Dividendes de la convention entre la France et Israël du 31 juillet 1995 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : (...) c) 15 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas. (...) ". Aux termes de l'article 4 - Résidence fiscale de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ".
12. En premier lieu, les sommes inscrites au crédit du compte courant d'un associé ont, sauf preuve contraire, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
13. L'administration a retenu des revenus distribués au titre de l'année 2015 au profit de M. B..., correspondant à la somme de 130 000 euros précitée inscrite au crédit du compte courant d'associé 455300 ouvert par la SAS Cetim au nom de cet associé. Elle a soumis à la retenue à la source, sur la base de 15/85ième de leur montant, les revenus distribués d'un montant de 130 000 euros perçus par M. B..., soit 22 941 euros.
14. Il résulte du point 10 du présent arrêt que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé 455 " Associés - comptes courants " résultent de créances des SCI La Fontaine et SAS Acte à l'égard de la SAS Cetim, qui ont été abandonnées par la suite, et non d'apports de la part de notamment M. B.... En outre, le bilan de la SAS Cetim au 31 décembre 2015, qui indique des disponibilités de 5 898 euros, un résultat de 29 230 euros, des créances d'un montant total de 89 610 euros, un actif circulant d'un montant total de 3 683 444 euros comparé à des dettes d'un montant total de 3 604 214 euros, et la circonstance que la SAS Cetim a bénéficié d'une somme de 226 000 euros de la part des SCI La Fontaine et SAS Acte, ne permettent pas de démontrer que M. B... ne pouvait pas prélever la somme de 130 000 euros au 31 décembre 2015. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a retenu des revenus de capitaux mobiliers d'un montant de 130 000 euros au profit de M. B....
15. En second lieu, si la SAS Cetim soutient que l'administration fiscale ne prouve pas que M. B... était résident étranger, il résulte de la page 8 de la déclaration de revenus de l'année 2015 de M. B... qu'il était non-résident en France et que ses pensions de retraite n'y étaient pas imposables en application de l'article 18 de la convention fiscale conclue entre la France et Israël. Si la société requérante soutient qu'il y a lieu d'écarter des débats ce document ainsi que les passages des mémoires du ministre s'y rapportant, en raison d'informations concernant M. B... couvertes par le secret professionnel, il incombe seulement au juge de l'impôt, après avoir soumis de telles informations au débat contradictoire, de tenir compte de leur origine et des conditions dans lesquelles elles sont produites pour en apprécier, au terme de la discussion contradictoire devant lui, le caractère probant. Le ministre soutient, au demeurant, que M. B... a informé l'administration de sa date de départ de France le 21 octobre 2013, qu'il a déposé une déclaration de retour en France en y indiquant la date du 16 octobre 2019 et souscrit une déclaration de revenus au titre de l'année 2019 mentionnant une adresse en Israël au 1er janvier 2019 avant son déménagement en France. Il résulte enfin des avis d'imposition qui ont été adressés à M. B... de 2013 à 2019 que son dossier fiscal était géré par le service des impôts des particuliers non-résidents. La SAS Cetim ne démontre pas que M. B..., qui est un de ses associés, n'aurait pas eu sa résidence en 2015 en Israël mais en France, en se bornant à se prévaloir de la mention d'une domiciliation en France auprès d'un cabinet d'avocats spécialisé en droit fiscal en qualité de tiers de confiance sur la déclaration de revenus 2015 souscrite par M. B... et à invoquer la circonstance que les autres sociétés dont M. B... était l'associé ou le dirigeant étaient immatriculées en France, dont il ne produit d'ailleurs pas les justificatifs. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis les revenus distribués à la retenue à la source prévue par les dispositions précitées.
Sur la pénalité :
16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
17. Pour justifier la majoration pour manquement délibéré appliquée au rappel d'impôt sur les sociétés, l'administration relève que, par l'écriture comptable du 31 décembre 2015, la SAS Cetim a annulé purement et simplement, sans aucun justificatif, des dettes qu'elle avait auprès des SCI La Fontaine et SAS Acte, que la SAS Cetim a été directement bénéficiaire de cet abandon de créances, sans que le profit correspondant, qui représente plus de six fois le résultat déclaré par la société requérante, n'ait été comptabilisé, que son président et associé M. C..., qui tient lui-même la comptabilité de la SAS Cetim et qui a une activité de conseil en gestion auprès d'entreprises au sein de la SAS Acte qu'il dirige et qui facture des honoraires de gestion à la SAS Cetim, ne pouvait ignorer le caractère anormal de cet acte de gestion et que l'écriture d'opérations diverses comptabilisée a permis de transférer les deux créances au profit de M. C... et de son beau-père. Ce faisant, l'administration établit, ainsi qu'il lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'intention délibérée de la SAS Cetim d'éluder l'impôt justifiant la pénalité appliquée.
18. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de base légale présentée à titre subsidiaire par le ministre, que la SAS Cetim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Cetim est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cetim et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02589