Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Thomimmo a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n°s 2104817-2106483 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 ayant donné lieu à un dégrèvement avant l'introduction des demandes, a rejeté au fond le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 février 2023, la SCI Thomimmo, représentée par Me Morand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité s'est étendue sur une durée supérieure à trois mois, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- pour déterminer la fraction des loyers qu'il convenait de réintégrer à son résultat imposable en application des dispositions de l'article 239 sexies du code général des impôts, l'administration aurait dû se fonder sur la méthode d'amortissement par composants, rendue obligatoire par le règlement n° 2002-10 du 12 novembre 2002 du Comité de la réglementation comptable ; la méthode d'amortissement global retenue par l'administration a conduit à majorer indûment le montant de cette réintégration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions en décharge des impositions supplémentaires qui ont fait l'objet d'un dégrèvement sont irrecevables ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le règlement n° 2002-10 du 12 novembre 2002 du Comité de la réglementation comptable modifié ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Thomimmo, qui exerce l'activité de location de biens immobiliers à Belleville (Rhône), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, selon la procédure contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016. Par une décision du 15 juin 2020, l'administration a procédé au dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016. La SCI Thomimmo relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996, a rejeté au fond le surplus des conclusions de ses demandes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...). ". Aux termes du I de l'article 302 septies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au titre de l'année civile précédente, n'excède pas 789 000 €, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 238 000 €, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées. / (...). ".
3. Il résulte de l'instruction que l'activité de la SCI Thomimmo ne consiste pas à vendre des marchandises, des objets, des fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou à fournir un logement. Par suite, dès lors que son chiffre d'affaires hors taxe était supérieur à 238 000 euros au titre des années vérifiées, le moyen tiré de ce que la durée de la vérification de comptabilité menée à son encontre a excédé le délai de trois mois prévue par le 1° du I de l'article L. 52 du livre de procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...). ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
5. La proposition de rectification du 6 mai 2019 adressée à la SCI Thomimmo mentionnait les impôts et les périodes concernées, les bases d'imposition retenues ainsi que le fondement légal des rectifications opérées ainsi que les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée. En ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, elle citait notamment l'article 239 sexies du code général des impôts et rappelait les informations obtenues par l'administration de la société CMCIC Lease dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Il ressort du tableau intitulé " réintégration d'une partie des loyers " que l'administration a retenu une durée d'amortissement de vingt ans pour le bâtiment en cause acquis par le biais d'un crédit-bail immobilier. Si la proposition de rectification ne précisait pas les motifs qui ont conduit le service à retenir cette durée d'amortissement, la mention de cette durée permettait à la SCI Thomimmo de formuler utilement ses observations. Si celle-ci soutient que l'administration était tenue d'appliquer la méthode d'amortissement par composants et que la méthode retenue est arbitraire, une telle critique, qui relève de l'appréciation du bien-fondé de l'imposition, est sans incidence sur la motivation de la proposition de rectification. Le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 6 mai 2019 ne serait pas suffisamment motivée doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. La SCI Thomimmo s'étant abstenue de présenter des observations en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 6 mai 2019 et ayant, par conséquent, tacitement accepté les redressements qui lui ont été notifiés, il lui appartient d'établir le caractère exagéré des impositions mises à sa charge, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.
7. D'une part, aux termes du I de l'article 239 sexies du code général des impôts : " Lorsque le prix d'acquisition, par le locataire, de l'immeuble pris en location par un contrat de crédit-bail conclu avec une société immobilière pour le commerce et l'industrie est inférieur à la différence existant entre la valeur de l'immeuble lors de la signature du contrat et le montant total des amortissements que le locataire aurait pu pratiquer s'il avait été propriétaire du bien depuis cette date, le locataire acquéreur est tenu de réintégrer, dans les résultats de son entreprise afférents à l'exercice en cours au moment de la cession, la fraction des loyers versés pendant la période au cours de laquelle l'intéressé a été titulaire du contrat et correspondant à ladite différence diminuée du prix de cession de l'immeuble. (...). ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B. (...). ". Aux termes de l'article 15 bis de l'annexe II au même code : " I. - Pour la détermination du bénéfice imposable résultant de l'application aux immobilisations de la méthode par composants, sont regardés comme des composants les éléments principaux d'une immobilisation corporelle : / 1° Ayant une durée réelle d'utilisation différente de celle de cette immobilisation ; / 2° Et devant être remplacés au cours de la durée réelle d'utilisation de cette immobilisation. / II. - L'application de la méthode par composant implique : / 1° La comptabilisation séparée à l'actif du bilan, dès l'origine et lors de leur remplacement, de chacun des composants satisfaisant aux conditions prévues au I. / Les coûts de remplacement d'un composant sont comptabilisés comme l'acquisition d'un actif séparé et la valeur nette comptable du composant remplacé est comptabilisée en charges. / Les éléments principaux d'une immobilisation corporelle, qui n'ont pas été identifiés dès l'origine comme des composants, sont comptabilisés séparément à l'actif du bilan dès qu'il est ultérieurement constaté qu'ils satisfont aux conditions prévues au I ; / 2° L'application d'un plan d'amortissement distinct pour chacun des composants ainsi comptabilisés. / (...). ".
9. La vérificatrice a constaté que la SCI Thomimmo avait omis de procéder, en méconnaissance des dispositions de l'article 239 sexies du code général des impôts, à la réintégration dans son résultat imposable d'une fraction des loyers évoquée au point 5 lorsque, le 19 juillet 2016, elle a levé l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail portant sur un tènement immobilier constitué notamment d'un local commercial comportant une surface de vente de 2 000 m².
10. La SCI Thomimmo soutient que, pour déterminer la fraction des loyers qu'il convenait de réintégrer dans son résultat imposable, l'administration aurait dû se fonder sur la méthode d'amortissement par composants, prescrite par le règlement n° 2002-10 du 12 novembre 2002 du Comité de la réglementation comptable relatif à l'amortissement et à la dépréciation des actifs. Toutefois, en se bornant, comme devant les premiers juges, à lister les durées d'amortissement usuellement retenues depuis 2005 pour une série de composants se rapportant à un immeuble, elle ne démontre pas que l'application de la méthode d'amortissement par composants aurait eu pour effet de réduire le montant de la réintégration litigieuse par rapport à la méthode d'amortissement global appliquée par l'administration. Dans ces conditions, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SCI Thomimmo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Thomimmo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Thomimmo et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY00484
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