Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Loire a prononcé son expulsion du territoire français et rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.
Par une ordonnance n° 2301231 du 23 août 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné acte du désistement de la demande de M. A....
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 août 2023 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Loire a prononcé son expulsion du territoire français ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer un visa de long séjour dit de " retour " lui permettant d'être replacé dans la situation existant avant la mesure d'expulsion ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il doit être regardé comme soutenant que :
- le tribunal a méconnu les dispositions l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative dès lors qu'effectivement expulsé, il n'a pu recevoir notification de l'ordonnance du 30 juin 2023 ;
- le défaut de respect du délai imparti pour maintenir ses conclusions aurait dû être soulevé d'office par le tribunal et soumis préalablement au contradictoire ;
- le tribunal n'a pas donné acte d'un désistement, mais en a opposé un, il a donc méconnu le champ d'application des dispositions de l'article R. 222-1 du code précité ;
- le tribunal a manqué à son obligation de loyauté procédurale ;
- il renvoie aux moyens développés dans sa requête introductive d'instance ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de forme.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2024, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bescou, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 20 février 1992, de nationalité marocaine, est entré en France le 27 janvier 2001, alors qu'il était âgé de huit ans. Il a été condamné par la cour d'appel d'Anvers (Belgique) le 28 juin 2019 à une peine de quatre ans d'emprisonnement pour des faits d'importation-exportation et détention de stupéfiants. Il a fait l'objet d'un arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Loire a prononcé son expulsion du territoire français, en mentionnant son pays d'origine, qui a été exécutée le 8 juin 2023. Il a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté. Sa demande a été rejetée par une ordonnance du 30 juin 2023 de la présidente de ce tribunal, juge des référés, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. Saisie du litige au fond, la présidente du tribunal a, par une ordonnance du 23 août 2023 prise sur le fondement des articles R. 222-1 et R. 612-5-2 du code de justice administrative, dont le requérant interjette appel, donné acte de son désistement de sa demande tendant à l'annulation du même arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " (...) les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / 1° Donner acte des désistements (...) ".
3. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de confirmation à l'expiration du délai d'un mois du maintien de sa requête au fond lorsque le juge des référés a rejeté ses conclusions à fin de suspension en raison de l'absence de moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, il incombe au juge d'appel de vérifier notamment que l'intéressé a reçu la lettre de notification de l'ordonnance de rejet du juge des référés mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative et s'est abstenu de répondre en temps utile, et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a ainsi fait une juste application de ces dispositions.
4. Par l'ordonnance n° 2301230 du 30 juin 2023 visée au point 1, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, juge des référés, a rejeté la requête de M. A... à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 mars 2023 du préfet de la Haute-Loire, au motif qu'aucun moyen ne paraissait propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.
5. Il ressort des pièces du dossier de référé de première instance, en particulier du courrier de notification de l'ordonnance de la juge des référés, que celle-ci a été envoyée à M. A... par courrier recommandé avec accusé de réception le 1er juillet 2023, régulièrement présenté à l'adresse communiquée par le requérant lors de l'introduction de sa requête en référé, deux jours après l'exécution de la décision d'expulsion du territoire. Le pli contenant cette notification a toutefois été renvoyé par les services postaux au tribunal qui l'a reçu le 3 août 2023 avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Aucune mention ne permet cependant de déterminer la date à laquelle l'intéressé a été avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste ni le respect du délai de mise en instance. Il en résulte que l'auteur de l'ordonnance attaquée ne pouvait, dès lors, retenir que le pli devait être regardé comme notifié à la date de sa présentation. Dans ces conditions, à défaut de notification régulière de l'ordonnance du 30 juin 2023, M. A... ne pouvait être regardé comme ayant omis de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation dans le délai d'un mois suivant cette ordonnance. La présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne pouvait ainsi prononcer un désistement d'office à la date de l'ordonnance attaquée du 23 août 2023. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de régularité, cette ordonnance doit dès lors être annulée.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2023.
Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion du 30 mars 2023 :
7. En premier lieu, en vertu de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Aux termes de l'article L. 631-3 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) ". Par ces dispositions, le législateur a entendu protéger des mesures d'expulsion l'étranger qui réside habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de treize ans et celui qui y réside régulièrement depuis plus de vingt ans, en conditionnant ces mesures à l'existence d'un comportement particulièrement dangereux. Dans ce cadre, les éventuelles périodes d'incarcération en France qui emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence, pour l'étranger, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part, ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, quand bien même elles ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de sa résidence habituelle en France.
8. Si M. A... a fait valoir en première instance qu'il réside en France habituellement depuis l'âge de huit ans et régulièrement depuis plus de vingt ans, il est constant qu'il a été incarcéré en Belgique du 24 novembre 2018 au 15 juin 2020 puis à compter de cette dernière date, en France jusqu'au 3 juillet 2021. Ainsi, et dès lors que M. A... n'a, du fait de cette interruption de son séjour, pas résidé en France de manière habituelle ni continue depuis qu'il y est entré, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Loire a estimé qu'il ne relevait ni du 1° ni du 2° des dispositions de l'article L. 631-3 du code précité.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) ".
10. En application des principes rappelés au point 7, M. A... doit être regardé, compte tenu de son incarcération à l'étranger, comme ayant interrompu sa résidence en France et n'y ayant ainsi pas résidé régulièrement depuis plus de dix ans. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.
11. Par suite, le préfet de la Haute-Loire pouvait à bon droit fonder son arrêté d'expulsion sur les dispositions de l'article L. 631-1 de ce même code, M. A... ne contestant d'ailleurs pas que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi doit, par suite, être écarté.
12. En dernier lieu, le moyen tiré du vice de forme, invoqué à hauteur d'appel, doit être écarté comme manquant en fait, l'arrêté contesté comportant dans son intitulé la date du 30 mars 2023.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant expulsion du territoire français qu'il attaque est entachée d'illégalité. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 août 2023 est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions d'appel et la demande de première instance de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Haute-Loire et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03298