Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 6 mai 2020 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 2004778 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Benages, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2022 ainsi que la décision du 6 mai 2020 susvisés ;
2°) de condamner le groupement hospitalier Portes de Provence à lui verser une somme correspondant à ses salaires perdus depuis le 11 mai 2020, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge du groupement hospitalier Portes de Provence à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- la décision de licenciement du 6 mai 2020 a été prise en amont de la réunion de la commission administrative paritaire du 30 avril 2020, en méconnaissance de l'article 9 du décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ; ce faisant, le refus de titularisation et le licenciement en cours de stage n'a pas été précédé de la consultation de la commission administrative paritaire compétente ;
- la décision de licenciement fait état de faits constitutifs de fautes sans que la procédure disciplinaire de l'article 20 du même décret ait été respectée ; à ce titre, le courrier de convocation mentionne qu'elle peut " consulter son dossier " et non pas qu'elle puisse en avoir une communication intégrale, en méconnaissance de ces dispositions ;
- la décision de licenciement repose sur des faits matériellement inexacts et qui ne sont pas constitutifs d'insuffisance professionnelle ; en tout état de cause, ce licenciement présente un caractère disproportionné ;
- elle est fondée, en raison de l'illégalité fautive de son licenciement, à obtenir la réparation des préjudices en résultant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, le groupement hospitalier Portes de Provence, représenté par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de demande préalable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 9 avril 2024 a fixé la clôture de l'instruction en dernier lieu au 30 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°97-487 du 12 mai 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Benages pour Mme B... et Me Brocheton pour le groupement hospitalier Portes de Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été employée par le groupement hospitalier Portes de Provence à compter du 4 août 2012 en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié, en contrat à durée déterminée. Le 28 juillet 2017, elle a été nommée stagiaire dans ce même corps en vue d'une titularisation, pour une durée initiale d'un an. Son stage a ensuite été prolongé pour une durée de 6 mois à compter du 18 septembre 2018, puis de nouveau prolongé pour tenir compte de son placement en congé de maladie. Suite à divers incidents, Mme B... a été convoquée par courrier du 7 avril 2020 à un entretien préalable le 23 avril 2020 en vue de son licenciement. Le 30 avril 2020, la commission administrative paritaire a émis un avis défavorable à sa titularisation. Par un arrêté du 6 mai 2020, le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence l'a licenciée pour insuffisance professionnelle. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret n°97-487 du 12 mai 1997 susvisé : " L'agent stagiaire ne peut être licencié pour insuffisance professionnelle que lorsqu'il a accompli un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 34 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury. / Il n'est pas versé à l'agent stagiaire d'indemnité de licenciement. / Lorsque l'agent stagiaire a la qualité de fonctionnaire titulaire dans un autre corps, cadre d'emplois ou emploi, il est mis fin à son détachement et l'intéressé est réintégré dans son administration d'origine dans les conditions prévues par le statut dont il relève. "
3. Il ressort du courrier du 7 avril 2020 par lequel la requérante a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour insuffisance professionnelle en cours de stage, qu'après avoir appelé les griefs justifiant cette procédure, le directeur du groupement hospitalier a indiqué " la décision de licenciement ne deviendra définitive qu'après avis de la CAP locale n°8 qui se réunira, de manière exceptionnelle, le 30 avril 2020. " Mme B... en déduit à tort que la décision de licenciement aurait été prise avant l'intervention de l'avis de la commission administrative paritaire (CAP). Toutefois, il ressort des pièces versées que la décision de licenciement n'a été édictée que le 6 mai 2020 soit postérieurement à la CAP qui s'est réunie le 30 avril 2020. La circonstance que la décision de licenciement reprendrait les motifs contenus dans ce courrier de convocation ne démontre pas davantage que l'administration aurait pris la décision de licenciement en méconnaissance de l'alinéa 2 de l'article 9 du décret n° 97-487 du 12 mai 1997 précité.
4. En deuxième lieu, aucune procédure disciplinaire n'ayant été engagée à l'encontre de Mme B..., cette dernière n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 20 du décret n°97-487 du 12 mai 1997 susvisé.
5. En troisième lieu, il est constant que Mme B..., nommée stagiaire dans le corps des agents de service hospitaliers, était chargée, selon l'article 4 du décret n°2007-1188 du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière, applicable à la date de la décision en litige : " de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l'hygiène hospitalière ".
6. Afin de motiver le licenciement de Mme B... en cours de stage, le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence lui a d'abord reproché d'avoir enfermé à clé un patient pendant la nuit du 6 au 7 février 2018 dans le service de gériatrie. Il ressort des pièces produites que la matérialité de ce grief est établie et qu'un rapport circonstancié a été dressé à sa suite par les cadres de santé indiquant qu'une telle attitude contrevenait aux règles de sécurité, à la bientraitance et à la bonne prise en charge des patients. Il lui est également reproché d'avoir pris des temps de pause méridienne excessifs, grief attesté pour la journée du 8 avril 2020 durant laquelle Mme B... a pris un temps de pause à l'heure du déjeuner excédant les 30 minutes autorisées. Mme B... ne conteste pas le troisième grief tiré de ce que le 3 avril 2019, elle s'est rendue aux urgences et a quitté son poste de travail sans en avertir sa cadre de santé. La décision de licenciement est en outre motivée par un quatrième motif, dont la véracité est attestée par un rapport circonstancié de la cadre de santé qui a alors interpellé Mme B..., tiré de ce que l'intéressée s'est présentée, le 26 mars 2020, dans une unité Covid-19 dans sa tenue de ville, sans aucune protection particulière, pour rendre visite à une collègue alors que des consignes avaient été rappelées le jour même aux agents du bionettoyage par la cadre de santé de l'unité fonctionnelle d'hygiène. L'intéressée a, par son comportement, mis en danger tant la santé des patients que celle des personnels soignants. Enfin, outre ces faits précisément identifiés, la décision attaquée est plus généralement motivée par la manière de servir de Mme B... laquelle n'est pas compatible avec les exigences attendues d'un agent titulaire des services hospitaliers qualifié et a conduit à rompre le lien de confiance avec sa hiérarchie. La matérialité de ce grief est attestée par plusieurs témoignages de cadres de santé du groupement hospitalier lesquels révèlent les propos mensongers qui ont pu être tenus par Mme B... lors des manquements constatés et la minimisation par cette dernière de la gravité des faits évoqués, notamment concernant le manquement aux règles d'hygiène et de sécurité du 26 mars 2020. L'ensemble de ces considérations affectent l'aptitude de Mme B... à exercer les missions qui lui sont normalement dévolues. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de licenciement reposerait sur des faits matériellement inexacts, serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressée ou d'un détournement de pouvoir doivent être écartés.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Il résulte de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.
8. En l'espèce, d'une part, en l'absence d'illégalité fautive de la décision portant licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme B..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le groupement hospitalier Portes de Provence devrait être condamné à l'indemniser des préjudices en résultant. D'autre part et en tout état de cause, Mme B... n'ayant pas saisi l'administration d'une demande préalable indemnitaire, avant ou après la saisine du tribunal, sa demande indemnitaire n'était pas recevable. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le groupement hospitalier Portes de Provence, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme B... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme quelconque à verser au groupement hospitalier Portes de Provence au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le groupement hospitalier Portes de Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au groupement hospitalier Portes de Provence.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ;
Mme Emilie Felmy, président assesseure ;
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 23LY00325