Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté n° 2020-70 du 28 juillet 2020 portant retrait de l'arrêté n° 2020-35 daté du 15 avril 2020 ainsi que l'arrêté n° 2021-135 du 3 décembre 2021 du maire de Vals-près-le-Puy portant réintégration sur un emploi d'attaché principal à compter du 23 novembre 2021.
Par un jugement n° 2001449, 2200279 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à ces demandes et enjoint à la commune de Vals-près-le-Puy de procéder à la régularisation de la situation administrative de Mme B... à compter du 1er juin 2020.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2023 et 30 avril 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Vals-près-Le-Puy, représentée par Me Soleilhac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2022 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- en vertu de la loi du 23 mars 2020 édictée pour faire face à l'épidémie de Covid-19, la prorogation du mandat du maire sortant se limitait à la gestion des affaires courantes et urgentes dont ne relevait pas le placement en congé spécial de Mme B... ;
- elle est fondée à solliciter une substitution de motifs tirée de la fraude commise par Mme B... pour obtenir l'arrêté portant mise en congé spécial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Brunière, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le moyen d'annulation retenu par le tribunal est fondé et que la substitution de motifs sollicitée doit être écartée.
Une ordonnance du 8 avril 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 30 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 ;
- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Clerc pour la commune de Vals-près-le-Puy et de Me Brunière pour Mme B....
Vu la note en délibéré présentée par Mme B... le 18 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., attachée territoriale principale, a été, par arrêté du 9 septembre 2015, placée en position de détachement sur l'emploi fonctionnel de directrice générale des services de la commune de Vals-près-le-Puy à compter du 1er juillet 2015 pour 5 ans jusqu'au 1er juillet 2020. A l'issue du premier tour des élections municipales qui a vu le conseil municipal de Vals-près-le-Puy intégralement renouvelé, elle a demandé au maire sortant, par courrier du 6 avril 2020, son placement en congé spécial sur le fondement de l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui lui a été accordé par un arrêté daté du 15 avril 2020 avec effet au 1er juin 2020. Par un arrêté du 28 juillet 2020, le nouveau maire de Vals-près-le-Puy a retiré l'arrêté daté du 15 avril 2020 accordant à Mme B... le bénéfice du congé spécial, au motif que le maire sortant n'avait plus compétence pour décider une telle mesure, celle-ci excédant la gestion des simples affaires courantes. Par un arrêté du 3 décembre 2021, le maire a prononcé la réintégration de Mme B... sur un poste d'attaché principal à la date du 23 novembre 2021. La commune de Vals-près-le-Puy relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les arrêtés édictés les 28 juillet 2020 et 3 décembre 2021 précités.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de coronavirus : " III. - Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité de scientifiques. La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction. (...) IV. - Par dérogation à l'article L. 227 du code électoral : / 1° Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'à l'entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. (...) ". L'article 1er du décret susvisé du 14 mai 2020 définissant la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020 a fixé au 18 mai 2020 la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux élus dans ces communes.
3. Contrairement à ce que soutient la commune appelante, il ne ressort pas des dispositions de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ni de celles de l'ordonnance du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19 ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que la compétence du maire de la commune serait limitée à l'expédition des affaires courantes pendant la période courant du lendemain du premier tour des élections municipales à la date d'entrée en fonctions des nouveaux conseillers municipaux. En l'espèce, les nouveaux conseillers municipaux élus n'étant entrés en fonctions que le 18 mai 2020 et le maire sortant ayant conservé cette qualité jusqu'à cette date, ce dernier était compétent pour édicter le 15 avril 2020 l'arrêté en litige portant octroi à Mme B... d'un congé spécial. Par suite, c'est à bon droit qu'en raison de l'erreur de droit dont il était entaché, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 28 juillet 2020 portant retrait de l'arrêté du 15 avril 2020.
4. La commune sollicite une substitution de motifs en soutenant que l'arrêté n° 2020-35 du 15 avril 2020 a été obtenu par fraude. Toutefois, il ressort de cet arrêté qu'il fait suite à une demande présentée par Mme B... par courrier du 6 avril 2020 reçu en mairie le 15 avril suivant et que l'arrêté litigieux a été signé par le maire sortant de la commune à la suite de cette demande selon l'attestation qu'il a signée le 8 avril 2022. Le constat d'huissier produit par la commune fait état notamment de projets d'arrêtés comportant une numérotation relevant de la période du mois de mai 2020 et non avril 2020 et portant réintégration, mise en disponibilité ou placement en congé spécial de Mme B... en mentionnant une demande du 13 mai 2020. Toutefois, si ces éléments, complétés par le courrier du maire de la commune adressé au centre de gestion de la Haute-Loire du 18 mai 2020 l'informant de la nouvelle situation administrative de Mme B..., pourraient démontrer que l'arrêté aurait pu être édicté entre le 13 et le 18 mai 2020 et non le 15 avril 2020, il n'est pas permis d'en déduire la date exacte à laquelle l'arrêté portant octroi d'un congé spécial aurait pu être édicté. Ce constat d'huissier ne permet ainsi pas de démontrer l'intention de Mme B... d'obtenir l'arrêté édicté le 15 avril 2020 en usant de manœuvres frauduleuses pour contourner l'incompétence du maire sortant à compter du 18 mai 2020. Par suite, et alors que le tribunal a suffisamment répondu à cette demande de substitution de motifs également soulevée devant lui au point 5 de son jugement, la commune n'est pas fondée à solliciter à nouveau en appel une telle substitution de motifs.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vals-près-le-Puy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 28 juillet 2020 ainsi que, par voie de conséquence, celui du 3 décembre 2021 édictés par son maire.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à la commune de Vals-près-le-Puy une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vals-près-le-Puy une somme de 2 500 euros à verser à Mme B... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Vals-près-le-Puy est rejetée.
Article 2 : La commune de Vals-près-le-Puy versera une somme de 2 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vals-près-le-Puy et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ;
Mme Emilie Felmy, président assesseure ;
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 23LY00247