Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 2106389 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 janvier et 12 juillet 2023, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Jean-Pierre, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 novembre 2022 susvisé ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les Hospices civils de Lyon soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu une erreur de qualification juridique des faits dans la décision attaquée ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 13 avril 2023, 21 avril 2023 et 24 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Le Foyer de Costil, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon une somme de 3 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les faits mentionnés dans la décision du 2 juin 2021 ne caractérisent pas une insuffisance professionnelle ;
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
- la procédure suivie est entachée d'irrégularité ;
- la décision contestée a été prise en violation des droits de la défense ;
- elle est victime d'une situation de harcèlement moral de la part du chef du service de pneumologie.
Une ordonnance du 12 février 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 11 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Allala pour les Hospices civils de Lyon et celles de Mme B....
Vu la note en délibéré présentée par les Hospices civils de Lyon le 14 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée pour la première fois par les Hospices civils de Lyon sous couvert d'un contrat à durée déterminée, à compter du 2 avril 2013, pour occuper l'emploi de conseiller médical en environnement intérieur dans le cadre d'une convention de financement conclue avec l'Agence régionale de santé auprès du Professeur A... D..., chef du service de pneumologie, au sein du Groupement Hospitalier Nord des Hospices civils de Lyon. Son contrat a été renouvelé, jusqu'à la signature d'un contrat à durée indéterminée prenant effet au 1er mai 2019. Par une décision du 2 juin 2021, le directeur des Hospices civils de Lyon a prononcé le licenciement de Mme B... pour insuffisance professionnelle. Les Hospices civils de Lyon relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 41-2 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. / Il doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant d'au moins cinq jours permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'administration entend fonder sa décision. ".
3. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public contractuel ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises ni qu'elle ait persisté après qu'il a été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de poste de Mme B... que le conseiller en environnement intérieur a, pour mission principale, dans l'analyse de l'environnement des patients atteints de pathologies respiratoires chroniques, de réaliser des audits de l'environnement du patient en identifiant les sources de polluants ou d'allergènes susceptibles de déclencher ou d'aggraver leurs troubles. Cette analyse est réalisée pour l'essentiel au domicile du patient, mais peut aussi avoir lieu en milieu scolaire ou professionnel, et donne lieu à l'élaboration d'un rapport contenant un diagnostic et des recommandations, destiné au praticien chargé du suivi médical et aux institutions en charge du logement et de l'accompagnement social. Ses missions secondaires consistent à réaliser des interventions en termes de prévention, de sensibilisation et de participation à différents travaux ou appels à projets sur l'environnement intérieur.
5. Afin de justifier la décision du 2 juin 2021 portant licenciement de Mme B..., prise après avis favorable émis par la commission consultative paritaire du 27 mai 2021, le directeur général des Hospices civils de Lyon s'est fondé, d'une part, sur l'absence de réalisation des objectifs assignés à savoir que " l'intéressée s'est abstenue de transmettre à son chef de service, les comptes-rendus des visites à domicile réalisées chez les patients depuis 2018 malgré des relances et n'a notamment pas pris soin de saisir ces comptes-rendus sur le logiciel de suivi des patient, qu'elle n'a pas répondu aux demandes de justifications émanant de l'Agence régionale de santé et qu'elle n'utilise pas le badge aux fins de pointage, rendant impossible le contrôle de son temps de travail " et, d'autre part, sur le fait que " le mode de gestion de l'intéressée est incompatible avec les exigences du poste, et ce comportement est de nature à nuire au bon fonctionnement du service ".
6. S'agissant du premier grief tiré de la transmission des comptes-rendus de visite au Professeur D..., il n'est pas contesté par les Hospices civils de Lyon que, par courriel du 10 août 2017 adressé aux membres du service de pneumologie, dont relève Mme B..., ledit professeur a expressément demandé que les comptes-rendus des visites à domicile soient transmis sur support papier au médecin prescripteur par Mme B..., et ne soient saisis dans le logiciel patient par les secrétaires du service qu'une fois validés par le praticien demandeur de cette évaluation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que Mme B... aurait effectivement transmis ces comptes-rendus " papier " au médecin prescripteur et que, comme elle le soutient, le Professeur D... en aurait bloqué les validations. Elle ne conteste pas avoir remis ces comptes-rendus pour l'année 2019 uniquement le 8 janvier 2021 à la directrice des ressources humaines du groupement hospitalier Nord soit le jour de l'entretien préalable à son licenciement et n'avoir jamais communiqué les comptes-rendus établis pour l'année 2018 alors que le Professeur D... s'en était plaint par courriel du 30 octobre 2019 et par courrier du 20 novembre 2020 adressés à la même directrice. Si ce grief est établi, il n'en va pas de même de celui tiré de ce que Mme B... n'a pas pris soin de saisir ces comptes-rendus sur le logiciel Easily de suivi des patients dès lors que la procédure prescrite par le courriel du 10 août 2017 ne prévoyait pas que l'intéressée saisisse elle-même ces comptes-rendus dans le logiciel dédié.
7. Il ressort en outre des pièces versées que lors d'une réunion qui s'est tenue dans les locaux de l'Agence régionale de santé (ARS) en présence de la requérante et du Professeur D... le 6 février 2020, Mme B... a présenté un bilan d'activité pour lequel les services de l'ARS ont demandé des précisions s'agissant du détail de l'activité de l'intéressée au plus tard le 17 février 2020. Il est constant que cette dernière n'y a pas répondu et que l'ARS a adressé un premier courrier aux Hospices civils de Lyon le 3 mars 2020 et un second courrier le 8 juillet 2020 en arguant de ne pas pouvoir réaliser le suivi de l'action dont elle assure le financement en l'absence d'information sur le retour des visites effectuées par Mme B... auprès des patients. Si Mme B... soutient n'avoir été informée de ce courrier qu'au mois d'août 2020, et s'être fait voler des documents dans son bureau durant la période du confinement en raison de la pandémie de covid-19, ces éléments ne sont pas démontrés. Par suite, la matérialité de ce grief retenu dans la décision en litige est également établie.
8. Il n'est pas sérieusement contesté par Mme B... l'absence d'utilisation du badge aux fins de pointage ce qui a rendu impossible le contrôle de son temps de travail. A ce titre, plusieurs courriers produits au dossier, notamment des 27 janvier 2020 et 29 avril 2020 de la directrice des ressources humaines à Mme B..., démontrent qu'il lui a été demandé en vain de pointer durant ses heures de présence au sein du service de pneumologie, afin de pouvoir évaluer son temps de travail en dehors des visites à domicile.
9. S'agissant du dernier grief visé dans la décision du 2 juin 2021 tiré du " mode de gestion de l'intéressée " et de son " comportement ", il ressort des écritures des Hospices civils de Lyon que ce motif a trait aux difficultés relationnelles existant entre Mme B... et le Professeur D.... Ces difficultés sont établies par les pièces versées au dossier ainsi que celles entretenues avec les services de l'ARS qui se sont plaints des dysfonctionnements dans le retour des comptes-rendus d'évaluation. La matérialité de ce grief, quoiqu'énoncé de façon peu précise, est dès lors établie.
10. Les motifs énoncés dans la décision de licenciement, dont la matérialité est démontrée, sont ainsi de nature à caractériser l'insuffisance professionnelle de Mme B... dès lors qu'ils se rattachent à l'appréciation générale de sa manière de servir et de son aptitude à accomplir correctement les missions qui lui sont confiées, au-delà de carences ponctuelles, et pour lesquelles elle a été engagée. Dans ces conditions, et alors même que le contenu et la qualité des comptes-rendus établis par Mme B... ne sont notamment pas contestés, c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision prononçant le licenciement de Mme B... était entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits et l'a annulée pour ce motif.
11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens :
12. Aux termes de l'article 2-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 susvisé : " (...) Les commissions consultatives paritaires comprennent, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants des personnels mentionnés à l'article 1er. Leur composition et leur fonctionnement sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.
14. Mme B... soutient qu'il n'est pas établi que les deux représentants du personnel titulaires absents à la séance de la commission consultative paritaire qui s'est tenue le 27 mai 2021 ainsi que leurs deux suppléants ont régulièrement été convoqués à la séance de la commission. Il ressort des pièces versées à ce titre par les Hospices civils de Lyon que les représentants du personnel ont été convoqués par courrier postal daté du 10 mai 2021. Toutefois, ce courrier vise indistinctement les membres titulaires et suppléants de la commission et il n'est produit aucun bordereau attestant de l'information donnée par les titulaires concernant leur éventuelle absence à la séance de la commission. Les Hospices civils de Lyon ne font d'ailleurs pas valoir qu'ils auraient été informés de leur absence. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas démontré que les représentants du personnel suppléants devaient être convoqués en l'absence des représentants titulaires, la convocation des membres du personnel est irrégulière. Cette irrégularité a privé Mme B... d'une garantie. Par suite, elle est fondée pour ce motif à demander l'annulation de la décision en litige.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les Hospices civils de Lyon ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision édictée le 2 juin 2021 prononçant le licenciement de Mme B... pour insuffisance professionnelle.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B... qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse aux Hospices Civils de Lyon une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon une somme de 2 500 euros à verser à Mme B... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des Hospices Civils de Lyon est rejetée.
Article 2 : Les Hospices Civils de Lyon verseront une somme de 2 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices Civils de Lyon et à Mme C... B....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ;
Mme Emilie Felmy, président assesseure ;
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves TallecLa greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 23LY00020