Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le maire de Ferney-Voltaire a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la démission d'office de Mme B... A... de son mandat de conseillère municipale de Ferney-Voltaire.
Par jugement n° 2407014 du 26 juillet 2024, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 août 2024, Mme A..., représentée par Me Mladenova, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par le maire de Ferney-Voltaire ;
2°) de mettre à la charge du maire de Ferney-Voltaire la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a méconnu le principe du contradictoire, en raison de l'absence de communication régulière de la procédure ;
- au fond, son refus n'est pas caractérisé dès lors que n'ayant plus d'adresse postale stable, elle devait être jointe sur son adresse mail personnelle, ce que le maire s'est abstenu de faire ;
- elle a été privée, de manière déloyale, de la possibilité de justifier d'un motif légitime l'empêchant d'accomplir ses fonctions d'assesseure ;
- elle établit avoir été dans l'impossibilité de remplir ses fonctions pour motif professionnel, pour les trois scrutins en cause.
Par mémoire enregistré le 10 octobre 2024, le ministre de l'intérieur indique s'en remettre à la sagesse de la cour.
Par mémoire enregistré le 8 novembre 2024, le maire de Ferney-Voltaire, représenté par Me Magnaval, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de déclarer que la démission de Mme A... est exécutoire d'office ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 952 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard ;
- les conclusions de Mme C... ;
- les observations de Mme A..., et celles de Me Reis pour le maire de Ferney-Voltaire.
Considérant ce qui suit :
1. Le tribunal administratif de Lyon a, sur demande du maire de la commune de Ferney-Voltaire, déclaré Mme A... démissionnaire d'office du conseil municipal de cette commune au motif qu'elle avait refusé, sans excuse valable, de remplir les fonctions d'assesseur d'un bureau de vote de la commune pour le scrutin des élections européennes et législatives des 9 juin 2024, 30 juin 2024 et 7 juillet 2024. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ".
3. Il ressort du dossier de première instance que la requête du maire de Ferney-Voltaire a été communiquée par le greffe du tribunal administratif de Lyon à Mme A..., d'abord, par pli recommandé envoyé à l'adresse postale de l'intéressée qui lui avait été indiquée dans sa requête par le maire, puis, ce pli ayant été retourné au tribunal avec la mention " N'habite pas l'adresse indiquée ", par la voie administrative en application de l'article R. 611-4 du code de justice administrative, et, enfin, cette notification par voie administrative ayant échoué, par envoi via l'adresse de messagerie électronique personnelle que la requérante avait elle-même déclarée aux services de la police municipale. Dans de telles conditions, compte tenu des diligences ainsi accomplies par le greffe du tribunal, et eu égard aux contraintes liées à l'urgence résultant du délai de jugement d'un mois imposé par l'article R. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient statué à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif / Le refus résulte (...) de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation (...) ". Aux termes de l'article R. 2121-5 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 2121-5, la démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif./ Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 saisit dans le délai d'un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. / Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. (...) ".
5. D'autre part, lorsqu'en vertu de l'article R. 44 du code électoral, des conseillers municipaux sont désignés par le maire comme assesseurs de bureau de vote, une telle fonction est au nombre de celles qui leur sont dévolues par les lois au sens de l'article L. 2121-5 précité du code général des collectivités territoriales et doit être remplie sous la sanction de la démission d'office.
6. Pour déclarer Mme A... démissionnaire d'office de son mandat, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la circonstance que cette dernière n'avait pas donné suite aux demandes du maire de la commune de Ferney-Voltaire tendant à ce qu'elle siège en qualité d'assesseure dans un bureau de vote et qu'elle n'avait donné aucun motif valable pour excuser son absence.
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour chacun des trois scrutins des 9 juin 2024, 30 juin 2024 et 7 juillet 2024, Mme A... a reçu de la commune de Ferney-Voltaire, à l'adresse de messagerie électronique B....A...@ferney-voltaire.fr créée par la commune pour communiquer avec elle en sa qualité de membre du conseil municipal, des courriels, datés des 13 mai 2024, 30 mai 2024 et 12 juin 2024, lui demandant d'assurer les fonctions d'assesseure d'un bureau de vote et l'avertissant expressément des conséquences auxquelles un refus l'exposait. Dès lors qu'ils lui ont été envoyés via son adresse électronique d'élue municipale, les courriels en cause ont valablement informé l'intéressée de ses obligations, alors que Mme A... n'expose pas le motif pour lequel elle aurait négligé de se procurer le code d'accès à cette messagerie et qu'elle n'établit ni que cette adresse de messagerie électronique ne fonctionnait pas, ni que la commune aurait habituellement communiqué avec elle via son adresse de messagerie électronique personnelle.
8. Mme A... a également été rendue destinataire d'une lettre de relance, datée du 20 juin 2024, envoyée par pli recommandé avec accusé de réception à l'adresse qu'elle avait communiquée à la commune et retournée avec la mention " Destinataire inconnu à l'adresse ". Cette lettre de relance, envoyée à la seule adresse postale dont Mme A... avait informé la commune de Ferney-Voltaire, doit être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée, alors même que l'intéressée aurait, depuis lors, déménagé, dès lors qu'elle n'établit pas avoir informé la commune de sa nouvelle adresse.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son absence aux opérations de scrutin des élections européennes et législatives des 9 juin 2024, 30 juin 2024 et 7 juillet 2024 ne peut être regardée comme révélatrice d'une abstention persistante de sa part d'assurer des fonctions d'assesseure après avertissement.
10. En second lieu, Mme A... justifie son refus de participer à la tenue d'un bureau de vote de la commune en invoquant des contraintes professionnelles. Toutefois, l'ordre de mission établi, le 3 janvier 2024, par la société Astore développement, s'il lui attribue une étude de marché du 10 juin au 10 juillet 2024 et du 20 au 31 juillet 2024 pour une implantation hôtelière à Barcelone, ne précise pas que sa présence serait requise dans cette ville au cours de toute cette période ni qu'elle ne pourrait, le cas échéant, se libérer les fins de semaine. Dès lors, les sujétions liées à l'accomplissement de cette mission ne sauraient être regardées comme une excuse valable au sens des dispositions citées au point 4.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale de Ferney-Voltaire. Les conclusions de sa requête, présentées à cette fin, doivent être rejetées.
Sur les conclusions du maire de Ferney-Voltaire tendant à ce que la cour déclare le jugement exécutoire :
12. Au titre de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Il s'ensuit que les conclusions du maire de Ferney-Voltaire tendant à ce que la cour déclare que le jugement attaqué est exécutoire d'office sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du maire de Ferney-Voltaire, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le maire de Ferney-Voltaire au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du maire de Ferney-Voltaire sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au maire de Ferney-Voltaire.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
M. Savouré, premier conseiller,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La présidente-rapporteure,
A. Evrard
L'assesseur le plus ancien,
B. Savouré
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY02384