Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2302483 du 10 août 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 avril 2024, M. A..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté contesté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous quarante-huit heures, le tout sous astreinte journalière de 200 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser directement à son conseil, sous réserve, dans ce dernier cas, que ce dernier renonce à la part contributive de l'État.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir respecté le principe de présomption de minorité, d'avoir répondu au moyen tiré de l'absence de caractère substantiel des irrégularités relevées par le service de la fraude documentaire et d'avoir retenu son absence de liens avec sa famille restée au Mali et d'atteinte à sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté attaqué est entaché de l'incompétence de son signataire ;
- il méconnaît le délai raisonnable d'examen d'une demande de titre de séjour ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'établit pas qu'il a fraudé sur son âge ; le doute sur sa minorité doit lui profiter ;
- son droit à une vie privée et familiale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui s'exerce désormais en France, a été méconnu ; le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de l'illégalité du refus de titre de séjour et des mêmes vices que le refus de titre de séjour ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français et la décision désignant le pays de destination sont entachées de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elles méconnaissent son droit à une vie privée et familiale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Picard, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 2 septembre 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le tribunal, au point 8 du jugement attaqué, a répondu au moyen tiré de l'absence de caractère substantiel des irrégularités relevées par le service de la fraude documentaire. Aucune irrégularité ne saurait être retenue à cet égard.
3. En second lieu, en soutenant que le tribunal aurait méconnu le principe de présomption de minorité et retenu à tort qu'il avait maintenu des liens avec sa famille restée au Mali comme l'absence d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, M. A... met en cause le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'incompétence, y compris en ce qu'il oblige l'intéressé à quitter le territoire français, méconnaîtrait le délai raisonnable d'examen de la demande de titre de séjour, violerait, dans les différentes décisions le constituant, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal.
5. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) " Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code, " la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
8. A l'appui de sa demande de titre de séjour, et pour justifier qu'il est né le 15 mai 2003, M. A... s'est prévalu de plusieurs documents relatifs à son état civil, et plus particulièrement un jugement supplétif du tribunal civil de Kayes du 23 novembre 2020 et la copie de l'acte de naissance, certifiée conforme par le consul général du Mali le 27 septembre 2022. Pour remettre en cause la force probante de ces documents, le préfet de l'Isère s'est fondé sur le rapport établi le 30 septembre 2021 par la direction zonale de la police aux frontières et l'avis " très défavorable " qu'elle a émis. Cette dernière a retenu que le jugement supplétif ne comporte pas le nom du greffier en chef et que la copie de l'acte de naissance est imprimé au toner, et non en offset, qu'elle ne précise pas le numéro d'identification nationale (NINA) attribué à la naissance (ou à l'adoption), que le numéro de série du feuillet présent sur l'extrémité du bord en haut du support n'est techniquement pas conforme, étant appliqué au moyen d'un tampon numérateur souple, ce qui ne correspond pas à un numéro typographié, une caractéristique de sécurité documentaire spécifique, que le numéro de registre accompagnant le numéro d'acte de naissance comme la qualité de l'officier de l'état civil faisaient défaut et que le jugement supplétif était mentionné au recto, et non au verso comme le prévoit l'arrêté ministériel du 26 février 2016. M. A... soutient que le numéro NINA n'a été introduit qu'à compter de 2006, lors de l'entrée en vigueur de la loi malienne n° 06-040 du 11 août 2006 portant institution du numéro d'identification nationale des personnes physiques et morales, soit postérieurement à sa naissance et que son absence relevée par l'administration résulte de la procédure courante au Mali. Toutefois, et alors que l'intervention d'un jugement supplétif d'acte de naissance postule normalement le défaut de déclaration par les parents de la naissance de leur enfant dans le délai légal requis ou la perte des documents d'état civil, rien ne permet sérieusement de justifier ici l'absence de ce numéro pour les actes ci-dessus, plus spécialement la copie de l'acte de naissance, postérieurs de plusieurs années à l'entrée en vigueur de la loi du 11 août 2006, dont l'article 5 prévoit que le NINA est " attribué à la naissance " et qu'il " est inscrit en marge de l'acte de naissance " et dont l'article 7 prescrit également qu'il " est inscrit (...) sur les actes d'Etat-civil ". M. A... ne conteste pas sérieusement les autres insuffisances affectant ces documents, relevées par ailleurs par l'administration, la carte d'identité consulaire délivrée le 20 avril 2021 dont il se prévaut, principalement destinée aux démarches administratives auprès du pays d'origine, ne disposant en tant que telle d'aucune force probante. Si le passeport valable pour la période décembre 2023/2028 et la copie dite " littérale d'acte de naissance " du 23 novembre 2023 produits par M. A... mentionnent chacun l'âge qu'il prétend posséder et un numéro NINA, ces documents, au vu de ce qui a été dit précédemment, ne sauraient suffire à garantir sérieusement la valeur probante des documents d'état civil dont s'est prévalu l'intéressé à l'appui de sa demande de titre. Dans ces circonstances, et alors même que sa minorité n'a pas été remise en cause au moment de son placement, le préfet de l'Isère a pu légalement renverser la présomption dont bénéficiait M. A... et estimer qu'il n'établissait pas être dans sa dix-huitième année à la date du dépôt de sa demande de titre le 23 avril 2021. Par suite, et même en admettant que M. A... aurait rempli les autres conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et même s'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, c'est sans méconnaitre ces prescriptions que le préfet s'est fondé sur l'âge de l'intéressé pour lui opposer le refus de séjour contesté.
9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnaîtrait l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, doit être écarté comme inopérant.
10. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que l'illégalité du refus de titre de séjour entacherait d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français, de ce que l'illégalité de ces deux dernières décisions rendrait illégale la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et de ce que l'illégalité de ces trois dernières décisions rendrait illégale la décision fixant le pays de destination doivent, compte tenu de ce qui précède, être écartés.
11. Dès lors M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le président, rapporteur,
V-M. Picard
La présidente assesseure,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01106
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