Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2301881 du 22 décembre 2023, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 2 février 2024, M. A..., représenté par la AARPI Ad'vocare, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 21 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois et après remise d'une autorisation provisoire de séjour sous quarante-huit heures ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas visé la communication par le préfet de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration et ne l'a pas davantage mentionné dans les motifs de son jugement ;
- il est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu à sa demande de communication de l'entier rapport médical au vu duquel ce collège s'est prononcé ;
- il est entaché d'une omission à statuer ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le refus de séjour est entaché d'un vice de procédure en ce que le préfet a ignoré son courrier du 26 octobre 2022 faisant état de l'aggravation de son état de santé ;
- il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ait été précédé d'un rapport médical, dont l'identité et la spécialité de l'auteur ne sont pas précisées ;
- cette décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne repose pas sur un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller,
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 21 juin 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet du Puy-de-Dôme s'est approprié le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 11 avril 2022, selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet avis, qui est intervenu plus d'un an avant l'arrêté attaqué, se fondait sur les éléments connus à la date à laquelle il a été pris. Depuis lors, l'adénocarcinome de la prostate dont M. A... faisait état s'est aggravé. Il a en outre entamé un suivi psychiatrique le 11 novembre 2022 pour un syndrome anxiodépressif au centre hospitalier Sainte-Marie de Clermont-Ferrand. Il ressort du certificat médical établi par le Dr B..., psychiatre au sein de cet hôpital, qu'un arrêt de son traitement ou un retour dans son pays d'origine auraient des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, l'avis du collège des médecins de l'OFII ne permet pas, dans les circonstances de l'espèce, de s'assurer que l'état de santé de M. A... ne justifiait pas, à la date de l'arrêté litigieux l'octroi d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
6. Eu égard au motif d'annulation exposé au point 4, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, que le préfet du Puy-de-Dôme procède à un nouvel examen de la demande de M. A..., après une nouvelle saisine du collège des médecins de l'OFII, dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. Conformément à l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu également d'enjoindre au préfet de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours. Dans les circonstances de l'espèce, Il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Bourg, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 décembre 2023 et l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 21 juin 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A..., dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la même date.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bourg, avocate de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
- Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
- M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00210