Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le rectorat de l'académie de Grenoble à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis à titre principal des faits de harcèlement moral dont il a été victime, à titre subsidiaire, en raison de la faute du proviseur dans la survenance de l'accident de service dont il a été victime le 30 janvier 2020 et, à titre plus subsidiaire, de la faute de l'administration qui a pris à son encontre une sanction déguisée.
Par un jugement n° 212578 du 16 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juillet 2023, 16 février et 29 avril 2024, ce dernier non communiqué, M. D..., représenté par Me Da Costa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi, à titre principal, du fait des agissements de harcèlement moral dont il a été victime ou, à titre subsidiaire, en raison de l'illégalité de certaines décisions prises ou attitudes fautives tenues à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur sa demande formulée à titre subsidiaire sur l'indemnisation du préjudice résultant de son accident de service ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dont le jugement est entaché d'erreurs de fait, il est fondé à obtenir réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet de la part de M. B... et de M. C... ;
- il est fondé à titre subsidiaire à être indemnisé des préjudices consécutifs à son accident de service du 30 janvier 2020 ; si son préjudice financier a été réparé en cours de procédure, il est en droit de solliciter réparation de son préjudice moral qui peut être évalué à la somme de 5 000 euros ;
- il est fondé à titre infiniment subsidiaire à obtenir réparation à raison de la sanction disciplinaire déguisée prise à son encontre ; il s'est en effet vu retirer les enseignements en classe de BTS alors que des alternatives avaient été proposées ; il n'a pas été rétabli l'année suivante dans cet enseignement en BTS ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'attribution de frais d'instance alors que le rectorat a fait droit, en cours d'instance, à sa demande de réparation de son préjudice financier.
Par des mémoires enregistrés les 2 novembre 2023 et 15 mars 2024, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par un courrier en date du 27 septembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré du caractère nouveau des conclusions présentées par M. D... tendant à ce que l'État l'indemnise en raison de l'illégalité de certaines décisions prises ou attitudes fautives tenues à son encontre en tant qu'elles visent d'autres fautes que celles dont il s'est prévalu en première instance, à savoir la faute du proviseur dans la survenance de l'accident de service dont il a été victime et l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée.
M. D... a présenté le 30 septembre 2024 des observations sur ce courrier qui ont été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Da Costa, pour M. D... ;
Une note en délibéré a été présentée pour M. D... le 7 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., professeur certifié en " hôtellerie et restauration option production et ingénierie culinaire " au lycée hôtelier de Thonon-les-Bains depuis 1999, a demandé au tribunal administratif de Grenoble, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'État à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis, à titre principal, à raison du harcèlement moral dont il dit avoir fait l'objet, à titre subsidiaire, de la faute du proviseur dans la survenance de l'accident de service dont il a été victime et, à titre infiniment subsidiaire, du fait d'une sanction disciplinaire déguisée. Par un jugement du 16 juin 2023 dont M. D... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. /Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas le montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 222-14 du même code : " Les dispositions du 10° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ". Enfin, aux termes de l'article R. 222-15 du même code : " Ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance. Les demandes d'intérêts et celles qui sont présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 sont sans effet sur la détermination de ce montant. ".
3. Le recours juridictionnel exercé par M. D..., qui tendait initialement à ce que l'État lui verse une somme de 9 358,59 euros en raison des préjudices qu'il a subis, entre dans la catégorie des litiges indemnitaires dont le montant n'excède pas 10 000 euros pour lesquels, en application des dispositions du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en résulte que la requête de M. D..., qui présente le caractère d'un pourvoi en cassation, ressortit à la seule compétence du Conseil d'État et ce, alors même que le tribunal a indiqué par erreur dans le courrier de notification du jugement que celui-ci était susceptible d'appel devant la cour.
4. Toutefois, d'une part, aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'État, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'État qui poursuit l'instruction de l'affaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 351-4 du même code : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'État relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'État, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". L'article R. 421-5 du même code prévoit que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". L'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code, aux termes desquelles : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que : " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ". Enfin, l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
6. Il résulte de l'instruction que la demande indemnitaire préalable de M. D... datée du 6 novembre 2020 a été reçue par l'administration le 16 novembre suivant. A défaut de réponse intervenue dans un délai de deux mois, cette demande a été implicitement rejetée le 16 janvier 2021. Par application des règles rappelées ci-dessus, et alors même que l'administration n'avait pas accusé réception de la demande du requérant, agent de l'État, cette décision ne pouvait être contestée que jusqu'au 17 mars 2021. Lorsque M. D... a saisi le 22 avril 2021 le tribunal administratif de sa demande indemnitaire, le délai de recours contentieux était expiré, ainsi que l'avait fait valoir l'administration en défense devant le tribunal.
7. Dans ces conditions, la demande de première instance de M. D... étant manifestement irrecevable, il y a lieu pour la cour de rejeter la requête de l'intéressé en application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, sans renvoi de celle-ci au Conseil d'État, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02519
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