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21/11/2024 | FRANCE | N°22LY02381

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 21 novembre 2024, 22LY02381


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

L'association Pour la rivière Joyeuse, M. K... G..., M. C... H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, M. E... D..., M. B... A... et M. I... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté des 21 et 26 décembre 2018 par lequel les préfets de la Drôme et de l'Isère ont déclaré d'utilité publique pour le compte de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo (CAVRA) le projet d'aménagement contre les crues et de restauration physique de la rivi

re La Joyeuse.



Par jugement n° 1901330 du 14 juin 2022, le tribunal a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Pour la rivière Joyeuse, M. K... G..., M. C... H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, M. E... D..., M. B... A... et M. I... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté des 21 et 26 décembre 2018 par lequel les préfets de la Drôme et de l'Isère ont déclaré d'utilité publique pour le compte de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo (CAVRA) le projet d'aménagement contre les crues et de restauration physique de la rivière La Joyeuse.

Par jugement n° 1901330 du 14 juin 2022, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 16 janvier 2024, l'association Pour la rivière Joyeuse, M. G..., M. H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, M. J..., le groupement foncier agricole L..., M. A... et M. F..., représentés par Me Blanc, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'appréciation sommaire des dépenses est insuffisante s'agissant des acquisitions foncières, des travaux réalisés avant la déclaration d'utilité publique et des prestations de maîtrise d'œuvre ;

- l'étude d'impact est insuffisante quant à l'analyse de l'état initial du site et quant aux mesures dites ERC (éviter, réduire, compenser) ;

- l'arrêté en litige se fonde sur une déclaration de projet illégale ;

- il est incompatible avec l'orientation 6B-04 du SDAGE Rhône-Méditerranée 2016-2021, dès lors que les mesures ECR visant à atténuer l'impact des atteintes portées aux zones humides sont insuffisantes.

Par mémoire enregistré le 26 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'appréciation sommaire des dépenses est suffisante, alors même que certaines dépenses de moindre importance ont été omises ;

- l'étude d'impact n'est pas insuffisante ;

- l'exception d'illégalité de la déclaration de projet doit être écartée ;

- l'arrêté en litige est compatible avec l'orientation 6B-04 du SDAGE Rhône-Méditerranée 2016-2021.

Par mémoire enregistré le 24 octobre 2024, la CAVRA, représentée par Me Saban, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association Pour la rivière Joyeuse, de MM. G... et H..., du groupement foncier agricole de la Commanderie, de M. J..., du groupement foncier agricole L... et de MM. A... et F... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appréciation sommaire des dépenses est suffisante ;

- l'étude d'impact n'est pas insuffisante ;

- l'exception d'illégalité de la déclaration de projet doit être écartée ;

- l'arrêté en litige est compatible avec l'orientation 6B-04 du SDAGE Rhône-Méditerranée 2016-2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de Mme Psilakis, rapporteure publique,

- les observations de Me Roche pour l'association Pour la rivière Joyeuse, MM. G... et H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, M. J..., le groupement foncier agricole L..., MM. A... et F..., et celles de Me Cohendy pour la CAVRA.

Et avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la CAVRA, enregistrée le 8 novembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Pour la rivière Joyeuse, MM. G... et H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, MM. D..., A... et F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté des 21 et 26 décembre 2018 par lequel les préfets de la Drôme et de l'Isère ont déclaré d'utilité publique pour le compte de la CAVRA le projet d'aménagement contre les crues et de restauration physique de la rivière La Joyeuse. Ils relèvent appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la légalité de l'arrêté :

2. En vertu de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, auquel renvoie l'article L. 110-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour les déclarations d'utilité publique d'opérations susceptibles d'affecter l'environnement, le dossier soumis à enquête publique comprend, lorsqu'ils sont requis, l'étude d'impact et son résumé non technique. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux (...) ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement (...) II. - (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : 1° Un résumé non technique des informations prévues ci-dessous (...) 2° Une description du projet (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet (...) ". Cette dernière disposition prévoit que l'évaluation environnementale porte, notamment sur la biodiversité du milieu affecté par le projet.

3. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. Si l'étude d'impact réalisée préalablement à l'adoption de l'arrêté en litige fait état, dans sa partie consacrée à l'état initial de l'environnement, de la présence, révélée lors d'inventaires effectués en 2013 et 2014, de plusieurs espèces floristiques, faunistiques et avi-faunistiques protégées dans les trois zones humides recensées de la source L..., de Groubat et des Guilhomonts, elle omet, en revanche, de mentionner la présence de cinq espèces protégées, à savoir trois espèces d'amphibiens, la rainette méridionale, le crapaud calamite et le triton alpestre, une espèce de reptile, la couleuvre d'Esculape, et une espèce de mammifère, la loutre d'Europe dont la présence a été attestée au printemps 2018, soit antérieurement à l'adoption de l'arrêté, dans la ripisylve L... aval, zone non traitée dans l'étude d'impact à l'exception d'un addendum de 2018 mentionnant uniquement l'existence d'une zone humide sans inventaire complémentaire des espèces présentes. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude intitulée " Diagnostic de trois zones humides L... : Bois de Groubat, les Guilhomonts, Joyeuse aval " réalisée en 2020 par le GERECO à la demande de la CAVRA à partir d'éléments relevés en 2017 et 2018, que, parmi ces espèces non répertoriées dans l'étude d'impact, deux espèces, le triton alpestre et la loutre d'Europe, présentent un intérêt patrimonial fort.

5. Compte tenu de l'intérêt de ces espèces protégées, de leur vulnérabilité et de la nature du projet envisagé, qui, même s'il a pour objet, à terme, la restauration du lit mineur L..., conduit à intervenir sur les milieux naturels hébergeant ces espèces et à réaliser des travaux susceptibles de détruire, pour partie, leur habitat, l'absence de recensement de ces espèces, dans la description de l'état initial du site, a nécessairement eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, en méconnaissance des exigences de l'article R. 122-5 précité du code de l'environnement. Par ailleurs, ces espèces n'ayant pas été recensées dans l'étude d'impact et son addendum, aucune mesure d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs du projet n'a été envisagée pour assurer la sauvegarde des populations concernées par le réaménagement des berges. Par suite, l'insuffisance de l'étude d'impact a également été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative par l'absence de toute prescription afférente à ces espèces. Eu égard à la nature et à l'incidence de la lacune relevée sur les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation que la présence des espèces protégées nécessite, imposant, non la réalisation d'un simple complément au dossier d'enquête, mais la révision de l'étude d'impact et l'organisation d'une nouvelle consultation du public, dont aucun élément ne permet de préjuger l'issue, une mesure de régularisation du vice relevé ne saurait être envisagée. Il s'ensuit que les requérants sont fondés à soutenir que les insuffisances de l'étude d'impact relatives à l'état initial de l'environnement et à la méconnaissance du principe de prévention entachent d'illégalité l'arrêté en litige et sont de nature à justifier son annulation.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'association Pour la rivière Joyeuse, MM. G... et H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, MM. A..., F... et J... et le groupement foncier agricole L... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande et que l'arrêté des 21 et 26 décembre 2018 par lequel les préfets de la Drôme et de l'Isère ont déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement contre les crues et de restauration physique L... doit être annulé.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la CAVRA, partie perdante, doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association Pour la rivière Joyeuse, MM. G... et H..., le groupement foncier agricole de la Commanderie, MM. A..., F... et J... et le groupement foncier agricole L... ensemble, la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté des 21 et 26 décembre 2018 par lequel les préfets de la Drôme et de l'Isère ont déclaré d'utilité publique pour le compte de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo le projet d'aménagement contre les crues et de restauration physique de la rivière La Joyeuse et le jugement n° 1901330 du tribunal administratif de Grenoble du 14 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'association Pour la rivière Joyeuse, M. G..., M. H..., au groupement foncier agricole de la Commanderie, M. A..., M. F..., M. J... et au groupement foncier agricole L..., ensemble, la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Pour la rivière Joyeuse, représentant unique, au titre des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02381
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles générales de la procédure normale. - Enquêtes. - Enquête préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : FAYOL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;22ly02381 ?
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