Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 mars 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Forez a refusé de lui verser la prime exceptionnelle instituée par le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020.
Par un jugement n° 2104424 du 23 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 30 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Cavrois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 janvier 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 30 mars 2021 du directeur du centre hospitalier du Forez ;
3°) à titre principal de condamner le centre hospitalier à lui verser ladite prime, à hauteur de 1 500 euros, à titre subsidiaire la somme de 750 euros, dans le délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Forez une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire en défense n'est pas assorti de pièces jointes et d'inventaire détaillé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ;
- elle entre dans les conditions d'attribution de la prime, fixées par le décret du 12 juin 2020 et sa situation ne relève pas du décret du 14 mai 2020 ;
- la circonstance qu'elle ait été en congé pour des études promotionnelles sur une partie de la période concernée ne permet pas de la considérer comme " absente " au sens du décret du 12 juin 2020, et à l'exclure du bénéfice de la prime pour ce motif ;
- pour la période allant du 16 au 24 mars 2020, elle était en stage et donc en service effectif au sein de l'établissement, elle a par suite droit à la prime diminuée de 50 % de son montant.
Par un mémoire en intervention enregistré le 4 septembre 2024, le Syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de la Loire, représenté par Me Cavrois, demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête.
Il soutient qu'il est recevable et fondé à s'associer aux conclusions de la requérante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, le centre hospitalier du Forez, représenté par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'injonction tendant au versement de la prime ou d'une partie de son montant sont irrecevables ;
- il y a lieu de substituer le décret du 12 juin 2020 comme base légale de la décision attaquée ;
- les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 ;
- le décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-711 du 12 juin 2020 ;
- l'arrêté du 23 novembre 2009 fixant la liste des diplômes et certificats du secteur sanitaire et social acquis en fin d'études promotionnelles par les agents des établissements énumérés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- les observations de Me Guérin, représentant Mme A... et le syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de la Loire, et les observations de Me Freger Kneppert, représentant le centre hospitalier du Forez.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., agent des services hospitaliers titulaire initialement affectée à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Panissières (Loire) dépendant du centre hospitalier du Forez, a débuté une formation au mois de septembre 2019 à l'Institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier en vue de l'obtention du diplôme d'aide-soignante, dans le cadre d'études promotionnelles. A compter du 25 mars 2020, elle a été réquisitionnée en qualité d'agent des services hospitaliers au sein de l'EHPAD de Panissières dans le contexte de l'épidémie de covid-19. Par courrier du 15 février 2021, elle a demandé l'attribution de la prime exceptionnelle instituée par les dispositions des décrets des 14 mai et 12 juin 2020. Le directeur du centre hospitalier du Forez lui a refusé le bénéfice de cette prime par une décision du 30 mars 2021. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur l'intervention du syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de la Loire :
2. Eu égard à la qualité de la requérante et à la nature de sa demande, le syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de la Loire justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la demande de Mme A.... Par suite, son intervention doit être admise.
Sur la recevabilité du mémoire en défense :
3. Le mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier du Forez ne comprend aucune pièce jointe. Par suite, Mme A... ne peut utilement opposer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la substitution de base légale demandée :
4. Aux termes du II de l'article 11 de la loi susvisée du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 : " Les bénéficiaires, les conditions d'attribution et de versement de la prime exceptionnelle mentionnée au présent article ainsi que son montant sont déterminés dans des conditions fixées par décret, en fonction des contraintes supportées par les agents à raison du contexte d'état d'urgence sanitaire déclaré en application du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique ". Pour l'application de cette disposition législative, le pouvoir réglementaire a prévu, par un décret du 14 mai 2020 modifié par un décret du 8 juin 2020, le versement d'une prime exceptionnelle à l'ensemble des agents publics des établissements publics de santé, des hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du code de la défense et de l'Institution nationale des invalides, et défini les critères d'éligibilité à la prime et les critères permettant de moduler son montant en fonction de l'impact géographique de la crise sanitaire et du temps de présence effective de l'agent au cours d'une période de référence débutant le 1er mars et s'achevant le 30 avril 2020, correspondant à la période la plus aigüe de la crise. Par un décret du 12 juin 2020, il a également prévu que peuvent bénéficier d'une prime exceptionnelle les agents relevant des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique d'Etat et de la fonction publique territoriale, et défini les critères d'éligibilité et ses modalités d'attribution. L'article 1er du décret du 14 mai 2020, dans sa rédaction résultant du décret du 8 juin 2020, précise qu'il n'est pas applicable aux agents publics et personnes exerçant dans les unités de soins de longue durée mentionnées au 2° de l'article R. 6145-12 du code de la santé publique et aux établissements et services accueillant des personnes âgées, mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, rattachés à un établissement public de santé, ces agents relevant du décret du 12 juin 2020.
5. Dès lors qu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui appliqué, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... exerçait ses fonctions dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) au sens des dispositions rappelées au point précédent, et relevait ainsi du décret du 12 juin 2020. Par suite, c'est à tort que pour refuser le versement de la prime exceptionnelle, le centre hospitalier du Forez s'est fondé sur le décret du 14 mai 2020, qui ne lui était pas applicable. Toutefois, dès lors que Mme A... n'a été privée d'aucune garantie pour l'application du décret du 12 juin 2020, il y a lieu de procéder à la substitution de cette base légale explicitement demandée par le centre hospitalier du Forez en défense, aux dispositions du décret du 14 mai 2020.
En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 12 juin 2020 susvisé relatif au versement d'une prime exceptionnelle aux personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l'Etat dans le cadre de l'épidémie de covid-19 : " La prime exceptionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 25 avril 2020 susvisée est versée dans les conditions fixées par le présent décret aux personnels ayant exercé leurs fonctions entre le 1er mars et le 30 avril 2020. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Peuvent bénéficier d'une prime exceptionnelle d'un montant de mille cinq cents euros les agents relevant des établissements et services mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9°, 11°, 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ceux exerçant dans les unités mentionnées au 2° de l'article R. 6145-12 du code de la santé publique et dans ceux des établissements mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles rattachés à un établissement public de santé, dont le lieu d'exercice est situé dans les départements du premier groupe défini en annexe au présent décret. ". Selon l'article 5 du même décret : " I. - Peuvent bénéficier de la prime exceptionnelle dans les conditions prévues par le présent décret les agents publics et les apprentis relevant des dispositions de l'article L. 6211-1 du code du travail, qui ont exercé leurs fonctions de manière effective, y compris en télétravail, pendant la période de référence définie à l'article 1er dans les établissements ou services mentionnés aux articles 2 et 3 du présent décret. (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 6 de ce décret : " Les personnes mentionnées à l'article 5 affectées ou recrutées par les établissements et services mentionnés au même article, qui sont intervenues notamment au titre d'une mise à disposition dans les établissements mentionnés aux 1° et 2° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée pendant la période définie à l'article 1er, peuvent percevoir le montant de la prime exceptionnelle applicable à l'établissement dans lequel l'intervention a eu lieu. Les abattements définis à l'article 7 ne leur sont pas applicables. ". Enfin, aux termes de l'article 7 : " Le montant de la prime exceptionnelle est réduit de moitié en cas d'absence d'au moins quinze jours calendaires pendant la période de référence mentionnée à l'article 1er du présent décret. / Les agents absents plus de 30 jours calendaires au cours de cette même période de référence ne sont pas éligibles au versement de la prime. / L'absence est constituée par tout motif autre que : - le congé de maladie, l'accident de travail, la maladie professionnelle, dès lors que ces trois motifs bénéficient d'une présomption d'imputabilité au virus covid-19 ; - les congés annuels et les congés au titre de la réduction du temps de travail pris au cours de la période mentionnée à l'article 1er. ".
8. En deuxième lieu, l'article 1er du décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière dispose : " La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions ayant pour objet : (...) / 4° De permettre aux agents de suivre des études favorisant la promotion professionnelle, débouchant sur les diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ; ". L'article 8 de ce décret indique : " Les agents qui suivent une formation inscrite au plan de formation de l'établissement bénéficient, pendant leur temps de travail, du maintien de leur rémunération. (...) / Dans les cas prévus aux 3° et 4° de l'article 1er, les agents conservent leur traitement, leur indemnité de résidence et leurs indemnités à caractère familial. ". Selon l'article 9 de ce décret : " Lorsque, à l'issue d'une formation prévue au 4° de l'article 1er, l'agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l'un des certificats ou diplômes lui donnant accès aux corps, grades ou emplois mentionnés par arrêté du ministre chargé de la santé, il est tenu de servir dans un des établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée susvisée pendant une durée égale au triple de celle de la formation, dans la limite de cinq ans maximum à compter de l'obtention de ce certificat ou diplôme. ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 23 novembre 2009 fixant la liste des diplômes et certificats du secteur sanitaire et social acquis en fin d'études promotionnelles : " Les diplômes et certificats du secteur sanitaire et social acquis en fin d'études promotionnelles par les agents relevant des établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée sont les suivants : (...) / Diplôme d'Etat d'aide-soignant (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a suivi une formation pour l'obtention du diplôme d'aide-soignante au sein de l'Institut de formation des soins infirmiers du 1er au 24 mars inclus, le 10 avril, puis du 15 au 20 avril inclus, soit pendant trente-et-un jours calendaires au cours de la période comprise entre le 1er mars et le 30 avril 2020. La période de formation suivie par Mme A..., y compris à distance, quand bien même elle relève d'une période d'activité, n'implique pas, contrairement à ce que la requérante soutient, l'exercice des fonctions de manière effective au sens de l'article 5 du décret du 12 juin 2020, et relève d'une situation d'absence telle que visée à l'article 7. A ce titre, Mme A... ne peut se prévaloir des exceptions prévues à ce même article, excluant certaines situations d'absence de son champ d'application, au sein desquelles ne figure pas la formation.
10. D'autre part, il ressort des pièces produites en appel, notamment du planning élaboré par la requérante et du document portant sur les informations relatives au stage d'aide-soignante initialement prévu du 16 mars au 10 avril 2020, que Mme A... a effectivement exercé les fonctions afférentes à l'emploi d'aide-soignante, pour lequel elle avait engagé ses études promotionnelles, entre les 16 et 19 mars 2020, au sein de l'EHPAD de Saint-Laurent de Chamousset, établissement de droit public rattaché au centre hospitalier éponyme. Toutefois, il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 7 et 8 que durant cette période de stage, Mme A... n'a pas exercé ses fonctions d'aide-soignante au bénéfice de son employeur ni n'a été mise à disposition auprès d'un établissement public de soins au sens de ces mêmes dispositions.
11. Par suite, c'est sans erreur de droit ni d'appréciation que le directeur du centre hospitalier du Forez a estimé que Mme A... ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au versement de tout ou partie de la prime sollicitée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte tendant au versement du montant total ou partiel de la prime susvisée ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier du Forez, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au bénéfice du centre hospitalier au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de la Loire est admise.
Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier du Forez tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au centre hospitalier du Forez et au syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de la Loire.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Florence Bossoutrot
La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01033