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07/11/2024 | FRANCE | N°24LY00278

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 07 novembre 2024, 24LY00278


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 16 septembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a mis fin à sa scolarité en qualité d'élève gardien de la paix pour insuffisance professionnelle.



Par un jugement n° 2200541 du 30 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 2 février 2024, et par un mémoire, non communiq

ué, enregistré le 6 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Cayuela, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 16 septembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a mis fin à sa scolarité en qualité d'élève gardien de la paix pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 2200541 du 30 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 février 2024, et par un mémoire, non communiqué, enregistré le 6 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Cayuela, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de le nommer en qualité de gardien de la paix stagiaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît le droit au procès équitable, dès lors que la décision du jury d'aptitude professionnelle ne lui a pas été notifiée et que les mentions des voies et délais portées sur le procès-verbal de notification de cette décision sont erronées, ce qui ne lui a pas permis d'exercer un recours devant la commission de recours pour faire valoir ses observations ; ces irrégularités entachent la décision d'une " erreur de droit " ;

- le ministre de l'intérieur a commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur l'insuffisance professionnelle, alors que la décision du jury d'aptitude professionnelle se fonde non sur ses résultats mais sur des problèmes de comportement, qui ne sont pas matériellement établis ;

- il a fait l'objet de discriminations au sein de la promotion, par certains de ses supérieurs comme par certains de ses camarades, et son éviction était injustifiée.

Par un mémoire enregistré le 20 mars 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, les moyens soulevés en appel étant strictement identiques à ceux soulevés en première instance ;

- par renvoi aux écritures produites en première instance, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 avril 2024, l'instruction a été close au 6 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère,

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., nommé élève gardien de la paix par arrêté ministériel du 5 octobre 2020, a intégré la 260ème promotion des gardiens de la paix en qualité d'élève. Il a ensuite été autorisé à redoubler sa scolarité au sein de l'école nationale de police de Sens par arrêté du 15 mars 2021. Le jury d'aptitude professionnelle a décidé, par délibération du 8 septembre 2021, qu'il n'était pas apte à être nommé gardien de la paix stagiaire et ne l'a pas admis à redoubler. Par un arrêté du 16 septembre 2021, le ministre de l'intérieur a mis fin à sa scolarité à compter du 10 septembre 2021 pour inaptitude professionnelle. M. B... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Paris. L'affaire a été renvoyée par ordonnance du 17 février 2022 au tribunal administratif de Dijon qui, par un jugement du 30 novembre 2023 dont M. B... relève appel, a rejeté sa demande.

2. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. B... doit être regardé comme contestant, par la voie de l'exception, la légalité de la délibération du 8 septembre 2021 du jury d'aptitude professionnelle.

3. En premier lieu, les délibérations d'un jury d'aptitude professionnelle chargé d'apprécier les mérites des candidats ne refusent pas un avantage dont l'attribution constitue un droit et ne constituent pas non plus une sanction. Dans ces conditions, et quand bien même la délibération du 8 septembre 2021 est fondée sur des faits également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires, elle n'est pas au nombre des décisions devant être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et les administrations. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette délibération doit ainsi être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale : " (...) L'élève gardien de la paix dont le dossier a donné lieu à saisine du jury d'aptitude professionnelle en est avisé au moins une semaine avant que celui-ci ne se réunisse. / Il lui est donné connaissance du ou des motifs ayant fondé la saisine du jury d'aptitude professionnelle. Il est également informé de son droit à obtenir copie du dossier le concernant. / L'élève gardien de la paix est en outre avisé de son droit d'être entendu par le jury d'aptitude professionnelle, assisté de la personne ou du conseil de son choix. / L'ensemble de ces formalités donne lieu à établissement d'un procès-verbal par la structure de formation dont dépend l'élève. / La notification de la décision individuelle du jury d'aptitude professionnelle intervient dans les plus brefs délais, à compter de l'établissement définitif du classement des élèves. Elle est à la charge de la structure de formation dont relève l'élève gardien de la paix concerné. / La décision individuelle du jury d'aptitude peut faire l'objet d'un recours selon les voies de droit commun ".

5. D'une part, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il a été privé du droit d'exercer un recours devant la commission de recours, prévu par l'article 31 de l'arrêté du 18 octobre 2005, depuis abrogé. D'autre part, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit et d'une irrégularité du fait de la non communication de la décision du 8 septembre 2021 et de l'absence de mention des voies et délais de recours doivent être écartés comme inopérants. Au surplus, ce dernier manque en fait, dès lors que le procès-verbal de notification, établi le lendemain de la délibération, en mentionne le sens et indique les voies et délai de recours.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de l'arrêté du 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " L'aptitude professionnelle des élèves en fin de scolarité est appréciée par un jury (...) ". Aux termes de l'article 30 de cet arrêté : " Le jury d'aptitude professionnelle analyse les résultats obtenus dans les différentes épreuves et l'implication professionnelle et personnelle des élèves pendant leur scolarité en vue d'établir leur classement national. / Le jury statue sur : / -le cas des élèves signalés par la commission de suivi définie à l'article 27 ; / -le cas des élèves n'ayant pas obtenu l'évaluation minimale dans l'une des matières fixées par l'arrêté portant notation et classement des élèves gardiens de la paix. / Dans ce cadre, il entend les élèves concernés à leur demande. Cette audition s'effectue conformément aux dispositions de l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale. ". Il résulte de ces dispositions que le jury peut prendre en compte non seulement les résultats obtenus par les élèves mais également leur comportement. Il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury d'aptitude professionnelle sur la capacité des élèves gardiens de la paix à être nommés stagiaires, ni sur la décision du jury de mettre fin à la scolarité d'un élève ou de l'autoriser à redoubler. Il lui appartient en revanche de contrôler la matérialité des faits sur lesquels le jury s'est fondé, et si une atteinte est portée au principe de non-discrimination.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... avait déjà redoublé à la suite de problèmes de comportement lors de son stage de fin de scolarité à l'égard d'une victime, d'un effectif de sécurité publique et d'un médecin aux urgences. Il ressort par ailleurs du rapport du 12 juillet 2021 de l'un de ses formateurs qu'il a obtenu des résultats irréguliers et des notes insuffisantes pour un redoublant, dont quatre notes en dessous de la moyenne, et présenté des lacunes dans la maîtrise de la langue française, avec des difficultés dans la rédaction des procès-verbaux. En outre, l'intéressé a méconnu des règles élémentaires de sécurité lors d'une simulation évaluative, en passant entre un véhicule de police et un véhicule intercepté moteur tournant. Il ressort du bilan de ses savoirs professionnels que M. B... manifestait aussi des problèmes récurrents de comportement, cherchant à s'imposer à ses collègues, auxquels il ne manifestait pas suffisamment de confiance, et adoptant une attitude confinant à l'agressivité. Enfin, il a fait l'objet de poursuites disciplinaires à la suite de propos à connotation sexuelle en présence d'une collègue féminine. Les faits sur lesquels le jury d'aptitude professionnelle s'est fondé n'apparaissent donc pas matériellement inexacts. Enfin, si M. B... prétend qu'il aurait été victime de faits de discrimination de la part de certains supérieurs et camarades de promotion, dont au demeurant il n'établit pas la matérialité, aucun élément n'est apporté qui caractériserait, de la part du jury d'aptitude, la prise en compte d'autres éléments que ceux précités et une atteinte portée au principe de non-discrimination.

8. En dernier lieu, il n'est pas établi, en l'espèce, que le jury d'aptitude professionnelle aurait pris en compte d'autres éléments que ceux, précédemment exposés, relatifs à l'aptitude professionnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Par suite, l'illégalité, invoquée par la voie de l'exception, de la délibération du jury d'aptitude professionnelle ne saurait être retenue.

10. Il résulte des dispositions précitées que la décision appréciant l'aptitude professionnelle des élèves gardiens de la paix à être nommés stagiaires appartient au jury d'aptitude professionnelle. Dès lors, le ministre de l'intérieur, lorsqu'il met fin pour inaptitude professionnelle à la scolarité d'un élève gardien de la paix, se borne, sans porter une quelconque appréciation sur les faits de l'espèce, à tirer les conséquences de la décision prise par le jury d'aptitude professionnelle. Il se trouve ainsi placé en situation de compétence liée pour se prononcer. Aussi, les moyens tirés du défaut de motivation, du non-respect des droits de la défense, du défaut de notification de la décision du jury d'aptitude professionnelle, d'une erreur de droit, de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation sont inopérants à l'encontre de l'arrêté en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure,

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V.-M. Picard

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 24LY00278

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00278
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CAYUELA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;24ly00278 ?
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