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07/11/2024 | FRANCE | N°23LY01791

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 07 novembre 2024, 23LY01791


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCI Everest a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard.



Par un jugement n° 2001196 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a constaté, à hauteur de 1 465 168 euros, un non-lieu à statuer partiel (article 1er), et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).r>


Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 mai 2023, 5 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Everest a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard.

Par un jugement n° 2001196 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a constaté, à hauteur de 1 465 168 euros, un non-lieu à statuer partiel (article 1er), et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 mai 2023, 5 février et 4 mars 2024, la SCI Everest, représentée par Me Isaia, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler, à titre principal, l'article 2 de ce jugement, et à titre subsidiaire, les articles 1er et 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, à titre principal, de la somme de 707 208 euros correspondant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux intérêts de retard, à titre subsidiaire, des intérêts de retard pour un montant de 175 821 euros, et à titre infiniment subsidiaire, de la somme de 2 172 376 euros, ou à défaut, de 1 640 989 euros correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a constaté à tort un non-lieu à statuer partiel en présence d'une compensation ;

- le chalet est affecté à une activité économique tout au long de chaque année civile, dès lors que le bail du 14 août 2013 n'est pas saisonnier mais est un bail commercial annuel ;

- le chalet n'a pas pu être loué en dehors de la période d'hiver par le preneur en raison de circonstances indépendantes de sa volonté ;

- le paragraphe 180 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-50-10 est opposable à l'administration ;

- l'administration ne peut appliquer des intérêts de retard que sur la somme de 474 453 euros demeurant en litige, et non sur la somme de 1 465 168 euros qui a été admise comme déductible par l'administration dans sa décision du 28 février 2020 ; le comptable public a indiqué avoir procédé à un paiement par compensation en prenant en compte le crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été accordé et le restant dû après les rectifications, alors que la compensation est impossible en présence d'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée.

Par des mémoires, enregistrés les 14 novembre 2023 et 26 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 février 2024, la clôture d'instruction, initialement fixée au 1er mars 2024, a été reportée au 18 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Everest, qui avait pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers, a acquis auprès de la SARL P.S. Val un chalet dénommé Panmah, inclus dans un ensemble immobilier touristique comprenant un hôtel de catégorie cinq étoiles dans la station de Courchevel 1850 à Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), pour un prix de 23 millions d'euros incluant les objets mobiliers par un acte du 14 août 2013. Le même jour, elle a conclu avec la SARL P.S. Val un bail saisonnier à périodes portant sur des locaux loués meublés. Le 22 octobre 2013, la SCI Everest a obtenu le remboursement de l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée déductible grevant cette acquisition d'un montant de 3 800 000 euros. La SCI Everest a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2018, à l'issue de laquelle l'administration, ayant relevé que les périodes couvertes par le bail correspondaient à la période d'ouverture hivernale de la station de Courchevel, soit cinq mois par an, a ramené le coefficient d'assujettissement de cette activité à la taxe sur la valeur ajoutée au prorata de la durée d'utilisation de ce bien pour la réalisation d'opérations imposables, soit à 0,42. Elle a, en conséquence, remis en cause partiellement la taxe déduite par la SCI Everest et lui a réclamé les droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondants d'un montant de 1 939 621 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, auxquels ont été appliqués les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts par un avis de mise en recouvrement du 28 juin 2019. La SCI Everest a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de décharge de ces impositions et des intérêts de retard correspondants. Par un jugement du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a constaté, à concurrence de 1 465 168 euros, un non-lieu à statuer partiel sur ses conclusions à la suite d'une décision de l'administration, intervenue en cours d'instance, accordant à la SCI Everest le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté au titre de la période de juin 2019 et rejeté le surplus des conclusions de la société. Celle-ci relève appel de ce jugement et demande, à titre principal, la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard maintenus à sa charge ou de la totalité des intérêts de retard et, à titre subsidiaire, la décharge totale des impositions et intérêts de retard qui lui ont été réclamés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Ainsi qu'il a été dit, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que les conclusions tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont il était saisi étaient devenues sans objet à concurrence du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 1 465 168 euros dont la SCI Everest a obtenu le remboursement en cours d'instance. Il résulte toutefois de l'instruction que la décision prise par l'administration portait sur un crédit de taxe sur la valeur ajoutée non déductible constaté dans une décision déposée au titre de la période de juin 2019 alors que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SCI Everest par l'avis de mise en recouvrement du 28 juin 2019, seul en litige, a été établi au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Dès lors qu'il a trait à une période d'imposition distincte, le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée n'a pas pu avoir d'effet sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée contestés. C'est donc à tort que les premiers juges ont constaté un non-lieu à statuer partiel. Par suite, la SCI Everest est fondée à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier. Il y a lieu de l'annuler en tant qu'il constate ce non-lieu à statuer partiel à concurrence de 1 465 168 euros.

3. Il y a lieu, par suite, d'une part, d'évoquer sur la demande de la SCI Everest en tant qu'elle a fait l'objet d'un non-lieu à statuer, et, d'autre part, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la SCI Everest.

4. Il résulte du point 2 du présent arrêt que les conclusions aux fins de non-lieu à statuer partiel présentées par l'administration devant le tribunal administratif doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de cette annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. (...) ". Aux termes de l'article 207 de la même annexe : " I. - Sous réserve des dispositions qui suivent, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 et 206 est définitivement acquise à l'entreprise. II. - 1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans, dont celle au cours de laquelle ils ont été acquis, importés, achevés, utilisés pour la première fois ou transférés entre secteurs d'activité constitués en application de l'article 209. 2. Chaque année, la régularisation est égale au cinquième du produit de la taxe initiale par la différence entre le coefficient de déduction de l'année et le coefficient de déduction de référence mentionné au 2 du V. Elle prend la forme d'une déduction complémentaire si cette différence est positive, d'un reversement dans le cas contraire. 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. (...) 4. La régularisation doit être effectuée avant le 25 avril de l'année suivante. Aucune régularisation n'est effectuée si la différence entre le produit des coefficients d'assujettissement et de taxation de l'année, d'une part, et le produit des coefficients d'assujettissement et de taxation de référence mentionnés au 2 du V, d'autre part, n'est pas supérieure, en valeur absolue, à un dixième. (...) III. - 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. 2. Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II (...) VI. - Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt. Ce reversement doit être opéré avant le 25 du mois qui suit celui au cours duquel l'événement qui motive le reversement est intervenu. (...) ".

6. Il résulte des articles 167 et 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans son arrêt du 29 février 1996 INZO (C-110/94), que le droit à déduction peut être exercé lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive. Il résulte des articles 184 et 185 de cette même directive, tels qu'interprétées par la CJUE notamment dans son arrêt du 9 juillet 2020 HF c/ Finanzamt Neuenahr-Ahrweiler (C-374/19), que le droit à déduction doit faire l'objet d'une régularisation si l'assujetti n'envisage plus d'utiliser les biens et les services en question pour réaliser des opérations taxées en aval, ou s'il les utilise pour effectuer des opérations exonérées. S'agissant des biens d'investissement, la régularisation est prévue, conformément à l'article 187 de la directive TVA, sur une période de cinq ans à compter de l'acquisition ou de la première utilisation du bien, si elle est postérieure (ou par dérogation sur une période de vingt ans pour les immeubles), et prend la forme d'une obligation de reversement partiel avant le 25 avril de chaque année, égal au cinquième (ou par dérogation au vingtième) du produit de la taxe initiale par la différence entre le coefficient de déduction de l'année et le coefficient de déduction, si elle est négative. Dès lors qu'un contribuable a déclaré son intention de réaliser une activité économique taxable et que l'administration ne conteste pas la sincérité de cette intention, la déduction de la taxe à laquelle il a procédé au titre de la période en cause lui est définitivement acquise. La circonstance que l'activité effectivement exercée soit exonérée est sans incidence sur le bien-fondé de la déduction initiale et est seulement susceptible d'entraîner, pour la contribuable, l'obligation de régulariser cette déduction.

7. Lorsqu'une société demandant, en réponse à la proposition de rectification, que soit noté à titre conservatoire son refus des rectifications envisagées, et bien qu'elle n'ait pas communiqué à l'administration les motifs de ce refus dans le délai prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, la société ne peut être considérée comme ayant accepté les rectifications en litige.

8. Par son courrier du 26 décembre 2018, la SCI Everest a sollicité un délai supplémentaire de trente jours pour répondre à la proposition de rectification, mais elle a également indiqué qu'elle contestait l'intégralité des rectifications mises à sa charge. La charge de la preuve incombe ainsi à l'administration.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la société requérante a obtenu, le 22 octobre 2013, le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ayant grevé l'acquisition du chalet et des biens mobiliers, ainsi que les frais engagés, pour un montant total de 3 800 000 euros en application d'un coefficient de déduction égal à l'unité. Le vérificateur a ramené le coefficient de déduction à 0,42 au vu des stipulations du bail prévoyant l'affectation du chalet à la location saisonnière seulement cinq mois par an, entre le 1er décembre et la fin avril et a procédé à une régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite à tort, ce qui a conduit à des rappels de taxe de 55 834 euros au titre des meubles et objets mobiliers calculés sur les trois années 2015 à 2017, et de 1 883 787 euros au titre du bien immobilier calculé sur les dix-huit années, 2015 à 2032, les années 2013 et 2014 étaient atteintes par la prescription. Par un avenant au bail du 4 juillet 2019, la SCI Everest et la SARL P.S. VAL ont supprimé la condition particulière de la périodicité de façon que le bail puisse désormais s'analyser comme un " bail saisonnier à périodes de douze mois ". L'administration a alors fait droit, le 28 février 2020, à la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée déposée par la société requérante le 23 juillet 2019 au titre de la période de juin 2019, à hauteur d'un montant de 1 465 168 euros, correspondant à 14/18ièmes (années 2019 à 2032) de la taxe déduite au titre du bien immobilier.

10. En premier lieu, le bail conclu le 14 août 2013 entre la SCI Everest et la SARL P.S. VAL mentionne, à plusieurs reprises, qu'il porte sur une location saisonnière correspondant à la période d'ouverture de la station de ski, soit du 1er décembre au 30 avril, prévoit que le bailleur reprend totalement possession du bien immobilier pendant chaque période d'intersaison, précise que ces conditions sont essentielles et déterminantes à la conclusion du bail et stipule que le loyer est fixé sur la base d'un pourcentage de 50 % sur le chiffre d'affaires réalisé par le preneur pendant la seule période du 1er décembre au 30 avril et que le bail ne peut pas recevoir la qualification de bail commercial. Ce bail du 14 août 2013 n'ouvre ainsi pas la possibilité de donner le bien immobilier en location en dehors de la période hivernale et ne définit pas les modalités de sa location en dehors de cette période. Ni l'attestation de la compagnie d'assurance Allianz Courchevel GIE produite par la SCI Everest, indiquant que la SARL P.S. VAL a souscrit un contrat multirisques hôtelier dans lequel est garanti également le chalet depuis l'origine du contrat le 14 octobre 2011, sans préciser si ce chalet est lui-même assuré pendant cinq ou douze mois par an, et qui concerne plusieurs biens immobiliers, ni l'attestation de la SARL P.S. VAL selon laquelle elle garde la jouissance exclusive du chalet en en conservant les clés à la fin de chaque saison d'hiver, aucun état des lieux contradictoire n'a jamais été établi depuis l'origine, elle prend en charge toute l'année les frais d'électricité et qu'elle n'a procédé à aucune refacturation à la SCI Everest pour les périodes d'intersaison, ne sont de nature à remettre en cause les clauses du bail du 14 août 2013, lesquelles stipulent que le preneur doit remettre les clés au bailleur avec transfert de tous abonnements et qu'un état des lieux contradictoire sera établi aux frais du preneur, à la fin de la saison d'hiver. La SCI Everest ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle la SARL P.S. VAL s'acquitterait des taxes et autres charges sur une base annuelle. Enfin, eu égard à ce qui précède, la société requérante ne peut pas davantage se prévaloir de la déclaration figurant dans l'avenant au bail du 4 juillet 2019 selon laquelle la restitution de la jouissance du chalet au profit de la SCI Everest pendant l'intersaison n'est jamais intervenue depuis la prise d'effet du bail du 14 août 2013.

11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'absence de location du chalet en-dehors de la saison d'hiver résulte de l'application du bail saisonnier du 14 août 2013 et ne peut être imputée à des circonstances indépendantes de la volonté de la SCI Everest. En tout état de cause, à supposer même que la SARL P.S. VAL ait été en mesure de donner le chalet en location en-dehors de la période du 1er décembre au 30 avril, la SCI Everest, qui se borne à faire valoir qu'un tel bien ne peut pas être loué en-dehors de la période d'ouverture hivernale de la station compte tenu du prix élevé de la location et de l'absence de services annexes durant cette période, n'établit ni même n'allègue qu'auraient été entreprises des démarches en vue de mettre en location le bien immobilier entre mai et novembre. Elle ne donne, au surplus, aucune précision sur le modèle économique de la location d'un tel bien sur l'année entière. Il résulte de ce qui précède qu'elle doit être regardée comme s'étant réservée la disposition du bien en vue d'une utilisation à des fins étrangères à l'exploitation sept mois par an. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la SCI Everest, l'administration a pu limiter le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à la part de l'utilisation du bien aux fins de ses activités professionnelles, correspondant à un coefficient de 0,42, en se fondant sur la durée effective de la période de mise à disposition du bien aux fins de sa location.

En ce qui concerne l'application de la documentation administrative :

12. La SCI Everest ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 180 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-50-10, qui concerne seulement les locaux nus à usage professionnel.

Sur les intérêts de retard :

13. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,20 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. (...) ". L'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales.

14. En premier lieu, la proposition de rectification du 21 décembre 2018 a fixé les intérêts de retard portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 à un montant de 232 755 euros sur la base d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 939 621 euros en droits. Si, par sa décision du 28 février 2020, l'administration a fait droit à la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 1 465 168 euros, ce remboursement, qui fait suite à la modification apportée au bail saisonnier du 14 août 2013 par l'avenant du 4 juillet 2019, est sans incidence sur le montant des intérêts de retard appliqués conformément aux dispositions précitées. Par suite, la SCI Everest n'est pas fondée à soutenir que les intérêts de retard n'ont pas été calculés conformément à la loi.

15. En second lieu, si la SCI Everest entend contester une compensation réalisée par le comptable public entre ses dettes et les créances fiscales du Trésor, un tel moyen, qui relève du recouvrement de l'impôt et ne concerne pas l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard, ne peut qu'être écarté comme inopérant.

16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI Everest n'est ni fondée à demander la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée pour lesquels le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer, ni fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2001196 du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2023 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin de non-lieu à statuer partiel présentées par l'administration devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions de la SCI Everest sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Everest et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01791
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ISAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;23ly01791 ?
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