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07/11/2024 | FRANCE | N°23LY00851

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 07 novembre 2024, 23LY00851


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provi

soire de séjour.



Par un jugement n° 2205628 du 26 décembre 2022, le tribunal a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2205628 du 26 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous huit jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de démonstration d'une fraude ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 (5°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 22 février 2023, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme B....

Par une ordonnance du 12 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de l'Union des Comores, née le 22 juin 1981 à Mitsamiouli, est entrée sur le territoire français métropolitain le 12 octobre 2019 avec son fils mineur né le 9 avril 2018 à Mamoudzou et reconnu par un ressortissant français sous couvert d'un titre de séjour valable uniquement pour la zone de Mayotte. Elle a demandé, le 22 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement de l'article désormais codifié L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au préfet de l'Isère qui, par un arrêté du 19 août 2022, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. En premier lieu, et en retenant, entre autres, pour établir une fraude constituée par la reconnaissance de paternité effectuée par le père déclaré de l'enfant, que Mme B... n'avait pas vécu avec ce dernier, le préfet n'a commis aucune une erreur de droit dans l'application de l'article L. 423-7 ci-dessus. Le moyen doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, des relevés de compte bancaire, et l'attestation du père français déclaré de l'enfant, dont il résulte un engagement à verser en faveur de ce dernier une pension alimentaire de 80 euros par mois à compter du mois de novembre 2022, d'une part, et en toute hypothèse, d'autres relevés bancaires concernant ce point et un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Grenoble du 24 juin 2024 relatif aux modalités d'exercice de l'autorité parentale et à la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, d'ailleurs produits après l'intervention de la clôture de l'instruction, d'autre part, éléments qui sont postérieurs au refus de séjour en litige, ne suffisent de toutes les façons pas, malgré l'erreur commise par les premiers juges sur l'identité exacte de ce prétendu père, à démontrer l'absence de caractère frauduleux de sa reconnaissance de paternité anticipée. Pour le surplus, le moyen tiré de la méconnaissance par le refus de titre contesté des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'enfant de Mme B... ne saurait être regardé, en l'état, comme de nationalité française, si bien que, en toute hypothèse, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale qu'elle forme avec son fils puisse se reconstituer hors de France métropolitaine, où elle ne résidait que depuis environ trois ans à la date de la décision en litige, et en particulier aux Comores, pays dont elle a la nationalité. Pour le surplus, faute d'éléments nouveaux en appel antérieurs à la décision contestée, le moyen tiré de la méconnaissance, par le refus de titre de séjour en litige, des stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges.

7. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6 ci-dessus, pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas que le refus de titre de séjour en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...). ".

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, son enfant ne pouvant être regardé comme de nationalité française, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire en litige méconnaîtrait les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 citées au point précédent. Le moyen ne peut être retenu.

10. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 6 et 7, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. Les moyens ne peuvent qu'être écartés.

11. En septième lieu, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir, pour invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, qu'elle ne vise pas à tort Mayotte, dès lors qu'il s'agit d'un département faisant partie du territoire français. Pour le surplus, le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.

12. En huitième lieu, les moyens déjà soulevés en première instance, tirés de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'un défaut de motivation, et méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

13. En neuvième lieu, si Mme B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et fait valoir à ce titre que cette décision ne vise pas à tort Mayotte, en toute hypothèse, elle ne saurait utilement le faire compte tenu de ce qui a été dit à ce sujet au point 11. Par ailleurs, un tel moyen, qui reprend pour le surplus les mêmes éléments que ceux invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour devant les premiers juges, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point précédent. De plus, le moyen tiré de ce que la décision portant fixation du pays de destination méconnaîtrait ces mêmes stipulations doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés.

14. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Le moyen doit donc être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

Le rapporteur,

J. ChassagneLe président,

V-M. Picard

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00851

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00851
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;23ly00851 ?
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