Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... F..., Mme C... E... épouse F... et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 5 juillet 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2304700-2304701-2304702 du 10 août 2023, la magistrate désignée du tribunal a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 novembre 2023, M. et Mmes F..., représentés par Me Huard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour ou subsidiairement, de réexaminer leur situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions en litige sont intervenues en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elles méconnaissent l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le préfet de l'Isère, à qui la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
M. et Mmes F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F..., Mme C... E... épouse F..., ressortissants kosovars nés respectivement le 14 mars 1971 et le 23 mars 1971, sont entrés en France le 16 juin 2022, selon leurs déclarations, accompagnés de leur fille A... F..., née le 29 juin 2002, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Leur demande, traitée selon la procédure accélérée, a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 avril 2023. Par arrêtés du 5 juillet 2023, le préfet de l'Isère leur a fait obligation de quitter le territoire sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a accordé un délai de départ de trente jours et a fixé le pays de destination. Les consorts F... relèvent appel du jugement du 10 août 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal a rejeté leur demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français ou la fixation du délai de départ volontaire, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.
3. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mmes F... ont été rendus destinataires, par la brochure d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de l'examen d'une demande d'asile qui leur a été remise le 8 juillet 2022, d'une information écrite relative aux conditions de leur admission au séjour en France à un autre titre que l'asile et aux conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements, et, notamment, en cas de maladie, si bien qu'ils n'ont pas été privés de présenter toutes observations qu'ils estimaient utiles, en particulier, sur l'état de santé de leur fille, à l'administration. A cet égard, s'ils font valoir que leur fille A... souffre d'une dermatomyosite avec anticorps anti NXP2, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de prise en charge de cette maladie exposerait leur fille à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait être soignée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'ils disposaient d'informations qui, si elles avaient été portées à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement, auraient été de nature à faire obstacle à d'adoption de cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
6. Si les requérants font valoir que Mme A... F... souffre d'une dermatomyosite avec anticorps anti NXP2, il ne ressort pas des pièces du dossier, et, notamment, des certificats médicaux produits, qui se bornent à décrire l'historique de sa maladie ainsi que les traitements qui ont été mis en place, et à indiquer, pour le certificat du 3 janvier 2024 établi par un interne du service de médecine interne du CHU Grenoble Alpes, que " son état de santé nécessite des soins indispensables à sa santé, sous forme de perfusions mensuelles ", que l'absence de traitement serait susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que ces soins ne pourraient lui être prodigués dans son pays d'origine. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en les obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions citées au point 6.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mmes F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'annulation. Les conclusions de leur requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. et Mmes F... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mmes F....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. et Mmes F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., Mme C... E... épouse F..., Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
A. D...Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03603