Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 18 août 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2306046 du 10 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Samba Sambeligue, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 18 août 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur quant au signataire de l'arrêté litigieux ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivés et n'ont pas été précédés d'un examen de sa situation particulière ;
- ces décisions méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été adoptée en méconnaissance de son droit à être préalablement entendue ;
- elle méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par décision du 20 mars 2024, la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été déclarée caduque.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 18 août 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que le premier juge a, au point 3 de ce jugement, répondu, avec une précision suffisante, au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux. L'erreur dont cette motivation est entachée quant à l'identité du signataire de l'arrêté litigieux n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé de ce jugement et demeure sans incidence sur sa régularité. En conséquence, à supposer que Mme A... ait ainsi entendu contester la régularité du jugement, ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le fond du litige :
3. En premier lieu, le préfet de l'Isère a énoncé l'ensemble des considérations de droit et de fait justifiant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à Mme A.... Alors même qu'il n'y était pas tenu, il a, en outre et contrairement à ce que prétend Mme A..., précisément fait état de sa situation personnelle pour justifier que ces décisions ne portent pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, il ressort de cet arrêté que le préfet de l'Isère ne s'est nullement estimé, à tort, tenu d'adopter une mesure d'éloignement à l'encontre de Mme A..., en raison, notamment, du rejet de sa demande d'asile. Par suite, Mme A... n'est fondée à soutenir ni que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne seraient pas suffisamment motivées, ni qu'elles n'ont pas été précédées d'un examen de sa situation particulière.
4. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union et le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Néanmoins, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, le préfet doit être regardé comme mettant en œuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Il résulte notamment de ce principe le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. Ce droit se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. En outre, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où l'obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne le refus de titre de séjour.
5. Mme A... ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour, elle a été en mesure, à cette occasion, de préciser à l'administration les motifs de cette demande et produire tous éléments susceptibles de venir à son soutien. Il lui appartenait de fournir spontanément à l'administration tout élément utile relatif à sa situation et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait été privée de la possibilité de présenter de tels éléments à l'appui de sa demande. Par suite, et sans que le préfet n'ait été tenu de l'inviter à présenter préalablement ses observations, Mme A... n'a pas été privée de son droit à être entendue, tel que garanti par le droit de l'Union européenne.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
7. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A..., le préfet de l'Isère a suivi le sens de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 18 août 2023, selon lequel si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si Mme A... indique être atteinte du syndrome d'immunodéficience acquise, elle ne précise pas même le traitement qu'elle suivait à la date de l'arrêté litigieux. L'unique certificat médical qu'elle produit, antérieur de plus de deux ans à cet arrêté et muet sur la disponibilité d'un traitement dans son pays d'origine, ne permet pas de contredire cet avis. Elle n'apporte pas davantage de justifications à l'appui de son affirmation selon laquelle cette pathologie ne pourrait être prise en charge en dehors de la capitale guinéenne. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que, par l'arrêté litigieux, le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions citées au point 6.
8. En quatrième lieu, Mme A..., ressortissante guinéenne née en 1993, vit, d'après ses déclarations, depuis le mois de mai 2021 en France. A la date de l'arrêté litigieux, elle résidait ainsi depuis moins de deux ans sur le territoire français, où elle est entrée à l'âge de vingt-sept ans et où elle ne justifie d'aucune attache privée ou familiale, la seule production d'un titre de séjour ne suffisant pas à démontrer la réalité de la relation qu'elle prétend entretenir avec un compatriote. Il résulte par ailleurs de ce qui précède qu'elle n'établit pas que son état de santé nécessiterait qu'elle demeure sur le territoire français. Dans ces conditions, et nonobstant l'activité professionnelle dont Mme A... se prévaut, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle, en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation discrétionnaire.
9. En dernier lieu, si Mme A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne conteste pas qu'elle relevait du 4° de cet article, autorisant le préfet à adopter une telle mesure d'éloignement à son encontre.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
11. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03499