Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2301920 du 26 septembre 2023, la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 novembre 2023 et le 6 octobre 2024, ce dernier non communiqué, M. C..., représenté par Me Traoré, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, d'une part, de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt, d'autre part, d'effacer son signalement du fichier système d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle a été adoptée par une autorité incompétente pour ce faire ;
- elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elle ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3,1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le refus d'un délai de départ volontaire supérieur à tente jours méconnaît l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est disproportionnée.
Le préfet du Puy-de-Dôme auquel la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A... ;
1. M. C..., ressortissant congolais né le 20 mars 1993, est entré en France le 31 août 2020, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu, par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 3 mai 2023. Le 20 septembre 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 juillet 2023, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, (...) la prévention des infractions pénales (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques (...) des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a établi une relation amoureuse avec Mme D..., sa compatriote, au cours de l'année 2022, qu'il a reconnu le fils de cette dernière le 17 octobre 2023 et qu'un deuxième enfant est né de leur union le 22 juin 2023. Il est constant également que Mme D..., qui s'est vue reconnaître la protection subsidiaire compte tenu des violences qu'elle a subies en République démocratique du Congo et de l'absence de protection effective des autorités, ne peut accompagner M. C... dans leur pays d'origine. Dans ces circonstances, et alors même qu'il avait déclaré être célibataire lors de la demande de titre de séjour introduite en septembre 2021, le requérant, qui n'articule des moyens qu'à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, est fondé à soutenir que cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il s'ensuit que la décision du préfet du Puy-de-Dôme du 13 juillet 2023 obligeant M. C... à quitter le territoire français doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la fixation du délai de départ volontaire et du pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la fixation du délai de départ volontaire et du pays de destination et de l'interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire implique que
le préfet du Puy-de-Dôme procède au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de trois mois et que le requérant soit muni d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions citées au point précédent. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer cette autorisation dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat peut se prévaloir de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Traoré renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois après remise, sous quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le jugement n° 2301920 de la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 septembre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Traoré, avocat M. C..., la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Puy-de-Dôme. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
A. A...Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03424