Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
La société Lumilec a demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) de condamner la commune de Rosoy et M. A..., architecte, à lui verser la somme de 72 024,09 euros en rémunération de travaux supplémentaires réalisés en exécution du marché du lot " électricité-éclairage-chauffage électrique " dont elle était titulaire, pour la reconversion de l'ancienne mairie-école communale ;
2°) de condamner la commune de Rosoy à lui verser la somme de 14 400 euros en indemnisation des préjudices qu'elle soutient avoir subis.
Par jugement nos 2002324, 2003470 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Dijon, après avoir fixé le solde du décompte général du lot, créditeur pour l'entreprise, à 32 993,83 euros TTC, a condamné la commune de Rosoy à verser cette somme à la société Lumilec et rejeté le surplus des demandes des parties.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 août 2023 et le 5 avril 2024, la commune de Rosoy, représentée par Me Supplisson (SELARL Legipublic Avocats), demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de fixer le solde du décompte du lot, débiteur pour l'entreprise, à 264 338,64 euros et de condamner la société Lumilec à lui verser cette somme, outre une indemnité de 18 000 euros ;
3°) de condamner M. A... à la garantir de toute éventuelle condamnation ;
4°) de mettre à la charge de la société Lumilec la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer et est insuffisamment motivé, à défaut d'avoir justifié qu'un changement de la puissance électrique des installations implique la réalisation de travaux supplémentaires ;
- elle n'est pas à l'origine de travaux supplémentaires mis à la charge de la société Lumilec, l'activité de restauration ayant été prévue et le raccordement de la cuisine mis à sa charge, dès le contrat initial, dans des conditions qui n'ont pas été ultérieurement modifiées à son initiative ;
- aucune prolongation des délais contractuels d'exécution n'a pu résulter du courrier électronique du maître d'œuvre du 6 novembre 2018, à défaut d'approbation du maître d'ouvrage et d'ordre de service en ce sens, comme le prévoient les articles 19.21 et 19.23 du CCAG Travaux ;
- le retard constaté résulte du seul mauvais vouloir de la société Lumilec ;
- les travaux n'étaient pas achevés au 26 novembre 2018, la société Lumilec ayant indûment subordonné la poursuite des travaux à la signature d'un avenant et le compteur provisoire installé par la commune n'ayant pas fait obstacle à la réception des travaux ;
- en conséquence, le poste " travaux supplémentaires " figurant au crédit du décompte général du lot n°8 doit être supprimé et le poste " pénalités de retard ", d'un montant de 260 500 euros, doit être intégré au débit de ce décompte, dont le solde s'élève ainsi à 264 338,64 euros en sa faveur, après prise en compte de la somme de 80 601 euros déjà versée ;
- la société Lumilec doit en conséquence être en outre condamnée à lui verser la somme de 18 000 euros, en compensation de la perte d'exploitation subie en raison du retard pris dans l'exploitation du local ;
- si des travaux supplémentaires s'avéraient dus à la société Lumilec, ils seraient imputables à la seule imprécision des prescriptions techniques, et donc à une faute du maître d'œuvre, lequel devra la garantir de toute condamnation.
Par mémoire enregistré le 30 avril 2024, la société Lumilec, représentée par Me Touitou, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) à titre incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2023, en portant le solde créditeur du marché et la condamnation de la commune de Rosoy à la somme de 77 223,45 euros TTC ;
2°) subsidiairement, de condamner solidairement la commune de Rosoy et M. A... à lui verser la somme de 77 223,45 euros TTC ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rosoy la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
- la requête d'appel est irrecevable, à défaut pour le maire de la commune de justifier avoir été habilité à former un tel recours et en se bornant à reprendre les moyens de première instance ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- le montant des travaux supplémentaires qu'elle a été amenée à réaliser s'élèvent à 39 993,60 euros TTC ;
- la commune doit en outre être condamnée à lui verser la somme de 3 600 euros en raison des études supplémentaires que ces travaux ont nécessitées ;
- elle doit être condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation des difficultés rencontrées dans l'exécution du marché, en raison des fautes commises par la commune, qui ont porté atteinte à son image et à la qualité de ses prestations, et du retard de règlement du marché ;
- la commune doit être condamnée à lui verser 14 400 euros au vu des frais de déplacement et des frais d'avocat qu'elle a été amenée à supporter devant le tribunal judiciaire et pour la rédaction d'une réclamation ;
- les frais accordés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance doivent être rehaussés ;
- en tant que de besoin, la condamnation solidaire du maître d'œuvre et du maître d'ouvrage sera prononcée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Touitou, pour la société Lumilec ;
Considérant ce qui suit :
1. Afin de réhabiliter le bâtiment antérieurement occupé par la mairie et l'école en un espace de bureaux partagés, de restauration et d'animations culturelles, la commune de Rosoy a confié une mission complète de maîtrise d'œuvre à M. B... A..., architecte, par acte d'engagement du 20 juin 2014, puis le lot n° 8 " électricité-éclairage-chauffage électrique " à la société Lumilec par un premier acte d'engagement signé le 28 novembre 2017, réitéré par un second le 15 février 2018. Par courriers des 11 et 12 mai 2020, la société Lumilec a transmis au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage son projet de décompte final, accompagné d'un mémoire de réclamation, incluant le paiement de travaux et d'études supplémentaires et une indemnité en réparation de préjudices causés par les conditions d'exécution du marché. Par courrier du 18 juin 2020, la commune de Rosoy a rejeté ce mémoire de réclamation et informé la société Lumilec de l'émission à venir d'un titre exécutoire, en vue de recouvrer des pénalités de retard, outre une indemnisation du préjudice causé par la perte d'exploitation des locaux. La société Lumilec a contesté ces pénalités et préjudices et mis en demeure la commune d'établir le décompte général du marché, par courrier du 15 juillet 2020, puis, en l'absence de réponse, a présenté une nouvelle réclamation, par courrier du 4 août 2020, avant de saisir le tribunal administratif de Dijon, en demandant la condamnation de la commune de Rosoy à lui verser la somme de 72 024,09 euros TTC au titre du solde du lot n° 8, outre 14 400 euros TTC au titre de divers préjudices subis. Le tribunal a fait droit à cette demande à hauteur de 32 993,83 euros, en rejetant le surplus des demandes des parties, par jugement du 29 juin 2023. En appel, la commune de Rosoy et, par la voie de l'appel incident, la société Lumilec demandent que le solde du décompte de ce marché soit fixé, en leur faveur, aux sommes, respectivement, de 264 338,64 euros ou de 77 223,45 euros. La société Lumilec demande en outre la condamnation solidaire de la commune de Rosoy et de M. A... à lui verser la somme réclamée.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. En premier lieu, par délibération du 26 mai 2020, le conseil municipal de Rosoy a habilité le maire à intenter au nom de la commune les actions en justice dans tous les cas où les intérêts de celle-ci seraient menacés. Par suite, et contrairement à ce que soutient en défense la société Lumilec, le maire de Rosoy était habilité à relever appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2023.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".
4. La requête de la commune de Rosoy, bien que sommaire et annonçant la production d'un mémoire complémentaire, contient l'exposé de moyens critiquant le jugement attaqué et énoncés avec suffisamment de précisions pour permettre à la cour de statuer. Elle est, par suite, suffisamment motivée et la fin de non-recevoir opposée en défense par la société Lumilec sur le fondement des dispositions précitées doit, dès lors, être écartée.
Sur la régularité du jugement :
5. Contrairement à ce que soutient la commune de Rosoy, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments qui leur était soumis, ont, aux points 6 à 9 du jugement attaqué, indiqué avec une précision suffisante les circonstances de droit et de fait pour lesquelles ils ont fait partiellement droit à la demande d'indemnisation présentée par la société Lumilec à raison de travaux supplémentaires, en relevant notamment que, s'agissant de la puissance électrique requise, les modifications souhaitées par l'exploitant n'avaient pas été intégrées dans le marché de février 2018 et avaient généré des travaux supplémentaires identifiés dans le décompte du mois de septembre 2018. Ainsi, et sans qu'ils aient été tenus d'être plus précis quant à la nécessité de réaliser de tels travaux, les premiers juges ont ainsi suffisamment motivé leur décision, qui n'est pas entachée d'omission à statuer sur ce point.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne les éléments du décompte :
S'agissant des travaux et études supplémentaires invoqués par la société Lumilec :
6. Aux termes de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux et applicable au marché en vertu de l'article 2.2 de son cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " (...) Si l'augmentation de la masse des travaux est supérieure à l'augmentation limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette augmentation au-delà de l'augmentation limite. / L'augmentation limite est fixée : Pour un marché à prix forfaitaires, au vingtième de la masse initiale (...) 15.4. Lorsque la masse des travaux exécutés atteint la masse initiale, l'entrepreneur doit arrêter les travaux s'il n'a pas reçu un ordre de service lui notifiant la décision de les poursuivre prise par la personne responsable du marché. (...) A défaut d'ordre de poursuivre, les travaux qui sont exécutés au-delà de la masse initiale ne sont pas payés (...) ".
7. Les dispositions de l'article 15.3 du CCAG applicable aux marchés publics de travaux, qui prévoient l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux et sur ordre de service du maître d'ouvrage, pour des montants, dans le cas des marchés à prix forfaitaire, excédant le vingtième de la masse initiale, ne font pas obstacle à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, quel qu'en soit le montant sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.
8. En premier lieu, pour prétendre à l'indemnisation de travaux supplémentaires, la société Lumilec soutient que l'évolution du projet de l'exploitant des locaux, d'un lieu de restauration rapide de type snack à un restaurant, a induit un accroissement de ses besoins en puissance électrique disponible, passant, auprès du fournisseur d'énergie, d'un abonnement dit tarif bleu à un abonnement dit tarif jaune nécessitant une modification de l'appareillage à installer. Toutefois, si aucun des documents contractuels ne décrit précisément la nature des activités de restauration qui avaient vocation à être accueillies dans ces locaux, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché visait, parmi les normes à respecter, la norme UTE C 15-201 relative aux " installations électriques des grandes cuisines ", sans, contrairement à ce que soutient la société Lumilec, référence ni à la norme 14-100, ni au tarif bleu. Une telle référence ne figure pas davantage dans la décomposition du prix global et forfaitaire de la société Lumilec établie en février 2018. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'un ordre de service, ou quelque autre demande du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre, ait ultérieurement modifié les prestations ainsi mises à sa charge par le contrat. Par suite, et ainsi que le soutient la commune de Rosoy, la société Lumilec n'est pas fondée à demander la rémunération, en tant que travaux supplémentaires, des prestations nécessaires à l'alimentation électrique de la cuisine par une puissance électrique conforme à une activité de restauration que les locaux devaient accueillir, lesquelles relevaient de ses obligations contractuelles et étaient ainsi incluses dans le forfait contractuel de rémunération.
9. En second lieu, et en conséquence de ce qui précède, la société Lumilec n'est pas davantage fondée à demander l'indemnisation d'études supplémentaires, qui auraient été rendues nécessaires par ces travaux.
10. Par suite, la commune de Rosoy est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a accordé la somme de 17 900 euros HT à la société Lumilec au titre de travaux supplémentaires.
S'agissant des pénalités de retard et de la perte d'exploitation invoquées par la commune de Rosoy :
11. Aux termes, d'une part, de l'article III de l'acte d'engagement souscrit par la société Lumilec et relatif aux délais : " Les délais des travaux sont fixés à (...) 10 mois (...) Les travaux débuteront à compter de la date fixée par l'ordre de service qui prescrira de les commencer ". Aux termes, d'autre part, de l'article 4 du CCAP du marché : " 4.1 Délai d'exécution des travaux / Le délai global d'exécution de l'ensemble des lots (...) constituant la présente opération est fixé à l'acte d'engagement. / La date de départ du délai global d'exécution sera fixée par ordre de service (...) 4.2 Calendrier détaillé d'exécution / Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le maître d'œuvre après consultation des entrepreneurs titulaires des différents lots suivants dispositions visé à l'article 4.1 ci-dessus. / Ce calendrier indiquera pour chacun des lots : - la durée et la date probable de départ du délai d'exécution qui lui est propre (...) / Au cours du chantier et avec l'accord des différents entrepreneurs concernés, le maître d'œuvre peut modifier le calendrier d'exécution dans la limite du délai d'exécution de l'ensemble des lots fixés à l'article 3 de l'acte d'engagement (...) 4.3 Pénalités / 4.3.1 Pénalités pour retard dans l'exécution / Les stipulations de l'article 20.1 du CCAG sont applicables sans qu'il soit besoin de mise en demeure préalable, une simple constatation étant suffisante. / En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 500 euros. / Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre (...) ".
12. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Toutefois, lorsque le cocontractant n'est que partiellement responsable d'un retard dans l'exécution du contrat, les pénalités applicables doivent être calculées seulement d'après le nombre de jours de retard imputables au cocontractant lui-même.
13. Il résulte de l'instruction, en particulier de la réponse du 18 juin 2020 à la réclamation de la société Lumilec, que, pour fixer à 260 500 euros le montant des pénalités de retard attendues de cette dernière, le maire de Rosoy a retenu un retard de dix-sept mois, entre le 28 juillet 2018 et le 31 décembre 2019, date de réception définitive des travaux fixée unilatéralement par la commune par décision du 17 janvier 2020. Toutefois, d'une part, en vertu de l'article III de l'acte d'engagement du 9 février 2018, le délai contractuel d'exécution des travaux était de dix mois à compter de la date de commencement des travaux, laquelle a été fixée au 26 février 2018 par ordre de service du même jour. Si ce même ordre de service fixe au 27 juillet 2018 le terme du délai d'exécution applicable au lot de la société Lumilec, il résulte de l'instruction, en particulier des courriers électroniques échangés entre la société Lumilec, la société Enedis et les services de la commune de Rosoy aux mois de juin et de juillet 2018, que ces derniers ont tardé à engager certaines démarches auprès d'Enedis. Ainsi, la société Lumilec a été informée le 1er août 2018 seulement de la décision de la commune quant à la localisation d'une armoire et d'un coffret électriques. Contrairement à ce que soutient la commune de Rosoy, la société Lumilec n'était ainsi pas en mesure de respecter le délai d'exécution fixé pour son lot, sans que ce retard ne lui soit imputable. D'autre part, par courriel du 6 novembre 2018, le maître d'œuvre a fait part aux différents entrepreneurs, dont la société Lumilec, d'une nouvelle échéance de réalisation des travaux fixée au 29 novembre 2018, en précisant qu'aucune pénalité ne serait appliquée si cette échéance était respectée. Le maître d'œuvre a ainsi fait usage, dans le respect du délai global d'exécution fixé à l'article III de l'acte d'engagement, du pouvoir de modifier le calendrier d'exécution des lots qui lui est attribué, sans requérir l'accord du maître d'ouvrage, par l'article 4.2 du CCAP. Il résulte de l'instruction que, malgré les menaces d'interruption de travaux proférées par la société Lumilec dans un courriel du 7 novembre 2018, les travaux lui incombant étaient achevés au 26 novembre 2018, ainsi qu'il résulte du compte-rendu de chantier n° 14, seule l'installation d'un compteur électrique provisoire à l'initiative de la commune, et en dehors de toute stipulation du marché, faisant alors obstacle à la réception des travaux. L'achèvement des travaux ainsi constaté ne saurait être remis en cause ni par les constats qui auraient été faits par huissier plusieurs jours auparavant, ni par celui retracé dans le procès-verbal des opérations préalables à la réception daté du 22 mars 2019, indiquant que les branchements réalisés par l'entreprise n'étaient plus opérationnels depuis le dépôt du compteur électrique provisoire et que les vérifications et mises en service n'ont pu être réalisées. En conséquence, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, aucune pénalité de retard, ni davantage aucune perte d'exploitation ne pouvaient être imputées à la société Lumilec.
S'agissant des autres préjudices invoqués par la société Lumilec :
14. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
15. Si la société Lumilec invoque des difficultés inhabituelles rencontrées dans l'exécution du marché dues à l'attitude du maître d'ouvrage, elle ne démontre nullement, en l'absence d'autres précisions, que la commune aurait eu un comportement fautif dans " la gestion contractuelle du marché à procédure adaptée ", dans sa relation avec le fournisseur d'énergie ou à l'origine de retards dans d'autres lots, comme elle l'invoque. Elle ne précise pas davantage, ni ne démontre la réalité des préjudices qu'elle aurait subis du fait de l'installation d'un compteur électrique provisoire à l'initiative de la commune. Enfin, la seule circonstance que des différends, ayant nécessité différents actes de procédure, l'aient opposée à la commune ne saurait davantage établir l'existence d'une faute de la commune dans l'exécution du contrat.
16. En second lieu, en se bornant à évoquer des différends virulents sans caractériser aucune faute propre à engager la responsabilité de la commune de Rosoy, la société Lumilec n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'un préjudice tenant aux divers frais qu'elle a été amenée à exposer pour la défense de ses intérêts.
En ce qui concerne le solde du décompte final du marché :
17. Au vu du projet de décompte général final établi par la société Lumilec et compte tenu de ce qui précède, doivent seuls figurer au crédit de ce décompte le montant des travaux prévu par le marché soit 91 101,60 TTC (75 918 euros HT), outre la révision des prix pour un montant de 489,89 euros TTC (408,24 euros HT). Il résulte, par ailleurs, de l'énumération des paiements reçus produite par la société Lumilec, et non démentie par la commune de Rosoy, que celle-ci lui a versé une somme totale de 76 570,95 euros TTC en exécution de ce marché, indépendamment du reversement d'une garantie d'un montant de 4 029,45 euros. Dès lors, le solde de ce décompte doit être fixé à 15 020,54 euros TTC en faveur de la société Lumilec.
18. Le paiement de cette somme doit être mis à la charge de la seule commune de Rosoy, sans que la société Lumilec, qui n'apporte au demeurant aucune justification à l'appui de cette demande, ne soit fondée à demander une condamnation solidaire de celle-ci et du maître d'œuvre, M. A....
19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Lumilec n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué et, d'autre part, que la commune de Rosoy est seulement fondée à demander que le solde du décompte du marché du lot n° 8 la liant à la société Lumilec, ainsi que la somme qu'elle est condamnée à verser à cette dernière, soient ramenés de 32 993,83 euros TTC à 15 020,54 euros TTC et à demander la réformation du jugement dans cette mesure.
Sur les frais d'instance :
20. En premier lieu, si la société Lumilec demande que la somme de 3 000 euros lui soit allouée au titre des frais qu'elle a exposés en première instance, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal ait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, en rejetant l'ensemble des conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
21. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Rosoy et la société Lumilec en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le solde du décompte du lot n° 8 du marché de travaux conclu entre la commune de Rosoy et la société Lumilec, ainsi que la somme que la commune de Rosoy est condamnée à verser à la société Lumilec, fixés à 32 993,83 euros TTC par les articles 1 et 2 du jugement nos 2002324, 2003470 du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2023, sont ramenés à 15 020,54 euros TTC.
Article 2 : Le jugement nos 2002324, 2003470 du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rosoy, à la société Lumilec et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 23LY02779