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31/10/2024 | FRANCE | N°22LY03690

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 22LY03690


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Cerdon a rejeté sa demande du 12 février 2021 tendant à la réalisation de travaux sur le chemin d'Epierre et d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de remettre en état ce chemin dans le délai d'un mois.



Par jugement n° 2104040 du 15 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2022 et le 25 septembre 2023, M. A..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Cerdon a rejeté sa demande du 12 février 2021 tendant à la réalisation de travaux sur le chemin d'Epierre et d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de remettre en état ce chemin dans le délai d'un mois.

Par jugement n° 2104040 du 15 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2022 et le 25 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Menant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette décision ;

2°) d'enjoindre au maire de Cerdon de faire procéder à la remise en état du chemin d'Epierre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cerdon la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune est tenue d'entretenir ce chemin, dans la mesure où il constitue un chemin communal ;

- à tout le moins, elle est tenue de procéder à cet entretien en vertu des dispositions de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu'il s'agit d'un chemin rural ;

- il incombe au maire, au titre de ses pouvoirs de police, de prendre toute mesure destinée à sauvegarder l'intégrité du chemin ;

- le château d'Epierre bénéficiant d'une servitude d'utilité publique, il doit être desservi ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par mémoires enregistrés le 29 août 2023 et le 24 septembre 2024 (ce dernier non communiqué), la commune de Cerdon, représentée par le cabinet d'avocats Philippe Petit et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le chemin en cause est un chemin rural et non une voie communale, n'ayant jamais été classé parmi ces voies ;

- la circonstance que la commune ait, en 2019, procédé à de menues opérations de comblement de trous dans la chaussée, pour des motifs de sécurité, ne suffit à constater qu'elle aurait entendu prendre en charge l'entretien courant du chemin ;

- les pouvoirs de police n'obligent pas la commune à entretenir le chemin mais induisent uniquement que le maire s'assure de la sécurité des usagers et riverains ;

- la servitude d'utilité publique AC1 dont est grevé le chemin, relative aux monuments historiques, vise uniquement à la protection du patrimoine.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- la loi du 20 août 1881 relative au code rural ;

- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Psilakis, rapporteure publique,

- les observations de M. A..., et celles de Me Piechon pour la commune de Cerdon.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Cerdon a rejeté sa demande tendant à la réalisation de travaux d'entretien sur le chemin dit " chemin d'Epierre ".

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales (...) ". Aux termes de l'article L. 141-3 du même code : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : 1° Les voies urbaines ; 2° Les chemins vicinaux à l'état d'entretien ; le préfet établira, à cet effet, dans un délai de six mois, la liste par commune des chemins vicinaux à l'état d'entretien ; 3° Ceux des chemins ruraux reconnus, dont le conseil municipal aura, dans un délai de six mois, décidé l'incorporation ; cette délibération pourra être prise sans enquête publique ". L'article 12 de la même ordonnance dispose que : " Les chemins vicinaux et les chemins ruraux reconnus autres que ceux visés à l'article 9 sont incorporés de plein droit à la voirie rurale de la commune ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 20 août 1881 relative au code rural, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959 : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage public, qui n'ont pas été classés comme chemins vicinaux ". Aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Le conseil municipal peut, sur la proposition du maire, déterminer ceux des chemins ruraux qui devront être l'objet des arrêtés de reconnaissance (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : (...) 20° Les dépenses d'entretien des voies communales (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ". L'article L. 161-3 de ce code dispose que : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ".

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le chemin d'Epierre, qui existait avant 1959, ait fait l'objet, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959, d'un arrêté de reconnaissance pris en vertu des dispositions précitées de la loi du 20 août 1881. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce chemin, qui n'est pas situé en agglomération, ait fait l'objet de l'une des procédures de classement prévues par l'article 9 de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Par suite, et sans égard à la terminologie adoptée par le plan local d'urbanisme de Cerdon ou par le commissaire-enquêteur désigné pour la révision de ce plan, le chemin en litige ne fait pas partie du domaine public routier communal et est demeuré dans la voirie rurale de la commune de Cerdon en application de l'article 12 de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté que ce chemin, qui est librement ouvert à la circulation et utilisé comme voie de passage, notamment, par les randonneurs, est affecté à l'usage du public. Par suite, le chemin d'Epierre, qui appartient à la commune sans être classé dans la voirie communale, est un chemin rural en application des dispositions combinées des articles L. 161-1 à L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime.

5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les communes ne peuvent être tenues à l'entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. En outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d'entretien auxquelles la commune pourrait être soumise.

6. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, du procès-verbal du constat établi par un commissaire de justice le 4 février 2023 ainsi que de la lettre du 16 mars 2015 par laquelle le préfet de l'Ain a déféré au tribunal administratif de Grenoble les permis de construire accordés par la commune de Cerdon au requérant en vue du réaménagement d'un bâtiment existant, que le chemin d'Epierre est une voie non revêtue, large de 2,5 mètres, sur une longueur de 1,08 kilomètre, qui, si elle peut être empruntée par les randonneurs, ne dessert que la seule habitation du requérant. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et, notamment, des attestations de témoins produites par M. A..., qui affirment sans autre précision que le chemin a été régulièrement entretenu, que la commune de Cerdon, qui s'est bornée à intervenir très ponctuellement pour élaguer des arbustes sur les accotements et remédier aux effets d'un évènement météorologique aurait, ce faisant, exécuté des travaux destinés à assurer ou à améliorer la viabilité de ce chemin et ainsi accepté d'en assumer l'entretien. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la commune de Cerdon serait tenue d'entreprendre des travaux de réfection de la chaussée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues (...) et voies publiques (...) ".

8. M. A... fait valoir que la circulation automobile sur le chemin rural en litige est difficile compte tenu de son piètre état d'entretien et que ce chemin est emprunté par de nombreux randonneurs qui ont constaté des chutes de pierre. Toutefois, le maire de Cerdon, en interdisant, par un arrêté du 18 février 2022, l'accès à la cascade de la Fouge, a pris, s'agissant de la portion du chemin, postérieure au château d'Epierre, sujette à des éboulements, les mesures propres à assurer la sécurité des usagers de ce chemin. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circulation automobile sur la section de chemin desservant le château, si elle doit être effectuée à vitesse réduite compte tenu de l'étroitesse de la voie, de ce qu'elle n'est pas revêtue et présente par endroits des ornières, serait de nature à exposer les usagers, peu nombreux, à un risque pour leur sécurité ni que la conservation du domaine privé de la commune serait compromise. Enfin, la police de la conservation des chemins ruraux qui incombe au maire n'a pas pour objet ou pour effet de mettre à la charge de la commune une obligation d'entretien. Il s'ensuit que le maire de Cerdon a pu, sans méconnaître les dispositions citées aux points précédents ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, s'abstenir de faire usage des pouvoirs de police de circulation et de la conservation des chemins ruraux.

9. En dernier lieu, l'inscription du château d'Epierre à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, par arrêté du préfet de la région Rhône-Alpes du 30 mai 2005, si elle s'est traduite par l'entrée en vigueur d'une servitude d'utilité publique de type AC1 reportée en annexe du plan local d'urbanisme (PLU) de Cerdon, impose à M. A..., en sa qualité de propriétaire, d'en assurer la conservation, mais est dépourvue d'effet sur le chemin rural le desservant. Il suit de là que la commune de Cerdon ne supporte de ce chef aucune obligation d'entretien particulière à la protection des monuments historiques.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation. Les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées.

11. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cerdon, qui n'est pas partie dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à la commune de Cerdon de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Cerdon la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Cerdon.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

A. C...Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03690
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-04 Collectivités territoriales. - Commune. - Biens de la commune. - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : CABINET MENANT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;22ly03690 ?
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